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Alain Cappon (Traducteur)
EAN : 9782940701421
192 pages
Editions des Syrtes (03/03/2023)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Roman-chronique racontant la vie de petites gens à Belgrade du début du XXe siècle jusqu'en 1944.
A travers leurs histoires, l'auteur évoque la transformation de la société serbe ainsi que l'évolution des mentalités et des relations familiales.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La Fondation Ivo Andric de Belgrade, les Éditions des Syrtes et le traducteur Alain Cappon ont fait du beau travail en publiant, en mars dernier, un recueil de 8 nouvelles du Prix Nobel de 1961, dont 5 pour la toute première fois en Français.

Ces nouvelles écrites entre 1946 et 1951 couvrent, en fait, toute la période mouvementée de sa ville à partir du début du siècle précédent jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Cette approche historique est essentiellement basée sur le vécu des simples gens, ou en d'autres termes sur les implications des événements historiques cruciaux, telle l'annexion de leur pays par l'Autriche, la Première Guerre mondiale, l'attentat de Sarajevo, l'invasion nazie et la Deuxième Guerre mondiale... sur leur existence de tous les jours.

Les nouvelles sont de longueur fort différente, allant d'à peine 6 pages pour la 6ème nouvelle "Destructions" à 124 pages pour la numéro 2, intitulée "Zeko".

La première nouvelle "Portrait de famille" brosse le portrait peu flatteur de Natalija Kamenković, surnommée Dame Nata, et son pauvre époux, Maître Nikola Dimitrijević.
La Nata, descendante d'une famille riche et puissante, transforme son mari, d'origine défavorisée, d'un homme vivant en un bien immobilier. "Car, à ses yeux, ce qu'elle pense est la vérité, ce qu'elle dit fait loi, et ce qu'elle fait est juste."

Est-ce que la naissance de leurs 2 filles, des problèmes de santé de Dame Nata et les efforts de soumission de Nikola changeront un tout petit peu le calvaire de ce dernier ou faudrait-il toute autre chose ?

Dans le court roman "Zeko" de 1948, Ivo Andric nous présente une femme du même acabit que Dame Nata : au coeur sec et à l'intelligence limitée, hargneuse, arrogante et malveillante. Heureusement pour le lecteur, Margita Katanić, 49 ans et 90 kilos, ne fait que de rares et brèves apparitions dans le récit.

Elle est cependant présente dans le fond comme menace et danger permanent pour son infortuné époux Isidor, connu comme Zeko. Un homme tranquille et effacé.

Pour échapper à la terreur domestique, Zeko se réfugie de plus en plus souvent le long de la rivière la Save, un affluent du Danube (au même nom que l'affluent de la Garonne en France), où il rencontre un tas de gens, certains plutôt pittoresques, et où il est apprécié.

Est-ce que le bombardement de Belgrade par les nazis du 6 avril 1941 et la terrible guerre qui s'ensuit, permettront à Zeko de se libérer de l'emprise maléfique de son dragon et de trouver enfin le chemin d'un bonheur paisible ?

C'est surtout dans cette nouvelle que j'ai retrouvé la maestria du grand écrivain qui m'avait tellement impressionné par son inoubliable chef-d'oeuvre "Le pont sur la Drina" de 1945.

Dans une postface de quelque 14 pages, le traducteur Alain Cappon offre une analyse originale de "l'image de la femme dans La Chronique de Belgrade".

L'illustration de couverture "Voiture ivre" est de la main du peintre Marijan Detoni (1905-1981), originaire de Zagreb, et date de 1935.

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Il faut vraiment être tombé dans le chaudron des Nobel de littérature pour aller chercher celui-là, compilation toute récente et bienvenue de nouvelles d'Ivo Andric. Pour ceux qui chercheraient à découvrir cet auteur autrement que par le mieux connu, "Le pont sur la Drina", c'est une bonne approche de commencer par ses chroniques de Belgrade, ville dont Andric nous fait sentir l'atmosphère sur plusieurs décennies avec en point d'orgue les années de guerre, d'occupation et des terribles bombardements de 1944, sujet obsédant sur lequel revient dans toutes les courtes nouvelles qui terminent ce recueil.
Son point d'orgue pourtant est la plus longue, presque un court roman : Zeko. A travers le parcours de vie de ce citoyen serbe d'abord introverti et asservi à son épouvantable femme, puis découvrant dans les quartiers populaires du fleuve qu'une autre vie est possible pour enfin connaître l'exaltation de l'engagement auprès des partisans pendant la guerre, c'est à une vaste peinture de la société belgradoise de la première moitié du 20ème siècle que l'auteur nous convie, avec ses strates sociales marquées et ses aspirations politiques contrastées. On sent dans cette nouvelle comme dans les autres, la douleur et la frustration de l'écrivain composant son récit national sous les bottes de l'occupant et sous les bombes, acerbe contre la partie la plus bassement bourgeoise de ses concitoyens en même temps qu'attiré par les moins conventionnels.
J'avais beaucoup aimé la manière dont Andric donne à vivre l'histoire dans le pont sur la Drina, expérience renouvelée en plus intimiste avec ce recueil.
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Si Belgrade m'était contée…

Si le nom d'Ivo Andrić m'était quelque peu familier, je n'avais jamais eu l'occasion de me plonger dans les écrits de cet auteur croate, prix Nobel de littérature en 1961.

Heureusement les éditions des Syrtes sont là et nous permettent de découvrir, cerise sur le gâteau, des nouvelles exclusives de l'auteur.

Des nouvelles classées chronologiquement en fonction des événements narrés dans les différents textes.

Sans vouloir résumer chaque nouvelle, certains grands traits se distinguent de l'esemble de ce livre.

Toutes ont pour cadre la ville de Belgrade, mais ce qui est frappant c'est l'omniprésence de la guerre et des bombardements.

On sent que l'auteur, qui resta à Belgrade occupée puis bombardée pendant la seconde guerre mondiale, a ressenti personnellement les alarmes aériennes, les fuites dans les caves, l'attente au milieu des gens qui crient, se lamentent ou au contraire restent presque absents des événements.

La guerre sert de catalyseur, de révélateur d'humanité : elle permet de montrer le vrai visage des gens, leur permet de s'élever, de reconquérir une dignité écrasée dans les affres d'un mariage malheureux. Car oui, certains couples sont heureux mais dans l'ensemble le bonheur conjugal n'est pas monnaie courante.

Les personnages principaux de ces récits ne sont pas des héros, à la base. Ce sont des hommes qui ont souvent épousés la mauvaise femme, des mégères qui rabrouent leur mari. Et ce dernier s'efface. Mais parfois il est possible de reconquérir une certaine forme de dignité. Certains y arrivent, d'autres non.

Ces portraits sont autant d'occasion pour évoquer la vie belgradoise sur des périodes charnières. J'ai été séduite par la plume de l'auteur, par ses personnages pathétiques ou horripilants mais surtout touchants par leur volonté de casser leurs chaînes.

Une première incursion dans les écrits de cet auteur qui me donne envie d'en découvrir davantage.
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Dans un premier temps, je me suis questionnée sur la vision qu'Ivo Andrić avait des femmes… Les deux nouvelles qui ouvrent le recueil mettent en scène des tyrans domestiques aux traits presque caricaturaux, dont le physique repoussant n'a d'égal que la laideur de leur caractère.
Cela donne lieu à de féroces descriptions certes savoureuses…

L'une est affublée de "courtes jambes, (d'un) triple menton (et d'une) petite moustache drue, de strates de graisse abondantes en quantité peu commune et à des endroits inattendus", l'autre, également courtaude, pourvu d'un "visage blême et adipeux", déploie une "énergie agressive malgré ses jambes éléphantesques".

… mais le recours à ces viragos, dont on comprend rapidement qu'il est prétexte à mettre en évidence, en créant une opposition entre ces héroïnes et leurs discrets époux, les qualités a priori invisibles de ces deniers, est aussi un peu vexant pour une lectrice, d'autant plus que cela ne s'arrange pas vraiment par la suite. La troisième nouvelle met en scène un couple dont le mari passe outre la lâcheté et la frayeur de sa conjointe pour dissimuler un de leurs proches poursuivi par la milice allemande. Dans la suivante, bien que "bonne et toujours souriante", l'héroïne a "une cervelle de moineau" et est "fidèle comme un chien" !

Ma lecture terminée, j'ai constaté avec surprise que la postface de l'ouvrage est justement dédiée à "L'image de la femme dans La chronique de Belgrade". le traducteur du recueil, après y avoir analysé le comportements de ses héroïnes notamment à l'aune du contexte social dans lequel elles évoluent, la conclue en écrivant qu'on pourrait en déduire qu'Ivo Andrić était misogyne (je confirme...), idée contredite, réfute-t-il aussitôt, par le reste de son oeuvre, précisant par ailleurs que le caractère détestable des épouses des deux premières nouvelles rend d'autant plus évidentes les qualités des figures féminines lumineuses qui apparaissent, discrets personnages secondaires, dans certains de ses textes. Soit.

Les principaux protagonistes de ces histoires sont donc des hommes discrets et soumis, portant leur lourde croix conjugale avec fatalité et dignité. Ils ont parfois, dans leur jeunesse, montré quelque talent qui aurait pu leur ouvrir les portes d'une destinée plus gratifiante, mais le contexte -historique, familial- les a ravalés au rang d'individus dont la vie ne compte pas. de ces êtres insignifiants, invisibles, l'auteur révèle les forces et les qualités.

C'est criant dans la deuxième nouvelle, Zeko, qui avec ses plus de cent vingt pages, charpente le recueil, et dont le titre est aussi le surnom attribué au héros. C'est un petit homme calme, en qui "tout est docilité et civilité". En le suivant sur plusieurs années, nous assistons à la lente maturation qui le mène à une forme d'émancipation à la fois intime et intellectuelle, notamment grâce à des rencontres. Il fréquente ainsi une petite communauté hétéroclite, populaire et joyeuse vivant sur les bords de la Save, composée "d'êtres comme les autres, mais moins gênés aux entournures et plus libres". Et surtout, il renoue des liens réguliers avec la famille de sa belle-soeur, qu'il a toujours appréciée, et qui est revenue vivre à Belgrade après plusieurs années d'absence. Il entretient avec ses neveux et nièces une affection pudique mais profonde, et se rapproche bientôt du cercle qu'ils constituent avec de jeunes gens entrés en résistance contre l'occupant.

(Là, je réalise que mon billet part dans tous les sens, et qu'il devient urgent de le recentrer…)

Comme l'annonce le titre de l'ouvrage, le recueil, résultat de la compilation par la Fondation Ivo Andrić de huit nouvelles de l'auteur écrites entre 1946 et 1951, a pour cadre la ville de Belgrade, mais ce qu'il est surtout important de préciser, c'est qu'elles se déroulent principalement entre 1941 et 1944, dans une ville subissant l'occupation allemande puis les bombardements alliés, avant d'être libérée par l'Armée Rouge et les Partisans de Tito. C'est une période de ténèbres, au cours de laquelle les Belgradois font l'expérience de la destruction, de la souffrance et de la peur, qui bouleverse les êtres, "met les vies intérieures sens dessus dessous" et arrache les masques, révélant des traits inattendus y compris pour soi-même : bassesses et cruauté, mais aussi grandeur et beauté.

"La chronique de Belgrade" est ainsi le portrait de résistants, non pas tant de ceux dont l'engagement est évident, démontré, que de ceux qui, avec humilité mais détermination, agissent à la mesure de leurs moyens, portés par un sens du devoir plus instinctif que moral ou politique. On y croise aussi ceux qui, focalisés sur leur propre survie et la sauvegarde de leurs biens, ont tiré profit de l'occupation allemande, ou qui ont laissé leurs domestiques à demeure pour éviter les pillages pendant qu'eux-mêmes fuyaient les bombardements en s'exilant à la campagne… Il y est, enfin, question de l'immense majorité qui pendant l'occupation s'est efforcée de continuer à mener une vie normale en fermant les yeux, mangeant, buvant aux terrasses des cafés, se préoccupant de ses soucis personnels, pendant qu'on pendait nombre de ses concitoyens.

Ivo Andrić dépeint comment la survenance de la menace concrète de la mort et de la perte de la liberté soumet soudain les individus à des impératifs plus grands qu'eux, décortiquant les mécanismes psychologiques à l'oeuvre dans les différentes réactions qui en découlent, tout en se faisant le chroniqueur à la fois tendre et féroce des relations intrafamiliales.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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J'avais été enchantée par Un pont sur la Drina et la Chronique de Travnik qui raconte si bien cette région de Balkans ! j'avoue avoir été un peu déçue par ce récit passablement misogyne ,les femmes y sont pour la plupart des mégères avec des maris ,la plupart du temps, soumis. .La chronique de Belgrade pendant la seconde guerre mondiale ,sous les bombardements, est intéressante mais je n'ai pas retrouvé la magie des romans précédents.
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critiques presse (2)
LeMonde
21 avril 2023
S’inscrivant dans la tradition des légendes balkaniques, ce recueil propose huit nouvelles écrites entre 1946 et 1951. On y retrouve l’écriture précise et lapidaire qui fait la marque d’Andric, ainsi que son art consommé du portrait.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
17 avril 2023
Un beau recueil de nouvelles du Prix Nobel 1962 situées en Yougoslavie occupée par les Allemands.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Maîtriser la peur chaque fois qu’elle se manifeste en nous est bien, beau, louable, mais c’est au fond une tâche ingrate, un combat sans espoir, car la peur est nettement supérieure à la force dont nous disposons pour nous opposer à elle en permanence et, au final, il arrive régulièrement que la force nous abandonne et que la peur persiste. Le danger véritable, majeur, n’est pas dans les périls qui, effectivement, nous menacent, mais dans la peur qui est en nous. 
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