GLI INVISIBILI
LES INVISIBLES
À Fernanda Fedi
Toutes ces feuilles
toutes ces feuilles
à terre
sans vent
qui les agite
elles sont une « couverture
pour l’hiver ».
Toutes ces feuilles
brins d’herbe et branches sèches
craquements
sous le pied qui s’enfonce
ici et là
entre la glace et la neige
traces de moineaux et de chats
et de petits animaux
ce sont des formes du temps.
Ce sont des signes pour
les habitants du silence
pour
les invisibles.
//Traduction de l’italien par Irène Dubœuf
NOCTURNE
La neige tourbillonne
dans le noir.
C’est un crépitement
qui caresse les feuilles.
Un blanc
qui n’éclaire pas
qu’accueille seulement
d’en haut
une lumière de réverbère.
Mais le monde terrible
est ici-bas
boue et gel
et le bruit sourd
d’une branche
qui se rompt.
Sous le poids
la terre répond
neige fraîche
brise et dessous la glace.
Elle ne reviendra plus !
Un frisson court
le long du dos.
Elle ne reviendra plus !
Mais la peine vient à notre secours
constante lueur
sous un fayard
pointe une touffe d’herbe noire.
/traduction de l’italien par Irène Dubœuf
REPRÉSENTATIONS DU SILENCE
J’ai imaginé la neige.
L’absolu silence
de la neige, pianissimo.
Silence véritable
pas à la limite du son
comme celui de la pluie,
qui est musique, éloquence
rythme.
.
Cette neige
dans l’agrandissement apparent
du rêve
était géométrie
une géométrie désordonnée
riche de transmissions
d’incertitudes et de sagesse.
.
Étendue sur la feuille du songe
la neige s’est assise,
et un flocon s’est posé
sur ma main.
Je l’ai entendu fondre,
disparaître.
.
Comme dans un rituel
votif je me suis
humecté derrière les oreilles.
.
Je me suis réjoui de la force
constructive du silence,
de l’architecture nécessaire du souffle
de la neige qui tombe
nécessairement.
/traduction de l’italien par Irène Dubœuf
LIGNES
à la mémoire
d’Edgardo Abbozzo
Tout va à reculons
comme, en train, le paysage
si tu changes de place, tout fuit en avant
dans le non invisible.
Je suis là
je suis ce corps
cette matière qui oscille
ce regard
ces mains.
Le paysage est un tourbillon
qui s’épie lui-même dans l’éphémère
images en fuite
des maisons, des arbres, le ciel, la plaine
dans le désordre de l’instant.
Mais quel instant ?
Celui de la conscience qui persiste ?
Celui du mouvement
du train dans le paysage ?
Celui de la fugacité de la vie
face à l’éternité ?
Ou l’instant qui s’ouvre
à l’intemporel ?
Tout va à reculons
comme, en train, le paysage
si tu changes de place, tout fuit en avant
dans le non invisible.
"Étendue sur la feuille du songe
la neige s'est assise,
et un flocon s'est posé
sur ma main.
Je l'ai entendu fondre,
disparaître."
Traduction Irène Duboeuf