Avec son écriture alerte et fluide
Alberto Angela nous propose un voyage dans le temps passionnant et captivant. Lui qui nous a déjà emmené à Pompei, passer
une journée dans la Rome Antique, à la recherche de
Cléopâtre ou dans
le regard de la Joconde, cette fois-ci il nous propose, dans le premier volume de ce triptyque consacré au grand incendie de Rome en 64 ap. J.-C., et plus précisément ce samedi 18 juillet, peu avant l'aube suivre les pas de Vindex et Saturninus, deux vigiles (pompiers) dans leur ronde dans la ville Éternelle. Ville qui ne ressemble pas encore à celle que nous connaissons aujourd'hui
Tout d'abord on n'y est pas vraiment en sécurité, c'est est une ville chaotique et dangereuse que décrit judicieusement l'auteur citant
Juvénal qui raconte comment la mort peut, littéralement, tomber du ciel : « Considère maintenant les périls […] auxquels on est exposé la nuit : les tuiles qui piquent en vrille depuis les toits et viennent vous fracasser le crâne ; les vases réduits en morceaux qui passent à travers les fenêtres, combien de fois, et avec quelle violence, au point d'entamer le pavé. S'en aller souper sans avoir fait son testament et ne pas prévoir les accidents subits, c'est faire preuve d'inconscience ! le passant a autant de chances de mort qu'il rencontre la nuit de fenêtres ouvertes : n'espérez qu'une chose (et puisse ce voeu modeste s'accomplir pour vous), c'est qu'on se contente de vous inonder du contenu de larges bassines ! »
Ensuite le visage même de la ville en effet ce grand incendie et surtout ses suites ont façonnés la Rome que nous visitons aujourd'hui. "C'est bien simple : sans lui, pas de Colisée. Pas de Domus Aurea non plus. le Palatin et une portion non négligeable du quartier du Forum auraient, quant à eux, un tout autre aspect. Sans cet incendie, nous serions privés de la chapelle Sixtine, du Jugement dernier de
Michel-Ange, des fresques des Stances de Raphaël au Vatican ou des autres chefs-d'oeuvre du Quattrocento. Il ne serait pas exagéré de dire que la Rome née de la Renaissance, de l'âge baroque, et dont le visage a été façonné si profondément par les papes, aurait été bien différente…"
Mais revenons à ce samedi 18 juillet
"Rome est encore endormie et nos pensées ne sont accompagnées que par les chants d'une poignée de rossignols nichant sur les toits, le glouglou d'une fontaine, un chien qui aboie quelque part, les éclats de voix lointains et indistincts des charretiers qui ont ravitaillé les boutiques de la ville pendant la nuit. Un ultime moment de quiétude avant une nouvelle journée chaotique et bruyante."
Et marchons dans les pas de Vindex et Saturninus, on suit avec eux l'organisation et les tâches des romains qu'ils croisent lors d'une de leurs patrouilles habituelles.
Ainsi circulent les personnages qui animent la vie de la cité, des porteurs de litières (lecticarii) aux tanneurs, des banquiers (argentarii) aux libraires (bibliopola).
Chaque figure offre le point de départ d'une histoire captivante sur les habitudes des anciens Romains, dans leurs quartiers du Trastervere aux bords du Tibre, du Forum Boarium au Cirque Maxime
Et il y ce personnage qui est sous-jacent LE FEU et qui transparaît dans les mots de l'auteur : Journée caniculaire,
Premiers rayons de soleil brûlants,
Étincelles,
Fumées
La chaleur atroce d'un été brûlant.
Le feu a été un acteur central dans la vie de la cité, dès ses balbutiements. Au fil des années, il est devenu son coeur et son âme, à l'image du feu sacré constamment entretenu à l'intérieur du temple de Vesta. Personne n'aurait pu imaginer qu'il se rebellerait un jour, et que d'une étincelle innocente naîtrait une bête féroce, contre laquelle même les légions aguerries de l'Urbs seraient incapables de l'emporter, un monstre gigantesque qui anéantirait la ville, réécrivant son histoire. Et en partie la nôtre aussi.
Vindex et Saturninus, accompliront un travail fondamental pour l'ordre et la sécurité de la population : contrôler et éliminer les innombrables sources de danger dans une ville où le feu sert à tout et où la tragédie est toujours présente. En embuscade...
En les suivant dans leur travail quotidien, on découvre une Rome en grande partie en bois, on pénètre dans les boutiques pleines de produits inflammables qui donnent sur les rues, on entend les bruits, on sent les odeurs, on est à l'écoute des bruits, qui viennent de partout dans cette Rome multiethnique.
Et des surprises sont au rendez-vous et résonnent avec l'actualité qui met en lumière un dysfonctionnement des déchets à Rome, il suffit de penser qu'à l'époque de Néron, l'enlèvement des déchets était répandu et efficace ; la nuit, des groupes d'esclaves nettoyaient scrupuleusement les rues et les trottoirs avec des balais faits de branches sèches attachées ensemble, suivis d'une charrette qui ramassait les sacs et les emmenait ensuite dans une décharge à l'extérieur de la ville.
De même la fameuse Bocca della Verità, que nous voyons tous comme un vrai bijou de l'Antiquité était à l'origine… une banale bouche d'égout !!! Les Romains plaçaient les divinités un peu partout, même pour les évacuations d'eau et de fait ce "masque" en question représente, peut-être, Jupiter Ammon ou le dieu Océan.
Bref, comme chaque ouvrage d'Albert Angela c'est foisonnant, c'est virevoltant et surtout passionnant et terriblement enrichissant.
Si j'osais, il me brûle de lire la suite...