Où nous retrouvons Zakhari Mirkin, jeune homme indécis et torturé découvert dans
Pétersbourg.
Il a rompu la promesse de mariage faite à Nina, la fille de l'avocat juif Maitre Halperine dont il était l'un des assistants. de plus en plus fasciné par une tradition juive découverte sur le tard, ayant lui-même été élevé hors de toute tradition religieuse, il quitte la capitale russe pour
Varsovie, où vit une importante communauté sémite. Il y est hébergé chez les Hurwitz, dont il a rencontré la maîtresse de maison à
Pétersbourg, venue plaider la cause d'un fils inculpé de subversion. Son époux Schlomo a monté une école dont il est, ainsi que leur fille aînée Hélène, l'un des enseignants. C'est un homme austère dont l'unique passion est l'étude, qui a toujours subsisté en vendant aux autres le savoir qu'il avait acquis. Pour l'heure, ce savoir lui rapporte peu, la majorité de ses élèves venant de familles pauvres qui peinent à payer les leçons.
Rachel-Léa, sa femme, gère l'intendance et l'entretien d'une maison animée de l'incessant va-et-vient de jeunes gens attirés par sa générosité et l'espoir de profiter de l'érudition de Schlomo. Forte d'une inépuisable énergie, elle se démène non seulement pour ces jeunes qui viennent ainsi étudier à
Varsovie, notamment en leur trouvant des logements, mais aussi pour tous ceux qui l'entourent et sont dans le besoin, visitant les malades, dénichant des vivres pour les affamés…
C'est donc dans un microcosme grouillant, populaire, que débarque Zakhari, un lieu où le moindre espace est colonisé pour y coincer une pièce et un toit, où chaque recoin des sombres logements est occupé par des quidams travaillant de l'aube à la nuit, qui devant un établi, qui sur quelque machine à fabriquer vêtements ou accessoires de maroquinerie.
C'est aussi un monde où l'on débat et où l'on pense beaucoup.
Zakhari y arrive pétri d'idées sionistes, plein d'un enthousiasme suscité par la nouveauté, impressionné par la dimension folklorique, qu'il vient de découvrir, de la religion juive. Une vision bien romantique, lui rétorque-t-on, qui maintient les juifs dans l'obscurantisme et la soumission et se heurte à celle de ses hôtes, qui ont tourné leur foi vers l'instruction, le progrès et des lendemains plus justes. Notre héros entrevoit ainsi le fossé entre idéalisme et nécessité, entre théories nées de l'intellect de penseurs privilégiés, et aspirations de ceux qui ne connaissent que la misère et l'asservissement, où les maintiennent l'ignorance et l'espoir en un au-delà meilleur.
Désespéré face au constat qu'il reste ainsi un étranger pour ceux dont il souhaite absolument rallier les rangs, poussé par un furieux besoin d'appartenance à une communauté au sein de laquelle le lecteur le soupçonne de rechercher le foyer qui lui a tant manqué, il décide de s'affamer. Rejetant l'aide financière de son père et l'héritage maternel, il entame un long parcours de déclassement social, recherchant une précarité financière qui peu à peu le transforme. C'est ainsi qu'il en vient à être introduit dans des cercles révolutionnaires encore balbutiants, et rencontre le célèbre Anatole, ex-déporté de Sibérie recherché par la police et chef du Parti. L'homme devient son maître à penser.
La colère qui enfle parmi le peuple est bientôt aiguillonnée par une terrible crise économique qui exhausse les mortels assauts d'un hiver rigoureux. Les petits artisans perdent leurs emplois, les pénuries de bois et de nourriture font du quotidien une lutte incessante pour la survie. Accablées par le froid et la faim, les masses se soulèvent à l'occasion du premier mai. La manifestation, fortement réprimée par les gendarmes et la police, se termine dans un bain de sang.
Un second volume passionnant, aussi vivant que profond, qui entre autres interroge sur la cohérence et la sincérité, selon ce qui le motive, de l'engagement idéologique.
Lien :
https://bookin-ingannmic.blo..