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Mais que s'est-il passé dans la tête d'Honoré de Balzac lorsqu'il écrivit le Lys dans la vallée ? Qu'a-t-il donc voulu nous dire ? Je n'ai pas encore lu beaucoup de livres de Balzac, mais ce roman, me semble-t-il, détonne dans son oeuvre à bien des égards.
Je vais raconter trois expériences personnelles dans ma rencontre progressive avec ce livre…
Adolescent, poussé par une sorte de romantisme à la fois échevelé et totalement pataud, j'ai cru bon un jour de me lancer dans la lecture de ce roman. Il m'est tombé des mains au bout de quelques pages… J'ai préféré alors me diriger vers Boris Vian, Jack Kerouac, Arthur Rimbaud...
Plus tard, c'est-à-dire, il y a quelques années, j'ai tenté de nouveau l'expérience. Et là, j'ai tenu bon jusqu'au bout. Est-ce dû au bénéfice de l'âge, à la sagesse et la patience qui en découlent ? Non, je dois avouer qu'avec quelques amis abonnés de la bibliothèque communale que je fréquente, nous avons eu un jour l'idée de lire un classique de la littérature française pour en parler ensuite autour d'un bon verre. Le choix se porta sur le Lys dans la vallée. Quand je dis que j'ai tenu bon, sans cet enjeu collectif, il y aurait eu là encore mille prétextes pour lâcher le livre et passer à d'autres lectures. Bien sûr j'ai été séduit par l'histoire, les personnages, la beauté de l'écriture dans la peinture des paysages de Touraine, tout le monde connaît cela, tout a été dit ici ou ailleurs, je ne vais pas y revenir. Mais quelque chose pourtant m'agaçait fortement. Dans la beauté de l'écriture, j'avais tendance à trouver que l'auteur forçait un peu le trait dans ce lyrisme exacerbé. Bref, pour dire crument les choses, je trouvais qu'il en faisait des tonnes ! Et puis d'emblée le personnage principal du livre, celui par lequel commence le roman, ce fameux Félix de Vandenesse, enfin tout de même, il fallait vraiment s'accrocher ou être un saint pour le trouver sympathique. Pour être franc, je l'ai tout d'abord trouvé insupportable, immature, ampoulé dans son orgueil et son lyrisme d'opérettes. Une vraie tête à claques ! Et maladroit de surcroît dans l'expression de ses désirs amoureux… Bon ça encore, il est possible de le lui pardonner… Je vous livre d'ailleurs un élément probant de cette maladresse. Le roman n'est rien moins qu'une longue lettre écrite par Félix à une certaine Natalie de Manerville, dont il cherche à conquérir le cœur. Et le roman s'achève par la réponse de celle-ci. Notre jeune Félix prétend même céder à son désir. Pour cela il décide de lui écrire une lettre pour lui raconter son passé afin qu'elle apprenne ainsi à mieux le connaître dans ses sentiments, une lettre qui fait pas moins de 250 pages, c'est-à-dire l'épaisseur du livre ! On ne pourra pas ici lui reprocher d'être dur à la tâche, ni le geste empli de sincérité. Mais voilà qu'en guise de propos introductif, il ne trouve rien de mieux que d'écrire « Enfin, tu l'as deviné Natalie. Peut-être vaut-il mieux que tu saches tout : ma vie est dominée par un fantôme ». On le saura très vite, ce fantôme est féminin et porte un nom : la comtesse Blanche de Mortsauf, que tout au long de sa longue confession, Félix va appeler Henriette, autre personnage clef du roman, Imaginez la pauvre Natalie qui attend avec impatience la lettre de Félix pour donner sa réponse et découvre que la place est déjà prise par une autre rivale : il n'y a rien de plus encombrant dans le coeur d'un homme que le fantôme d'une femme jadis aimée… Plus loin dans le récit, nous voyons ainsi Félix s'éprendre tout d'abord de la comtesse de Mortsauf, lors d'une réception dans une scène presque grotesque qui peut prêter à sourire : saisi d'un coup de foudre, il enroule son visage dans le dos et les épaules dénudées de la comtesse. Puis, le roman va s'étirer avec langueur et longueur dans un lyrisme certes fait de phrases très poétiques mais presqu'à l'excès, autour de cette relation amoureuse platonique et chaste entre l'impatient Félix et la vertueuse comtesse, qui se courent l'un après l'autre sans se rattraper, jusqu'à l'agonie et la fin tragique de celle-ci… Au milieu du récit surgit une femme anglaise, romantique, volcanique, extravagante, qui elle, ne passera pas par quatre chemins pour s'enflammer avec le jeune éphèbe... Et voilà !
Je serais resté sur cette impression passable si je n'avais pas, il y a quelques semaines, écouté une rediffusion d'une émission de France Culture où s'exprimait un certain Éric Bordas, - tiens ce nom nous rappelle vaguement le souvenir de nos chers ouvrages scolaires -, un enseignant spécialiste de l'oeuvre de Balzac. Et là brusquement, tout m'est apparu sous un jour nouveau. Alors je me suis de nouveau engouffré dans la lecture du Lys dans la Vallée, énervé d'être passé à côté de l'essentiel et là j'ai dû admettre que le cher Honoré de Balzac s'était bien amusé de nous, chers lecteurs…
Ainsi, je comprenais mieux sa fameuse citation un peu paradoxale : « Les femmes les plus vertueuses ont en elles quelque chose qui n'est jamais chaste ». Parlait-il de la chaste et vertueuse comtesse de Mortsauf ? Non seulement, je pense que oui, mais je suis désormais convaincu que derrière le ton lyrique et platonique du récit se cache une oeuvre ambiguë, ironique, subversive, gourmande et brûlante d'érotisme dont je vais vous livrer quelques indices que j'ai pu glaner ici et là grâce à ma relecture guidée.
Tout d'abord, n'oublions pas que tout au long du roman, ce n'est pas Balzac qui s'exprime dans ce ton ampoulé et parfois grotesque, mais le narrateur qui n'est autre que Félix. C'est une manière pour l'auteur de dépeindre de manière satirique tout ce qu'incarne le personnage de Félix dans son immaturité, son arrivisme et son ascension sociale. Et la réponse cinglante de la lettre de Natalie, qui vient sceller le roman, crédibilise totalement cette version.
Puis, Félix débaptise Blanche de Mortsauf, prénom incarnant clairement la vertu pour la rebaptiser Henriette tout au long de leur relation. Pourquoi Henriette ? Au tout du début, Félix évoque son enfance difficile, son séjour en pension, le dénuement et la convoitise. « Les célèbres rillettes et rillons de Tours formaient l'élément principal du repas que nous faisions au milieu de la journée, entre le déjeuner du matin et le dîner de la maison dont l'heure coïncidait avec notre rentrée. Cette préparation, si prisée par quelques gourmands, paraît rarement à Tours sur les tables aristocratiques ; si j'en entendis parler avant d'être mis en pension, je n'avais jamais eu le bonheur de voir étendre pour moi cette brune confiture sur une tartine de pain ; mais elle n'aurait pas été de mode à la pension, mon envie n'en eût pas été moins vive, car elle était devenue comme une idée fixe, semblable au désir qu'inspiraient à l'une des plus élégantes duchesses de Paris les ragoûts cuisinés par les portières, et qu'en sa qualité de femme, elle satisfit ». Non, me direz-vous, il a osé ?! Attendez, cette allusion prend tout son sens dans l'une des premières scènes fondatrices du roman où Félix enroule et déroule son visage le long des épaules de la Comtesse de Mortsauf, c'est-à-dire, lui rappelant cette façon gourmande d'étaler les rillettes sur une tartine de pain. La scène devient dès lors sensuelle, et rebaptisant Blanche du prénom d'Henriette, il va ainsi l'ancrer dans un des désirs primitifs de son enfance.
Puis, plusieurs scènes vont se déployer où Félix cueille des fleurs tous les matins pour les offrir à Henriette. On pourrait trouver tout ceci un tantinet suranné... Lisons plutôt ceci : « du sein de ce prolixe torrent d'amour qui déborde, s'élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s'ouvrir, déployant les flammèches de son incendie au-dessus des jasmins étoilés et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l'air en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! ». Henriette accueille ce bouquet avec ravissement, elle exprime même un petit cri de contentement et ne sera pas en reste pour lui composer à son tour des bouquets rivalisant d'expression. Dites-le avec les fleurs !
Au fur et à mesure que nous voyons l'histoire se dérouler, nous découvrons un personnage fort antipathique, bourreau d'Henriette son épouse, c'est-à-dire le Comte de Mortsauf, lui-même. Il est malade, il a des colères soudaines, tels des accès de folie brusque et violents à l'égard de son entourage. Il devient quasiment impotent, ne pouvant plus s'occuper lui-même de la gouvernance de la riche propriété, c'est son épouse Blanche qui va prendre le relais, se révélant ainsi un personnage féminin d'une grande stature sociale. Là encore, il y a quelque chose d'avant-gardiste de la part de Balzac, faisant de cet ouvrage une oeuvre féministe et sociale à sa manière, engagement précurseur pour l'époque. Mais revenons au Comte de Mortsauf. Diverses allusions évoquent sa vie libertine. A tel point qu'il n'y a qu'un pas pour tenter d'expliquer les symptômes et le nom de sa maladie : la syphilis. D'ailleurs, de quoi meurt Blanche de Mortsauf, sans doute contaminée par l'indigne époux ? Il est possible de croire qu'elle meurt d'un grand chagrin d'amour, mais tout de même, quelques détails ne laissent point planer le doute... Et d'ailleurs, les deux enfants du couple ne sont-ils pas eux aussi chétifs, maladifs... ? Alors, tout d'un coup cette histoire à première vue lyrique et chaste prend une allure douloureusement sulfureuse.
Enfin, l'agonie et la fin tragique de Blanche m'a fait penser à celle d'Emma Bovary ou bien à celle de Renée Saccard dans la Curée, autres personnages féminins dévastés par la passion amoureuse. Mais qu'ont-ils tous ces grands auteurs romanciers du XIXème siècle, Flaubert, Balzac, Zola, à faire mourir leurs héroïnes féminines, dans d'atroces souffrances où leurs brûlures portent aussi le signe de l'amour ?
J'espère que ce billet vous aidera à revisiter ce classique de la littérature française avec un regard nouveau.
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Le Lys dans la vallée est le roman de la contention, de l'inhibition et de la frustration.

Dès les premières mesures.

L'enfance et l'adolescence tristes de Félix -le mal nommé- s'étiolent dans la froideur et l'indifférence maternelles: la première frustration est celle de l'amour premier, celui qui ouvre la porte à tous les autres, l'amour maternel.

Aussi quand il rencontre, à un bal, Blanche de Mortsauf, femme (mal) mariée, timide, et provinciale, leur découverte mutuelle se fait d'extraordinaire façon: un « parfum de femme » vient d'abord toucher les sens du jeune Félix, lové sur une banquette, comme un enfant que sa mère y aurait oublié. Ragaillardi par cette fragrance sensuelle, Félix se retourne : ce ne sont ni des yeux ni un visage qui donnent une forme à l’objet de son trouble , mais un dos, des épaules, un décolleté plantureux dans lequel son regard gourmand plonge et au ..sein duquel il enfouit bientôt son visage éperdu, sans un mot! Surprise, bouleversée, attendrie, madame de Mortsauf ne sait comment accueillir –et repousser - cet assaut : est-ce celui d'un jeune homme débordé par ses sens ou celui d'un enfant perdu? C'est en femme, en reine offensée, qu'elle réagit en s'écriant "Monsieur?" donnant ainsi à Félix le statut d'homme qu'il désirait violemment, mais la mère en elle choisit l’enfant, et la femme est touchée au plus profond..

Ce "raptus" amoureux donnera le ton à tout leur amour: fringale violente et mutisme torturé, audace et rétention, sensualité et maternage...

Félix et Blanche sont amenés à se revoir, à se désirer, à s'interdire tout autre licence, comme si toute leur libido s’était donné libre cours une fois pour toutes dans cette première rencontre, dos à dos..

Blanche est mariée à un homme cruel et peu aimable, elle est mère aussi, et bardée de devoirs conjugaux, familiaux, religieux…

Félix laisse alors sa sensualité s'exprimer avec une miss anglaise fort décomplexée. Blanche en souffre, dévorée d'une jalousie sans nom qui la ronge et la détruit. Félix commence sa vie quand elle l’achève mais il sera toujours marqué au fer par son premier amour, si incomplet fût-il, amour inoubliable, pur comme le lys de cette vallée de Touraine dont Blanche était le plus beau fleuron.

C’est un livre que j’ai lu trop tôt pour l’apprécier : le romantisme échevelé de cet amour chaste et tourmenté a très vite agacé l’adolescente que j’étais. Il me fallait des audaces plus stendhaliennes –Mathilde de la Môle coupant ses cheveux, Julien saisissant la main de Madame de Rênal sur le coup de dix heures, Madame de Rênal tirant sur Julien : voilà ce qui me faisait vibrer ! Les atermoiements et scrupules de Blanche, les transports muets de Félix avaient le don de m’énerver..

Puis un professeur exceptionnel, Gérard Gengembre, spécialiste de Balzac, et auteur d’une excellente monographie , m’a fait relire, découvrir et adorer ce livre complexe.

Je lui ai depuis trouvé des audaces, insoupçonnées à la première lecture- la scène de première rencontre, atypique et insensée, aurait dû me mettre la puce à l’oreille pourtant.

La maladie de Blanche dit assez clairement, pour un roman réputé puritain et romantique, les dégâts, sur le corps, des désirs insatisfaits. Le désir féminin y est exploré avec une rare pénétration…mais le tout est délicatement masqué par un emballage romantique de bon ton.

L’immaturité affective et sexuelle de Félix, privé de mère et qui se cherche autant une maman qu’une maîtresse, fait penser à celle de Jean-Jacques (Rousseau), autre enfant sans mère, qui trouva dans Madame de Warens une douce association des deux, la mère et l’amante, accomplit sous son patronage une éducation sentimentale accélérée et fit souffrir terriblement celle qu’il appelait « Maman » avec toutes ses fredaines de petit animal gourmand …

Le roman est aussi, on le sait, une transposition de la vie de Balzac, petit garçon doté d’une mère mondaine et peu attentive, qui chercha des mères de substitution dans toutes ses compagnes, à commencer par Laure de Berny , son premier amour, et eut même à la fin de sa trop courte vie, une amante épistolaire , Eve Hanska, ce qui est le comble de l’amour platonique et du goût exacerbé pour la distance -Eve était polonaise- et pour la lenteur -les postes du XIXème siècle n’avaient pas l’instantanéité de Facebook ou des courriels d’aujourd’hui… distance et lenteur qu’il considérait sûrement comme des aphrodisiaques puissants comme le montrent leurs lettres torrides et leur mariage…alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés !

Un livre plein comme un œuf de signes et de sens ..pas si « liliaques » ni élégiaques que cela !
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Félix, à cinq ans, « s'envolait dans une étoile ». À cette étoile, il pouvait confier ses secrets, ses blessures d'enfant mal aimé, subissant la froideur d'une mère, le manque d'affection de ses frères et soeurs et les privations répétées. Etre aimant et sensible, il se réfugie dans les études.
Jusqu'au jour où cette étoile, il va la rencontrer à un bal. C'est le début de son idylle avec Me de Mortsauf.
Parti se reposer à la campagne, dans une vallée où coule l'Indre, il va revoir cette femme céleste, pénétrant son âme de rêveur, faisant de son rêve une réalité.
Son étoile va devenir « le lys de la vallée ». Femme- eau, amour inaccessible, pur et chaste. Me de Mortsauf est une femme plus âgée que lui, mariée et mère de deux enfants.
Entre son mari tyrannique et ses enfants fragiles, elle ne vit que de souffrance et d'amertume.
À la fois femme forte et fragile, elle ne peut assouvir sa passion pour le jeune Félix. Elle ne peut que lui apporter sa tendresse maternelle et ses conseils pour faire de lui un homme du monde. Elle aspire à une relation sincère, profonde et spirituelle.
Félix est un jeune homme encore naïf, frustré par cette relation qui le dévore. Il a envie de s'élancer vers le monde, de découvrir ses mystères.
Rencontrant alors une femme- feu, il va se brûler les ailes. Aucune femme ne pourra rivaliser avec son lys de la vallée, pour laquelle il composait des « poèmes de fleurs » et avec laquelle son âme s'était tellement emmêlée, que personne ne pourrait défaire ce lien.
Dans un dernier sursaut, la passion va triompher, mais trop tard hélas et de façon si éphémère. Si le jeune Félix avait su cueillir ce lys de la vallée avant qu'il ne se fane, la passion aurait peut –être gagné le combat sur la vertu. La nature est éphémère, il ne faut pas la faire attendre.
Lequel des deux personnages est le plus malheureux ? Celui qui se meure de jalousie et d'abandon en regrettant de ne pas avoir osé vivre, comme si la souffrance était un devoir, une vertu. Ou celui qui portera à jamais le remords de ses maladresses de jeune homme ignorant et impatient, le poids de la culpabilité.
J'ai surtout aimé, dans ce roman les descriptions poétiques de la nature, libre et sublime, et la puissance des métaphores florales. L'opposition entre la nature qui invite à l'amour et la passion, et la société qui y met des barrières, des contraintes, des interdits, tels que le mariage, la vertu, la religion.




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Qu'est-ce qui nous incite à lire un livre et nous accrocher, en abandonner un autre ?
(Petite question vaine et sans importance que je me suis posée après cette lecture, précédée d'une autre, abandonnée)

Tombé il y a deux semaines sur un exemplaire jauni de celui-ci dans une boîte à livres, des effluves de jeunesse se sont paradoxalement éveillées en moi. de bons souvenirs de lecture post-bac, j'aimais de temps en temps me plonger dans la prose balzacienne en compagnie du cousin Pons, du père Goriot, d'Eugénie Grandet et d'autres. Je l'ai de suite commencé, dans une sorte de frénésie teintée de nostalgie. Bon, voilà. de là à dire qu'il m'a passionné nécessiterait d'occulter les efforts de concentration qu'il m'a demandé pour pouvoir suivre les sentiments emberlificotés dans l'amour platonique entre le narrateur Félix, et la comtesse Henriette de Mortsauf. Pour tout dire, j'ai même failli abandonner à la première partie, connaissant à l'avance les grandes lignes de la suite. Mais je me suis accroché, c'est quand même un classique, et j'ai finalement mieux goûté les sentiments comme les émotions, les descriptions de la Touraine, les façons de la cour dans la deuxième partie et la montée à Paris de notre héros, avant la dernière et sa plongée dans le vertige des sens. Sans parler du final – ha ha clap clap Honoré, qui nous sort du romantisme exacerbé par une morsure d'ironie.Tout a déjà été dit, notamment sur les porosités avec la vie amoureuse De Balzac. On pourra néanmoins lire ce roman en s'amusant de la prose d'une époque, dans une narration sourcilleuse de détails lyriques pouvant s'étirer à l'infini dans les circonstances (et les relatives) d'une simple parole. Exemple :
« – Madame a raison, dis-je en prenant la parole d'une voix émue qui vibra dans ces deux coeurs où je jetai mes espérances à jamais perdues et que je calmai par l'expression de la plus haute de toutes les douleurs dont le cri sourd éteignit cette querelle comme, quand le lion rugit, tout se tait. [...] ».
Formidable phrase à quoter (à se demander si Balzac n'a pas fait un pari avec ses potes) : quatre pronoms relatifs simples y sont présents ( qui que où dont... Mais où est donc passé quoi ?), il ne manque qu'un relatif composé à mon goût (par exemple un duquel, ça aurait été la cerise sur le gâteau à la saveur duquel j'eusse défailli)

Mais revenons à ma question sans intérêt. Dernièrement, j'ai abandonné un roman contemporain, très court et à l'opposé de celui-ci sur l'échelle de l'exaltation des sentiments et du style, « L'amour » de François Bégaudeau. Passé plus ou moins à côté, j'ai surtout eu vite marre de ce roman malgré sa brièveté, marre d'une description factuelle de la vie des « amoureux », à travers les objets, l'organisation pragmatique de leur vie de couple. Un mauvais roman ? Je n'en sais rien, mais ses 90 pages m'ont paru ennuyeuses, et surtout peu intéressantes. En mettant Bégaudeau à côté De Balzac, il me semble qu'on n'est pas loin de deux pôles extrêmes sur la manière de raconter l'amour à travers les siècles. L'une sociologique à l'excès (même si paraît-il l'émotion surgit au final), l'autre idéologique à l'extrême. L'une ciselée à l'antre de la modernité, l'autre travaillée à la sueur de la bougie et du café. Sans être réfractaire aux nouveautés (je lis plus de néo-romans que d'anciens), je vote pourtant pour le plus ancien. Quant à savoir pourquoi exactement, il me faudrait pour en être certain pouvoir démêler les aléas de la motivation ou les fluctuations de l'envie dans une période peu propice pour moi aux lectures facilement concentrées, mais mon petit doigt me parle néanmoins de simple plaisir de lecteur, peut-être un brin maso à vouloir déchiffrer une écriture entremêlée dans l'écheveau des âmes et des sens d'un classique du 19ème, quand le sentiment de perdre son temps fait vite son apparition avec le moderne, couru d'avance sur les chemins soporifiques d'une sociologie plate, réduit à peau de chagrin avec son style documentaire.
Bref, vive Balzac et les classiques (de temps en temps).
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Du "Lys dans la vallée", je ne gardais que le vague souvenir d'un cours de français ennuyeux au possible et je m'étais promis de redonner un jour une chance non seulement à ce roman, mais à Honoré de Balzac tout simplement. En effet, ce dernier ne compte vraiment pas parmi mes auteurs classiques de prédilection mais il faut croire que la persévérance paie un jour puisque non seulement j'ai tenu ma promesse de lire "Le lys dans la vallée" qui glorifie l'amour romantique dans la pure tradition, mais encore j'y ai pris plaisir.

Bon, soyons honnête, un plaisir qui a nécessité pour éclore une bonne dose de patience car entre les descriptions touffues et surabondantes et les états d'âme étirés à l'envi des deux protagonistes, le lecteur actuel éprouvera peut-être comme moi quelque peine à concentrer son attention et son intérêt. Mais le jeu en vaut la chandelle, comme on a coutume de dire, et c'est un très beau récit que nous livre ici Balzac.

L'amour du jeune et innocent Félix pour la belle Henriette, plus âgée que lui de plusieurs années, mariée et mère de deux enfants souffreteux, est touchant comme peut l'être l'histoire d'un amour pur... qui peine à le rester. Ainsi va le monde.

La relation à trois avec le comte, mari de Henriette, est intéressante d'un point de vue psychologique et sentimental. Enfin, j'avais redouté de davantage souffrir du style De Balzac mais je pense m'en être finalement plutôt bien sortie.

"Le lys dans la vallée" est un roman à découvrir, ne serait-ce que pour son double dénouement que j'applaudis, entre drame et pamphlet féministe !


Challenge MULTI-DÉFIS 2019
Challenge NOTRE-DAME de PARIS
Challenge XIXème siècle 2019
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Au menu de l'ogre Balzac: lui-même ou la vie amoureuse de Félix de Vandenesse. Cette histoire est fortement inspirée de ses propres jeunes années apprend-on dans la préface. Enfance et adolescence y sont définies comme essentiellement douloureuses- car le petit être est délaissé par sa mère -et cela ne présage rien de bon pour la suite.

En général je ne suis pas fan des descriptions minutieuses de certains de ses romans mais, oh surprise ici, on est dès le début happé dans le récit. Au passage, cela n'enlève rien à la qualité des phrases. Comme celle-ci:

"Quel poète nous dira les douleurs de l'enfant dont les lèvres sucent un sein amer, et dont les sourires sont réprimés par le feu dévorant d'un oeil sévère?"

Phrases poétiques à souhait et lourdes de sens. Quant à l'enfance du petit Félix, comme il nous la rapporte, elle ne sera donc qu'un souvenir douloureux .

Pourtant, alors que la France est agitée par les derniers soubresauts napoléoniens, une rencontre va éclairer sa vie: la rencontre, lors d'un bal, avec Henriette de Mortsauf. Mais elle a trente ans, et lui vingt, et surtout elle est mariée, deux enfants, et n'est pas prête à céder aux élans romantiques de ce jeune homme, bien qu'elle recherche sa compagnie.

Après cette illumination dans la vie de Félix, un jeu d'approche puis de séduction s'installe. Et là je reconnais n'avoir pas bien goûté cette installation, qui dure une bonne centaine de pages, jusqu'à l'arrivée d'une tierce personne qui met un peu plus de piquant dans l'histoire.

Par contre, la fin est intense et somptueuse avec l'agonie d'un des personnages qui résonne comme la fin d'un idéal et une sanction terribles pas seulement pour celles qui ont approché Félix de Vandenesse mais aussi pour lui.


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Félix de Vandenesse, un jeune aristocrate, a vécu une enfance et une adolescence des plus difficiles: né après un frère, qui a pris toute l'affection dont était capable la mère, et une soeur, il n'y a plus de place à prendre dans le coeur maternel. Aussi, passe-t-il son temps entre rêveries et sarcasmes, entre désir d'être aimé et les tristes pensions où la famille l'envoie étudier.

Une morne existence scande ses jours gris jusqu'au jour où, lors d'un bal, donné en l'honneur du duc d'Angoulême, à Tours, il rencontre une femme qui le subjugue au point de lui faire perdre toute mesure: il lui baise avec passion les épaules... ce qui fait rougir et fuir la belle dame. Qui est cette céleste inconnue? Un concours de circonstance heureux, amène Félix à séjourner à Frapesle, chez les Chessel, amis de sa mère, où il rencontre enfin celle qui l'enchante depuis le fameux bal.
Commence alors une douce, longue et romantique histoire d'amour platonique, entre Félix, à peine sorti de l'adolescence, et Henriette de Mortsauf. Chaque jour voit grandir l'attachement, quasi maternel, de ces deux êtres malmenés par la vie: Félix, englué dans une enfance solitaire et triste, et Henriette, mariée très jeune à un homme déjà vieux, mère de deux enfants souffreteux, épouse d'un hypocondriaque persécuteur et égoïste. La vallée de l'Indre devient le cadre idyllique d'un amour éthéré au creux duquel deux amants vertueux épousent leurs souffrances, leurs peurs et leurs espérances: les vergers, les bois et les landes offrent mille et un bouquets au fil des saisons, messagers délicats d'un lien amoureux des plus purs (d'ailleurs, Mme de Mortsauf ne tient-elle pas à considérer Félix comme son enfant, afin de pouvoir l'aimer sans offenser son serment d'épouse!), le parc et les allées somptueuses ombragées, les lieux de tendres confidences et de mains maintes fois baisées avec passion. Cependant, la belle harmonie s'avère n'être pas éternelle...

'ai aimé la construction intéressante du roman: une longue lettre de Félix à une femme qu'il aime, Nathalie de Manerville, dont la réponse est d'une savoureuse ironie, Balzac montre qu'il a un grand humour et peu d'illusions sur la nature humaine.


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J'ai lu pour la première fois Balzac à l'issue de l'été 2012, avec le Lys dans la vallée. On n'oublie jamais sa première fois.

Ce fut un début de saison maussade et frais. Je me souviens de l'arrivée des beaux jours en août, quand j'ouvris le Lys dans la vallée. C'est confortablement installée dans un jardin à l'ombre de la chaleur, que j'ai savouré mon premier Balzac. Les rayons du soleil glissant à travers les branches du cerisier pour illuminer davantage les mots qui s'offraient à moi.

C'est toujours avec une légère appréhension que j'aborde un monument de la Littérature Classique. Balzac m'intimide. Je me sens gauche et maladroite devant son oeuvre tout en appréciant la montée d'adrénaline qui m'agite.

Il y a un an, une amie m'a demandé pourquoi j'aimais Balzac. Pour lui répondre, j'ai pensé au Lys dans la vallée, symbole de la pureté. Je me suis revue, le corps chaud dans l'attente d'un courant d'air frais. J'observe mon souvenir. Celui d'une lectrice impressionnée par la prouesse littéraire à l'érotisme discret et distingué.

Le Lys, emblème de l'innocence et de la virginité, est une fleur estivale des plus majestueuses... La Comtesse Blanche Henriette de Mortsauf.

"Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais pu vouloir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie."

Ces épaules je les devine encore.
La grande porte du réalisme et du romantisme s'ouvrait à moi. Quand lire est une passion.

C'est avec un appétit féroce que j'ai dévoré l'histoire d'un homme ardemment épris du Lys dans la vallée. Felix de Vandenesse qui, fougueux, dépose ses lèvres d'un baiser enflammé sur une épaule inconnue. le voilà humilié d'avoir offusqué une créature absolue.

Un adorateur éperdu et transi
Une maîtresse orgueilleuse et jouisseuse
Un époux obscur, irascible et égoïste
Une beauté vertueuse, délicate et cristalline
Un Amour impossible
Le Lys dans la vallée
La Comédie Humaine

Balzac à travers les siècles. Pour l'éternité.

Lu en août 2012.
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J'avais lu le lys dans la vallée adolescente, mais je n'en avais absolument aucun souvenir ! Ma préférence allait alors à Flaubert ou Zola, que je lisais avec un réel plaisir, quand Balzac relevait plus de l'obligation culturelle (bac de français oblige). C'est donc avec un oeil neuf que j'ai redécouvert presque vingt ans après ce formidable roman, publié en 1835 et 1836, dans la série des "Etudes de moeurs". Ce dernier appartient aux "Scènes de la vie de province", qui évoquent "l'âge des passions, des calculs, des intérêts et de l'ambition". Balzac écrivit le lys dans la vallée à 36 ans, en se basant sur sa propre expérience, à savoir son amour de jeunesse pour Mme de Berny, dont l'intrigue et le personnage de Mme de Mortsauf sont largement inspirés. le récit prend la forme d'une longue confession, Félix s'adressant à sa maîtresse, la comtesse Natalie de Manerville, à qui il raconte son enfance malheureuse, avant d'évoquer dans les moindres détails sa passion pour la délicate Henriette. le roman se termine sur la brève réponse de la fameuse Natalie, qui offre une superbe conclusion au récit. J'ai aimé cette construction originale.

L'oeuvre a déjà été copieusement disséquée par ailleurs, et je ne souhaite pas me livrer à un exercice trop scolaire d'analyse de texte. Je me contenterai donc d'évoquer mon ressenti. le lys dans la vallée est un très beau roman sur la passion amoureuse, sur la frustration générée par un amour purement platonique et intellectuel, que Balzac oppose à l'amour sensuel. Ce conflit permanent est au coeur du récit, qui analyse avec beaucoup de justesse les comportements de Félix et de Mme de Mortsauf, embarqués malgré eux dans une idylle impossible. Balzac excelle à disséquer le sentiment amoureux, et l'on est frappé par la pertinence de ses observations.

On retrouve également la marque de fabrique de l'auteur, sous la forme de quelques passages purement descriptifs, certes magnifiques, mais souvent très trop longs. le paysage et la nature occupent une place de choix, magnifiés par le regard amoureux de Félix. La campagne sensuelle et voluptueuse que découvre le jeune homme est inspirée du château de Saché, où vécut Balzac. Ce dernier en retranscrit parfaitement l'ambiance bucolique, au travers de quelques évocations champêtres au caractère hautement poétique (j'ai été sensible aux nombreuses métaphores fruitières et florales utilisées par l'auteur, qui donnent une vision particulièrement attirante de cette vallée gorgée de soleil).

"La renaissance de madame de Mortsauf fut naturelle, comme les effets du mois de mai sur les prairies, comme ceux du soleil et de l'onde sur les fleurs abattues."

La force du roman réside, on l'a dit, dans l'étude de caractères pleine de finesse à laquelle se livre Balzac, lequel nous réserve quelques scènes d'une puissance rare (je pense bien sûr à la dernière rencontre de Félix et d'Henriette, moment sublimement tragique). On peut ne pas adhérer au propos, très ancré dans son époque, mais la prose de l'auteur n'en demeure pas moins d'une force saisissante : c'est beau, et je reconnais m'être totalement laissée emporter par l'histoire.

Venons en maintenant au lys, symbole de pureté, qu'incarne la très vertueuse comtesse de Mortsauf. La vie n'est pas tendre pour cette jeune femme mal mariée, dont la beauté et la fraîcheur s'étiolent inexorablement. Henriette est un personnage stoïque, fidèle à son devoir de mère et d'épouse, qui se consume d'amour pour Félix, qu'elle prétend aimer comme un fils et finit par prendre sous son aile protectrice, alors même qu'elle brûle pour lui d'une passion inassouvie. Lorsque Felix, métamorphosé en dandy, entame une liaison charnelle avec la très superficielle duchesse de Dudley, Henriette tombe dans un puits sans fond, et réalise subitement que sa vie n'aura été qu'un long mensonge. Un destin à la fois tragique et pathétique pour cette femme de caractère, sainte sacrifiée sur l'autel de la passion, dont on notera cependant l'ambiguité : elle ne veut pas céder à Félix, mais maintient le jeune homme en son pouvoir, en jouant pour lui le rôle d'une mère de substitution. Il est donc difficile de s'attacher complètement à Henriette, et il semble finalement assez naturel que Félix la "trahisse" pour assouvir ses besoins.

Bien sûr, les grands discours de Mme de Morsauf sur l'amour et le sacrifice peuvent aujourd'hui sembler un peu désuets, et la prose De Balzac possède parfois un côté excessif et grandiloquent (les défauts de ses qualités, en quelque sorte). Je retiendrai néanmoins la force extraordinaire qui se dégage de cette histoire, laquelle dépeint merveilleusement le sentiment amoureux. Il n'est pas impossible que je lise d'autres romans de la Comédie Humaine dans un futur proche.


Un classique à redécouvrir !

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Après m'être mis à redécouvrir l'oeuvre De Balzac, qui m'avait beaucoup barbé pendant mon adolescence, j'attendais beaucoup de ce roman. le relecture du Père Goriot, et les découvertes du Bal de Sceaux et surtout du chef d'oeuvre inconnu m'avaient fait l'effet d'une révélation. Mais là je dois dire que la lecture m'a paru plus laborieuse, l'écriture est magnifique et riche certes, mais les descriptions de l'amour platonique qui occupent plus du tiers du roman m'ont par moment pesé. Ceci dit, la trame de l'histoire sous forme de lettre écrite à une certaine Natalie, avec la description de l'enfance de Félix, la panoplie de personnages tel le Comte de Mortsauf, les rouages de la société de l'époque de la Restauration, et cette conclusion fort judicieuse, tous ces éléments font de cette histoire une oeuvre belle, puissante et enrichissante, mais sans doute que, si on n'est pas amateur de littérature fleur bleue, ce n'est pas le roman idéal pour aborder Balzac pour un lecteur du XXIe siècle.
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