L'Oeuf de
Lennon est un ouvrage tout à fait étonnant. Autant le dire tout de suite, j'ai aimé. Emportée par la déferlante poétique de
Kevin Barry dès les premières pages, j'ai parfois été déroutée, voire même – durant certains
passages -, j'ai frôlé l'état dubitatif ; mais quelle savoureuse expérience de lecture !
Ce livre n'a rien de banal. Ni la forme typographique de son texte aligné à gauche et non
pas justifié ; ni le style du récit en patchwork alternant des
passages de prose poétique, des dialogues comme au théâtre, des allers à la ligne sans majuscules avec de grands blancs, et autres monologues intérieurs.
Partant de quelques faits réels, de voix, de lieux et d'une démarche créative qu'il va nous expliquer dans le sixième chapitre,
Kevin Barry imagine une sorte d'anti biopic en forme de voyage, où on va suivre
John Lennon et son inénarrable guide irlandais Cornelius O'Grady.
Le ton est admirablement lancé dans l'épigramme de ce roman
pas comme les autres, avec une citation de l'immense
John McGahern : « … la plus insaisissable de toutes les îles, la première personne du singulier ». Tout au long de ce roman, il va être question de quête, de sens, d'île, de soi. L'important, c'est le voyage. Vers Dorinish, vers son Cri primal à la Janov, vers l'origine, l'étincelle.
Si j'osais, je dirais que le génie irlandais se trouve au coeur de ces pages à la poésie jaillissante. le génie de l'absurde à la
Beckett, la mise en scène brillante, le souffle épique des épopées celtiques, le terreau d'une poésie séculaire, le cynisme et l'humour noir à la Flann O'Brien… Allez, j'ose.
Cette lecture ne plaira sans doute
pas à tout le monde, mais si vous tentez le voyage, vous y entendrez peut-être murmurer l'ombre de vos
pas. Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chatel.
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