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EAN : 9782841161188
41 pages
Cheyne (01/07/2006)
3.75/5   8 notes
Résumé :
Nous voici lancés, aux côtés de Danielle Bassez, sur les traces que son père, lecteur curieux de tout - de Proust comme littérature populaire, de George Sand comme Jankélévitch - a laissées derrière lui : bouts de papiers, dessins, notes dans les marges, listes de mots, schémas étranges.
Comme autant d'empreintes, d'herbes foulées, de brèches dans les taillis. Lire : faire silence, corner des pages, gribouiller, balbutier. ET espérer. Quoi ? Que quelqu'un se ... >Voir plus
Que lire après Écrits dans les marges : De la pratique du gribouillage comme art gourmand de la lectureVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comment lisez-vous ? Est-ce que comme moi sur les livres qui vous appartiennent vous parsemez ici et là des notes, des ajouts, des renvois vers d'autres livres, le sens d'un mot inconnu, des points d'interrogation, parfois d'exclamation, parsemez vous comme moi les livres de petits feuillets en papier pelure ?
Je ne peux pas m'en empêcher, je fais de petites marques avec toujours les mêmes crayons à papier, très fins, légers, que l'on gomme sans laisser de traces. Je note, relève des phrases et j'aime relire ces petits mots des années plus tard et bien entendu parfois je ne comprends plus pourquoi j'ai relever une phrase, mais parfois cela ravive le bonheur de la première lecture.Quand j'ai lu la quatrième de couverture de ce petit livre j'ai su immédiatement qu'il était pour moi.
L'auteur nous y parle de son père, lecteur passionné, attentif, assidu, lecteur admirable.
Un homme discret « Vêtu de sa blouse de travail grise » d'employé des postes, un homme des choses simples « Un homme des taillis, qui furète, qui fouille » et qui tout au long du temps lit, des formats réduits, des livres à glisser dans ses poches.
Il lit de tout et partout, Proust et les souvenirs d'un mineur, au dessus de son établi ou au grenier, « les mots lui ont donné faim »

Il lit parsemant les livres « de minces papiers de soie, des bandes d'expédition de journaux, des fétus qu'il planque entre les pages ». Il lit « sans discrimination et sans préjugés »
Toutes les petites notes, les listes de mots, les signes cabalistiques, les dessins, révèlent l' homme « Il lit des livres denses imprimés sur papier bible, qui se défendent par toutes les ronces d'un vocabulaire hermétique et dans lesquels on pénètre avec difficulté »
Plus que lecteur, il prend la plume, à travers bribes et petits commentaires, il se dévoile : « Il se confiait au papier, aux pages d'un livre ami, et pour se murmurer à lui-même cet émoi fugitif, coulait sa voix dans les mots d'un autre. »

C'est une émouvante découverte posthume pour sa fille dont elle jouit avec amour et pudeur.
Un petit livre précieux, une leçon laissée par un lecteur rare et gourmand de lecture.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
 
 
 Pourtant, dans cette sécheresse, il croise
celui qui lui convient, quelqu'un qui va du
même pas, avec qui marcher : Vladimir Jan-
kélévitch. La mèche est célèbre, le visage
osseux. Quand à la voix, on la reconnaîtrait
entre mille, haletante, une voix qui se reprend,
se repent déjà de ce qu'elle a affirmé et se
corrige sans cesse, modeste, anxieuse et cepen-
dant sûre, qui tisse par tant d'approximations
successives la toile d'une vérité.
 Il interroge ce maître du « je ne sais
quoi » et du « presque rien ». Maintenant que
l'œuvre de Proust est refermée, la question
du Temps reste nue, entière. Il n'est pas sûr
qu'elle obtienne réponse. À vrai dire, y a-t-il
question ? Il n'y a que des définitions, des
éclaircissements, des sentences. Les mots sont
nettoyés, grattés, toute la gangue sensuelle
leur est enlevée, ils apparaissent comme des
pierres. Des outils à penser, que le philoso-
phe affûte et dispose sur son établi mental,
qu'il déplace et oppose, concasse ou agglu-
tine au gré des besoins, non sans quelque
penchant pour la plaisanterie : « L'Irréversible
absolument irréversible-imprévisible, l'Irré-
versible-prévisible, le Reversible-imprévisible,
l'Irréversible relativement irréversible-impré-
visible… » On croirait des jongleries, un jeu
métaphysique.

p.34-35-36
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Il s'enfonce dans la brousse des phrases.
Lire le soustrait du monde, des assauts du
monde, le rend à sa solitude, à cette blessure
toujours vive dont il ne parle pas, recouverte
d'occupations et d'affairements, et ce qu'il a
besoin de palper pour s'assurer qu'il est bien
toujours le même. On ne le retrouve plus.
Il ne reste de lui que des traces, les notes
inscrites d'une écriture aiguë, parfois minus-
cule, les signes cabalistiques dont il ponctue
les marges : petits carrés, cercles, triangles,
astérisques, sur le sens desquels on s'interroge,
jusqu'à ce papier de soie s'échappant d'entre
les feuillets, livrant des listes : éon, quoddité,
monadologie, hapax, empirie, ontique, anam-
nèse, ipséité, mots dont lui, l'autodidacte,
veut vérifier la signification. Il résume cer-
taines phrases, les prend à son compte :
J'étoffe à tord le vide de la réminiscence ;
ou bien : Nous ne pouvons rétrograder. Il s'est
enfoui dans le langage, on le perd de vue.

p.9-10
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Écrire, marcher : de mon père je ne
retiens que cette allure du corps,
balancée, ce geste de la main qui tour-
noie autour d'elle, l'absente, autour du vide
qu'elle laisse, peut-être aussi ce haussement
des sourcils au-dessus de l'arc des lunettes,
cette avancée des lèvres qui sifflotent lorsqu'il
marche, ou qui soufflent l'air dans l'étonne
ment de ce qu'il lit. Où marche-t-il ? Au long
d'ennuyeuses rues de province qu'il emplit de
son élan, ou dans l'allée du jardin qu'il fran-
chit à grandes foulées, vêtu de la blouse de
travail grise, avec, bien en main, le couteau
courbe qui lui sert à tailler. Il explique avec
des circonvolutions de doigts comment bou-
turer une plante ou construire un abri pour
les bouvreuils, ou bien lance sur le papier à
lettres les majuscules initiales, aériennes,
bouclées, M à grands jambages, C qui s'achè-
vent en queue de comète, et les rangs serrés
de mots épineux, autant de chardons en ce
désert.

p.7-8
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 Pétri, son corps, d'une culture sauvage, non
calibrée, qui s'échange au bistrot dans la
fumées des pipes, frotté au-dessus
de la bassine par de vigoureuses mains mater-
nelles. Les mots ne lui font pas peur. Il les
aime tels qu'il sortent de la bouche, malaxés
par la langue et les dents, chuintant au travers
des trous laissés dans les mâchoires, déformés
comme des mains au travail, de lourdes
paluches, contaminés par la proximité de la
frontière, des mots mal plantés, bancals, qui
clopinent et jouent à cloche-pied dans des
vers de mirlitons.

p.15
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 Lui, maintenant, file vers sa propre
angoisse, de plus en plus claire. Proust lui
prête encore des mots, une part de son scep-
ticisme — « on accepte la pensée que dans
dix ans soi-même, dans cent ans ses livres,
ne seront plus » — seulement, ce ne sont
pas des livres qu'il a à écrire, mais quelque
chose de plus précaire encore, un souvenir,
qu'il construit par touches ténues dans les
marges, sur ses petits papiers, une barque
fragile dont il espère qu'elle le sauvera, lui,
et ceux déjà disparus qui ne vivent plus que
dans sa mémoire. Il en est aux dernières
pages. Proust est derrière lui. Gagnée ou
perdue, c'en est fini de sa bataille avec le
Temps. Lui poursuit sa route. Il avance. Il
est seul.

p.32-33
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Video de Danielle Bassez (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Danielle Bassez
Découvrez le nouveau livre de Danielle Bassez, "Le Même et l'autre" à paraître le 11 avril 2023. Réalisation : Roman Ganz.
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