Dans les processus que nous nommons perception, connaissance et action, il nous faut suivre un certain protocole : lorsque ces règles, au demeurant obscures, ne sont pas observées, c'est la validité même des processus mentaux qui est compromise. Ces règles concernent avant tout la préservation de ces lignes de démarcation subtiles qui séparent le sacrè du profane, l'esthétique de l'appetitif, le délibéré de l'inconscient, et la pensée du sentiment.
J'ignore dans quelle mesure la philosophie abstraite corrobore la nécessité de ces lignes de démarcation, mais je suis sûr que ces séparations sont un trait commun des epistemologies humaines, et qu'elles sont un élément de l'histoire naturelle de la connaissance humaine et de l'action. Il est certain que l'on doit pouvoir trouver de telles frontières dans toutes les cultures, même si chacune d'entre elles possède sa façon propre de se débrouiller avec les paradoxes qui s'ensuivent. C'est pourquoi je considère l'existence même de ces démarcations comme ce qui dénote que le domaine de l'épistémologie (de l'explication mentale) est ordonné, réel, et doit être examiné.
Le père Collingwod parle de la différence entre l'art et le divertissement ; selon lui, l'art véritable nous laisse finalement plus riches et plus heureux, mais il exige d'emblée une certaine discipline, tandis que, pour entrer dans le divertissement, on n'a pas besoin d'une discipline, mais, quand on en sort on est comme mort. L'éducation ressemble de plus en plus à une tentative de séduction : on s'efforce d'éveiller l'attention des enfants en les divertissant, c'est-à-dire en leur dorant la pilule dès le début.
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Gregory Bateson et l'épistémologie du vivant.