Adriano est le double fictif de l'auteur,
Cesare Battisti.
Un avion militaire le transporte vers une destination inconnue, il ne demande pas pourquoi, il le sait. Il a passé sa vie à fuir pour ne pas en arriver là. Il pensait finir ses jours tranquillement en Bolivie, avec la protection de ses amis mais, quelqu'un l'a trahi.
Du fond de sa cellule, où il tremble de froid, ne sachant pas qu'il a contracté une pneumonie, il reconstitue les différentes étapes de sa fuite, et réfléchit au comportement des personnes qu'il a croisées sur son chemin, y compris parmi celles qui l'ont aidé. Il rêve aussi qu'il est de retour dans son jardin avec sa famille qui lui manque beaucoup.
En alternance, le roman retrace les événements politiques qui ont eu lieu au Brésil en particulier à Rio où Adriano avait obtenu le statut de réfugié, les actions de son groupe ami contre le gouvernement, leurs engagements personnels. Les vies des différentes personnes s'entrelacent. le lecteur les suit dans leur quête, dans leurs réunions officielles ou secrètes, leurs doutes, leur souffrance quand ils découvrent que quelqu'un parmi eux a trahi.
Est-ce Martin Lopez, l'ami le plus proche d'Adriano qui sera nommé directeur national de la Sécurité intérieure ? Carlos Ramirez qui s'occupe d'un groupe de défense des droits de l'homme ? Jonas, un autre exilé qui a peur pour lui à présent, ou Alfonso qui a refusé de partir du Brésil ?
Adriano était-il surveillé par les services de renseignement de celui qu'on surnomme le Capitaine ?
Contre quoi ou qui a-t-il été "échangé" ? La Bolivie a-t-elle été obligée de céder pour acheter sa paix ? Dans ce roman, comme dans la vraie vie, on parle d'une "affaire d'état", d'"équilibres politiques en jeu", de la "stabilité de la nation", du risque pour la Bolivie de tomber "aux mains du fascisme mondial", d'un "service rendu" à l'Italie (en échange de quoi ?).
Le lecteur cherche à comprendre, à dénouer les pièges, à lire ce qui ne se dit pas derrière les paroles et les actes des différents protagonistes. Et si tout cela avait été organisé par les gouvernements en place faisant fi des lois internationales sur l'asile politique ?
Ce faisant le lecteur découvre la peur des militants de gauche qui se sentent "prisonniers", qui entrent en résistance mais accumulent les déceptions. Avec l'arrestation d'Adriano, c'est tout un monde et des idéaux qui s'écroulent sous les yeux du lecteur...
Ce roman se lit comme un thriller et je l'ai trouvé très bien écrit, avec des chapitres courts et beaucoup de rythme et de suspense, même si le lecteur connait par avance la fin. Ce n'est ni un témoignage, ni une autobiographie mais ce qu'on appelle une autofiction.
Tout d'abord je tiens à dire que le lecteur n'a pas à prendre partie, à savoir si l'auteur est coupable ou pas, ce sujet ne sera pas abordé donc je ne m'engagerai pas sur ce terrain, car nous n'avons pas toutes les cartes en main et je vous conseille de lire ou relire, tout ce qui concerne les années de plomb en Italie durant lesquelles près de 12 000 attentats ont été perpétrés. Vous avez tous les renseignements sur internet nécessaires pour vous forger votre propre opinion sur ce qu'on a appelé "l'affaire Battisti". D'ailleurs, l'auteur a reconnu les faits. Mais de nombreuses questions subsistent, entre autres deux d'entre elles m'interpellent : Pourquoi certains activistes appartenant à des groupes minoritaires ont été jugés et arrêtés, ou se sont réfugiés dans un autre pays, et pas les autres ? Et, pourquoi les commanditaires de certains attentats particulièrement graves et meurtriers, sont-ils encore dans la nature ? Je ne rentrerai pas plus dans les détails par respect pour les familles qui ont perdu un des leurs car ces années de plomb ont fait beaucoup de victimes. Je ne les ai pas oublié tout au long de ma lecture, croyez-moi.
Mais tout n'est pas centré sur l'histoire personnelle de l'auteur, ce livre étant à la fois un roman et un documentaire qui nous permet de mieux connaître la situation réelle au Brésil dans les détails, les dégâts du totalitarisme sur les pauvres et les marginaux de ce pays, la répression par la violence qui est censée résoudre les oppositions au régime, et la corruption qui empoisonne la vie quotidienne des habitants.
Il y a des passages presque amusants, comme par exemple la rencontre entre le ministre bolivien et Martin et Ramirez qui cherchent à comprendre quelle est l'implication réelle du gouvernement de ce pays dans l'arrestation d'Adriano.
Il y a des passages très poétiques, des descriptions de paysages fabuleuses, des moments de grâce qui allègent le récit et permettent au lecteur de souffler un peu.
Les personnages secondaires sont tous crédibles et bien entendu, sont fictifs même si on se doute que certains ressemblent réellement aux personnes qui ont aidé Cesare dans sa fuite. En tous les cas, ils sont très réalistes, se sentent tous impliqués et vont mener l'enquête avec leurs propres "armes". le lecteur croise ainsi entre autres, Jonas, Martin, Ramirez très impliqués, mais aussi Alfonso qui refuse de quitter sa famille et le Brésil, Flora qui est née en Bolivie, Mariluz, une militante brésilienne convaincue, au caractère bien trempé et son frère trans, Fredy qui à force de fricoter avec les militaires pro-bolsonaro, finira mal.
Les vies professionnelles et privées se recoupent, des amours se tissent, des jalousies étayent le roman...parfois le lecteur s'y perd un peu mais qu'importe il sait toujours dans quel pays, il se trouve.
La critique complète est sur mon blog, il suffit de cliquer sur le lien ci-dessous si cela vous intéresse.
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