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Samuel Baudry (Autre)
EAN : 9782729714116
Presses universitaires de Lyon (15/06/2023)
3.25/5   4 notes
Résumé :
Pourquoi ne pas se contenter de lire des livres ? Pourquoi dans les lycées ou les universités, dans les journaux ou sur Internet, commente-t-on ce qu'on lit, sous forme de devoirs laborieux ou d'articles érudits, de rubriques polémiques ou de vidéos survoltées ? C'est à cette question que tente de répondre ce livre, en traçant la longue histoire de la critique littéraire. Autour de la littérature ont pris place des activités d'enseignement, de recherche et de critiq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Enseignant-chercheur à l'université Lyon 2, spécialiste en littératures anglophones, Samuel Baudry est l'auteur de nombreuses publications. Ce dernier ouvrage paraît dans les collections Synthèses et Lignes de Partage des Presses Universitaires de Lyon, destinées à rendre accessibles au plus grand nombre, et en particulier à un public étudiant, des synthèses de recherches en sciences humaines et sociales. En l'occurrence, il s'agit ici de retracer le panorama historique des différentes formes prises par la critique littéraire occidentale depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours : une occasion très sérieuse de réaliser le long parcours, qui, depuis les « kritikoi » qui choisissaient les textes à conserver dans la bibliothèque d'Alexandrie, a mené au foisonnement contemporain des commentaires littéraires sur les réseaux sociaux.


Cette longue épopée a connu des phases majeures, structurant les grandes parties de cet ouvrage :

- de l'Antiquité où tout commence : il faut sélectionner les meilleurs textes et les meilleures versions pour l'éducation de l'homme cultivé ; apprendre à les lire, à les comprendre et à les commenter pour en exprimer toute la sagesse – autant de disciplines : grammaire, rhétorique, commentaire, qui auront une importance majeure dans la manière d'aborder les écrits jusqu'au Moyen-Age,

- au dialogue entre les Anciens et les Modernes à partir de la Renaissance, alors que, grâce à l'invention de l'imprimerie, la diffusion accrue des textes favorise réflexion et discussion – on commence à théoriser la littérature et son rôle, en insistant, à la manière d'Aristote avec sa Poétique, sur la catharsis du lecteur, sur son éducation morale au travers de l'imitation écrite des émotions ; face à la littérature savante, une nouvelle littérature de divertissement argumente sur ses mérites à la faveur d'une profusion de prologues et de préfaces ; des académies et des salons se mettent à proliférer dès le XVIIe siècle, où l'on converse, échange, débat avec les auteurs, où la bonne société définit le bon goût, précise les rôles éducatifs, moraux et linguistiques de la littérature, distribue des prix et joue au mécénat,

- puis à l'âge des critiques, au XVIIIe siècle, lorsque la démocratisation de la lecture, désormais accessible aux classes moyennes urbaines et aux femmes, suscite l'inquiétude quant aux risques d'une littérature incontrôlée, subversive et sentimentale – c'est l'époque des essais, des guides de lecture, des revues périodiques et des florilèges qui s'érigent en outils pédagogiques pour le progrès personnel et social ; on y enseigne à juger avec goût, et Lumières obligent, à se forger une opinion débarrassée des préjugés et des dogmes ; pour les philosophes, l'étude de la littérature devient un point d'entrée pour l'étude de l'homme et l'esthétique une nouvelle discipline, on s'intéresse aux mécanismes de la créativité et aux ressorts de l'esprit, en un mot au génie,

- il ne manque plus que l'émergence du « champ autonome de la littérature » au XIXe siècle, avec l'opposition entre le Romantisme – qui fait de la poésie une activité mystique, fondamentale pour exprimer symboliquement un monde autrement indicible, et de la lecture une expérience visionnaire nécessitant un travail créatif d'interprétation critique – et une approche plus scientifique – le critique est un observateur externe, un historien, un professeur, un expert qui dissèque, catégorise, théorise et modélise : une activité pratique qui s'enseigne désormais à l'université et alimente des travaux de recherche,

- avant de rejoindre l'époque contemporaine, parfois qualifiée de monde de l'après-littérature : désacralisée, la littérature s'y revisite au gré de nouveaux canons volontiers wokistes, les livres numérisés s'offrent aux nouvelles potentialités de l'intelligence artificielle, les consommateurs bénévoles prennent le relais des journalistes rémunérés pour proposer un mode de prescription horizontale faisant narcissiquement la part belle à l'expérience personnelle et nivelant la critique au niveau de pensée de la majorité statistique. L'on évalue désormais les livres comme n'importe quel bien de consommation, les avis de lecteurs sont des baromètres commerciaux au même titre que les enquêtes de satisfaction menées maintenant après quasiment tout acte d'achat.


Avec ses cinq parties clairement structurées en chapitres comportant chacun une description du contexte, des dispositifs et des objets critiques propres à chaque époque, enfin une liste des sources, ce livre est un ouvrage d'esprit scientifique, synthétisant des travaux de recherche exhaustifs et pointus, pour une vulgarisation qui ne manquera pas d'intéresser, entre autres, quiconque se pique d'aimer les livres et, qui plus est, de partager son avis à leur propos. Cette intéressante mise en perspective ouvre par ailleurs de nombreuses pistes de réflexion quant à la place de la littérature dans la société occidentale contemporaine, quand marketing, enjeux économiques et intelligence artificielle n'ont pas fini de révolutionner notre approche des livres.


Enfin, il m'est impossible de conclure sans mentionner avec amusement l'exemple choisi par l'auteur pour illustrer le rôle des lecteurs et de leurs avis de nos jours, puisqu'il s'agit d'un extrait de la critique de Nastasia-B sur un livre éminemment sujet à controverse sur Babelio : La place d'Annie Ernaux !


Merci à Babelio et aux éditions PUL pour cet ouvrage on ne peut plus intéressant pour tous les Babéliotes.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Pourquoi ne nous contentons-pas de lire » ? « Sous quelles formes et à quelles fins écrit-on sur la littérature ? » Telles sont les questions que se pose Samuel Baudry. L'auteur est maître de conférences en littérature britannique du XVIIIe et du XIXe siècle. Il est rattaché à l'Institut d'histoire des représentations et des idées dans les modernités de l'Université Lumière Lyon2.

Pour répondre à ces questions, l'auteur souhaite explorer divers axes :
- d'abord, les origines historiques, sociales et culturelles de cette pratique,
- puis les méthodes élaborées et utilisées à cet effet,
- les objectifs justifiant la place prépondérante de la littérature dans les études,
- et enfin, les différentes institutions qui interviennent dans ces pratiques.
Pour répondre à ces questions, voilà un ouvrage de vulgarisation classique dans sa forme. Une structuration presque artificielle et scolaire, mais qui a le mérite de proposer une réflexion pas à pas, rigoureuse et facilement compréhensible.

D'abord, une intro présentant le sujet, une définition des termes, le périmètre d'étude, quelques précisions sur la méthode.
Puis 5 grandes parties qui retracent, dans 18 chapitres, une sorte d'histoire de la pratique de la critique littéraire. le propos s'étend depuis le discours antique jusqu'à la démocratisation culturelle contemporaine. Chaque chapitre contient une bibliographie, des exemples pour appuyer et illustrer le propos.
Enfin, une conclusion revient dans les grandes lignes sur toute la réflexion menée. Puis elle ouvre des portes pour la prolonger. En fin d'ouvrage, un index des notions abordées permet de revenir sur un point technique en particulier.
On a donc un ouvrage très pratique, tant dans son format que dans sa structuration et la teneur du propos. Chaque partie est en effet construite sur le même format : une petite introduction qui dessine les grandes lignes de ce qui sera ensuite développé puis une structuration en chapitres.

Chaque chapitre est également bâti sous un modèle similaire :
- Quelques éléments de contexte,
- Un focus sur les dispositifs inventés, élaborés et utilisés dans la pratique de la critique. Y sont développés concepts, méthodes, outils.
- Puis un développement sur les objets littéraires qui en découlent; autrement dit, les formes que prennent ces discours critiques et métalittéraires.
- Et enfin, quelques rapides exemples pour illustrer les propos.


J'ai trouvé ce bouquin absolument passionnant, révisé plein de notions oubliées, et appris des tonnes d'autres choses. Très très intéressant de mon point de vue, facile à comprendre et à suivre, mais beaucoup de choses à assimiler. J'ai même posé ça et là des petits post-it parce que j'ai trouvé de quoi alimenter ma prochaine pause café (que je suis en train de rédiger – oui, celle d'octobre). Son format et son propos très pratiques permettent d'y revenir s'y référer si besoin.
Sur le blog (héhé), je propose un résumé dans les très très grandes lignes de chacune des parties.


D'où vient la critique littéraire n'est pas un essai; c'est plutôt un ouvrage de vulgarisation scientifique. Pour ma part, je préfère, parce que les essais, en général, je ne comprends pas grand chose. de ce fait, c'est davantage un panorama qu'un propos approfondi. Cependant, malgré cet angle synthétique, l'ouvrage donne les clefs et les outils pour aller approfondir si besoin.

Je regrette pour ma part deux choses :
- la faible part d'exemples. On aurait pu avoir davantage de matière pour illustrer et appuyer les propos; à ce stade. En effet, c'est assez léger de mon point de vue.
- le balayage assez rapide du chapitre Les théories, qui revient sur toutes ces théories du XXe siècle. J'avoue que deux trois pages sur Bakhtine, Kristeva, Todorov, Jauss, Derrida, Saussure et Barthes… c'est ardu à comprendre et avaler. Parce que leurs théories sont complexes, faisant intervenir des concepts très particuliers (sémiologie etc.), et ce n'est pas à la portée de tout le monde. J'avais quelques restes, mais je ne peux pas dire que ces quelques pages aient rafraichi ma mémoire ou éclairé ma lanterne concernant les théories qui m'étaient encore inconnues.

Peut-être pourrait-on considérer aussi que l'approche privilégiée ici crée une sorte de récit très linéaire et factice, omettant sans doute des mouvements contradictoires et complexes qui auraient pu être gommés. Mais n'étant pas du tout calée sur le sujet, cela ne m'a pas gênée. J'ai considéré l'ouvrage comme un apport de bases, de concepts et d'un contexte permettant d'avoir quelques grandes lignes en tête.


Excellent ouvrage de vulgarisation, D'où vient la critique littéraire de Samuel Baudry nous apprend donc beaucoup de choses de manière synthétique et rigoureuse. Agréable à lire et… à annoter, voilà un petit livre qui remet la pratique de la critique littéraire dans son contexte. Apprendre que nous sommes les héritiers d'une tendance dont les origines se retrouvent chez les Anciens et qu'elle a évolué au cours des siècles est vraiment très intéressant. Et puis, commenter un ouvrage centré sur la critique des textes, c'est quand même une mise en abyme que je trouve assez rigolote ^^
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/s..
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1) Pauvre de moi qui n'ai pas bac+++… et qui ne suis qu'une simple institutrice primaire !

L'ouvrage de Samuel Baudry, « D'où vient la critique littéraire ? », surpasse largement mon niveau d'érudition et je l'avoue en toute humilité et sans honte. Cette étude rigoureuse sur l'origine et l'évolution des discours critiques démontre la maîtrise parfaite de son auteur sur ce sujet, ainsi que l'analyse fouillée de ses recherches. D'ailleurs, chaque chapitre est étayé d'une large bibliographie qui permettra à tout un chacun de parfaire encore ses connaissances.
L'ensemble des 18 chapitres est construit à l'identique selon trois axes : le contexte, les dispositifs et les objets ; et parcourt ainsi l'histoire des commentaires critiques littéraires depuis l'Antiquité grecque et latine jusqu'à nos jours. le tout aboutit à un résultat très structuré, très synthétique, très technique. Et si personnellement, j'y ai trouvé certaines longueurs, je dois admettre en avoir retiré plusieurs enseignements. Cet ouvrage sera donc une source précieuse pour tout étudiant ou professionnel ou passionné de la sphère littéraire.

Mais je m'interroge quant à ce passage : « …le doctorat ès lettres, d'origine médiévale, mais qui se redéfinit au cours du XIXème siècle. Grade attestant une capacité à produire des savoirs nouveaux, barrière d'entrée dans la profession, il est aussi un mécanisme d‘auto confirmation qui, par les citations et les bibliographies renvoyant aux autres docteurs, atteste leur appartenance à une même communauté ». Cet ostracisme intellectuel ne serait-il pas encore d'actualité dans certains milieux universitaires ?

2) Pauvre de moi, lectrice naïve, qui ai choisi cet ouvrage pour la pertinence de cette question en quatrième de couverture : « Pourquoi, depuis la naissance de la littérature, l'être humain ne se contente-t-il pas de lire ? Pourquoi éprouve-t-il le besoin de commenter, d'analyser, d'explorer, d'interroger, en bref, de critiquer les livres ? »

L'auteur a magistralement cerné le problème et il boucle la question. Je cite : « À côté des usages légitimes (scolaires, analytiques ou esthétiques) que les institutions littéraires avaient imposé au XIXème siècle sont maintenant revalorisés des usages qui avaient été minorés dans les discours métalittéraires : usages didactiques (la littérature comme source d'inspiration), politiques (la littérature comme sensibilisation à des questions sociales), identitaires (la littérature comme outil de construction de soi) ou thérapeutiques (la littérature pour échapper à sa souffrance, pour réparer des traumatismes). »
Heu… c'est tout ? Et le bonheur de lire, dans le sens du plaisir futile, voire inutile, doit-il être répertorié comme usage didactique ou identitaire ? Donner son avis pour partager en toute simplicité un sentiment, un ressenti, sans devoir prouver quelque chose et sans rien en attendre en retour…

3) Pauvre de moi, chroniqueuse lambda sans prétention, qui me permets de rédiger des commentaires sur des plates-formes littéraires et sur mon blog…

En effet, Monsieur Baudry, après s'être étendu sur les fondations antiques sur près de 32 pages au début de l'ouvrage, n'en consacre que 8 à la fin pour analyser ce nouveau mode de communication sur Internet. Il me semble d'ailleurs y déceler une certaine amertume, si pas un désenchantement. de fait, ma propre chronique lui paraitra bien puérile et attestera de mon amateurisme.

Je relèverai cependant un note valorisante et optimiste (je l'envisage en effet comme tel !) sur les blogs. Et c'est par cette dernière citation que je conclurai : « Enfin les blogs, qui avaient constitué le première intégration des débats critiques sur Internet, restent un mode d'expression vivant, riche et varié. »
Lien : https://memoiredeliseuse.odo..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Les effets positifs de ce dispositif, qui encourage l’engagement du lecteur autour de problèmes psychologiques, sociaux ou éthiques complexes et qui facilite la construction de sa personnalité et de ses opinions – en particulier lorsque certains aspects de celles-ci, politiques, sexuels, religieux, sont problématiques au sein de sa société -, ont été largement soulignés, mais on peut aussi y voir une dangereuse dérive moralisatrice. Ce tournant éthique des discours métalittéraires, qui jugent les œuvres selon leur conformité aux préoccupations identitaires, morales ou sociales du critique, peut être considéré comme une chance : par la dialogue, par la confrontation d’opinions contraires et par leurs tentatives de dépasser leurs préjugés, les lecteurs apprennent les uns des autres. Il peut aussi être considéré comme responsable d’une nouvelle forme de censure, qui tente de supprimer les voix discordantes, cataloguées comme nocives pour la société.
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Dans toute l’Europe, un genre en particulier, le roman, concentra les débats sur la marchandisation du livre et l’émergence d’un nouveau lectorat. On lui reprochait des publications en nombre excessif, des ouvrages souvent sans qualité, voire pernicieux, et on s’inquiétait de la fureur de lire d’un public incapable de les choisir avec goût et de les lire avec sagesse. La plupart des romans devaient être évités, car ils étaient considérés comme impertinents, ennuyeux ou obscènes. Et même lorsqu’ils n’étaient pas dangereux, ils étaient souvent sans originalité, de simples produits manufacturés presque automatiquement, que les lecteurs ignares admiraient parce qu’ils leur rappelaient d’autres romans similaires qu’ils avaient déjà lus.
Ces craintes, régulièrement exprimées dans les essais, les sermons, les préfaces et les revues elles-mêmes, étaient démultipliées lorsque l’on évoquait les lectrices. La psychologie d’alors leur prêtait une plus grande sensibilité, une plus intense imagination ; elles étaient plus facilement séduites par leurs lectures, en tiraient plus vite des aspirations sociales inadéquates, des désirs inappropriés. Il fallait être particulièrement vigilant afin que les livres qui tombaient entre leurs mains ne les pervertissent pas. Des craintes similaires existaient envers les lecteurs encore jeunes : les romans risquaient de les conduire à la débauche, de les dégoûter de l’effort et du travail, de leur faire préférer les mondes de l’imaginaire à la réalité. Quant aux lecteurs ouvriers, masculins ou féminins, les romans leur faisaient perdre du temps et les encourageaient à la fainéantise. Tous ces dangers, soulignés, on l’a dit, par les revues elles-mêmes, pouvaient être évités si ces lecteurs étaient guidés – également par les revues ! - vers des livres édifiants.
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Les frontières entre cultures savantes et cultures destinées au grand public, entre littératures canoniques et littératures populaires, ne sont plus, dans cette perspective, fondées sur les qualités intrinsèques des œuvres, mais plutôt sur les pratiques des lecteurs et des commentateurs : d’un côté, l’approche légitime des textes, esthétique, formaliste et prétendument atemporelle, qui postulait une impossibilité de séparer la forme du fond, qui imposait une distance émotionnelle, qui valorisait la gratuité de l’engagement ; de l’autre, l’approche personnelle et contextualisée, qui recherche dans les textes des réponses à ses problèmes, à ses interrogations.
C’est à cette double reconsidération que ce désenchantement nous conduit : du canon littéraire et de l’usage de la littérature. Les textes dignes d’une étude poussée ne sont plus seulement ceux que le canon universitaire avait retenus, mais ils peuvent être choisis dans tout l’éventail que chaque époque a produit, du plus vulgaire au plus mystique, du plus formel au plus oralisé, du plus confidentiel au plus commun. En même temps les usages académiques traditionnels sont remis en question et d’autres sont valorisés (comme lire dans le but de comprendre ce que l’on est, ce que l’on ressent ou afin d’y trouver des outils d’analyse de la société). Ces transformations ont été accélérées par la diffusion des outils informatiques. Dans cette réévaluation à la fois des objets dignes de l’attention de la critique et des usages de cette critique, on peut voir une fin, une mort, un adieu – la littérature est remplacée par un objet commercial, le livre, dans lequel les lecteurs cherchent des recettes utilitaires ou la confirmation de leur statut victimaire ; on peut aussi la voir comme une démocratisation : la littérature (re)sort de l’université et peut (à nouveau) changer le monde.
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Les historiens de la littérature ne se contentèrent cependant pas de décrire les périodes et leur littérature spécifique. Ils cherchèrent également à dévoiler, à théoriser les liens qui unissaient le contexte et les œuvres ; à montrer le rapport qui existait entre la littérature et les institutions sociales de chaque siècle et de chaque pays. (…)
Ce dispositif explicatif privilégiait les ressemblances entre des œuvres et des auteurs différents appartenant à la même époque. Il faisait ressortir les processus imaginatifs, les traits stylistiques communs, plutôt que les spécificités. Il révélait l’esprit des lieux et des époques plutôt que les génies inclassables. En expliquant les similitudes entre les œuvres d’une même époque sans distinguer entre leurs qualités, incluant les chefs-d’oeuvre réputés et les œuvres mineures jusqu’alors ignorées, il allait à l’encontre de l’individualité, il gommait les singularités dont le discours romantique s’était fait le porte-parole. Le dispositif niait que la création fût une expérience transcendante, mystique ou spirituelle, car il proposait une tentative d’explication mécaniste, que les causes en soient sociales ou matérielles. (…)
Le procédé fonctionnait dans les deux directions : la société expliquait les œuvres et les œuvres permettaient de reconstruire la société.
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(…) le philosophe et linguiste Wilhelm von Humboldt ébaucha une théorie constructiviste du langage, qui en renforça à la fois la centralité et les limitations. Il défendit l’hypothèse que chaque langue détermine une vision du monde, qu’elle construit la réalité dans laquelle nous vivons. Les différents mots utilisés par les différentes langues ne sont pas de simples moyens d’exprimer différemment le même objet ; ces mots déterminent la perception de leurs objets. Les langues ne reflètent pas le monde, elles en expriment des conceptions distinctes. Apprendre une autre langue, c’est apprendre à penser autrement. La poésie, qui est une transformation du langage ordinaire, est également une transformation de notre manière de percevoir la réalité.
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Video de Samuel Baudry (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Samuel Baudry
D'où vient la critique littéraire ? À quoi sert-elle ? Aujourd'hui, quelle place occupe-t-elle encore ? On en discute avec nos invités, l'essayiste et romancière Cécile Guilbert, la journaliste Gladys Marivat et l'historien de la littérature Samuel Baudry.
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