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Agnès Castiglione (Éditeur scientifique)
EAN : 9782226179685
393 pages
Albin Michel (29/08/2007)
4.24/5   45 notes
Résumé :

Le roi vient quand il veut

Parmi les entretiens que j'ai donnés
depuis 1984, j'en ai réuni trente. [...]
Et puis, relisant ces propos, je me dis
qu'à défaut de la vérité introuvable,
on y trouve enlacés les souvenirs
et les lectures qui m'ont constitué :
le panthéon aztèque et la chasse à Dieu
dans Moby Dick, « le petit roman
de trente pages » de Lautréamont
et le rasoir d'un thé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
« le roi vient quand il veut » est un recueil de trente entretiens avec Pierre Michon réalisés entre 1989 (cinq ans après la parution de Vies minuscules) et 2007, et publié en 2007.
Il y parle de ses oeuvres, de son rapport à l'écriture et au texte et de quelques uns des auteurs qu'il aime, avec en particulier un entretien magnifique sur Madame Bovary.

Les mots qui peuvent être écrits sur ce recueil seront forcément faibles face à l'intensité des propos de Pierre Michon. Je me contenterai donc d'en citer des extraits autour de quelques thèmes de ce recueil extraordinaire.

- La dimension sacralisée qu'il attribue à la fois à l'écriture et à la littérature.
« Pour que l'écrivain soit au meilleur de lui-même, il faut que le texte soit dédié au plus haut, à un plus haut qui soit Autre. »
« Écrivant, je pense toujours au mythe de la résurrection des corps dans le christianisme ... pour changer leur viande morte en texte, leur échec en or. »

- La croyance que les plus grandes oeuvres sont celles qui sont opaques, quelque chose que nous connaissons sans pour autant le comprendre ; Pierre Michon fait notamment référence à première fois qu'il a entendu le début de Salammbô, "un miracle de brutalité et de désir."
« Dans mon idée, un texte littéraire est une chose intouchable : quelque chose comme une totalité close sur elle-même, une réalité autoréférée, entièrement cadenassée, fermée peut-être sur son autisme, mais qui vit dans sa propre clarté. Une statue. »
« Il faut continuer à apprendre à l'école des choses qu'on ne comprend pas. »

- L'ambivalence - l'extrême entre la hauteur de la littérature et la petitesse de l'homme, mais aussi l'adoration de la littérature tout en sachant qu'elle est une falsification.
« A partir du moment où la littérature s'est constituée comme une fin en soi, sans Dieu, sans justification extérieure, sans idéologie qui la soutienne ... tout écrivain a été un imposteur, puisqu'il ne pouvait s'autoriser que de lui-même. Mais c'est aussi ce qui fait la force de la littérature depuis ces gens-là. »

- Sur la façon dont il écrit : l'attente ou la panne pendant des mois, un sujet et la documentation extensive comme soubassement de l'écriture, les carnets comme accompagnement à l' écriture, zone de stockage des idées, et enfin un appel et le jaillissement de l'écriture.
« Je sais comment on construit le tremplin, l'énorme tremplin pour un texte minuscule.»
« ... ce que je demande à la littérature est que la rédaction d'un texte soit une fabuleuse dépense d'énergie, aveugle mais très consciente, pleurante et riante, limitée dans le temps, comme la copulation », mais cette brièveté est « informée de tout ce qui a été pensé et dit depuis qu'il y a des hommes. »
« J'aime qu'un texte me paraisse donné au moment où il advient. »

- Et enfin le texte qui n'est jamais fini mais qui peut être publié quand « il ne fait plus partie de moi, qu'il s'est détaché de moi, qu'il est devenu un objet anonyme. »

« Les oeuvres sont les preuves de la grâce, mais sans grâce, pas d'oeuvre. »
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Pierre Michon est cet écrivain entré en littérature en 1984 avec Vies minuscules -que je viens de ressortir, parce que la lecture de ce recueil d'entretiens m'a donné envie de le relire. Il n'est pas un auteur prolifique qui publie une fois l'an son roman de la rentrée, puisque depuis, il n'a fait paraître qu'une quinzaine de livres. J'ai aimé Vies minuscules, et Maîtres et serviteurs et Les Onze, j'ai buté sur La grande Beune et suis très tenté par tout le reste ; ce livre d'entretiens est à la fois passionnant, éclairant et redondant (on élimine tout de suite ce qui pêche un peu, cette redondance d'un entretien à un autre, où l'on retrouve des questions similaires et des réponses logiquement similaires elles-aussi, bon pas trop grave, on les lit plus rapidement).

Il vaut sans doute mieux connaître les ouvrages de Pierre Michon avant d'entreprendre la lecture de ce recueil, mais peut-être est-ce là une simple impression et qu'un futur lecteur y trouvera matière à plonger très vite dans les écrits de l'auteur. Bon, je ne vous cache pas que le livre est parfois technique sur l'écriture, qu'il vaut mieux avoir quelques références littéraires, on y parle beaucoup de Flaubert, Faulkner, Rimbaud, Mallarmé, Balzac, mais aussi de Lautréamont, Hugo, Gracq, ... J'ai pu parfois me sentir dépassé, jamais au point d'abandonner la lecture, plutôt l'envie alors de passer quelques pages pour me retrouver plus loin sur des propos que j'entendais davantage.

Pierre Michon s'exprime souvent sur la brièveté de ses romans : "La brièveté est essentielle. J'incline à penser que j'écris des romans courts -densifiés, resserrés, dégraissés- plutôt que des nouvelles. Je rêve d'un roman plus pur que l'autre..." (p.24), sur la quantité impressionnante de documentation qu'il a ingurgitée avant d'écrire : "Je demande à la littérature que j'écris d'être brève, mais je tiens à ce que cette brièveté soit informée de tout ce qui a été pensé et dit depuis qu'il y a des hommes. Et sans aller chercher si loin, pour que le bref soit fulgurant, il faut que sa formulation soit totalement exacte." (p.205/206). Comme quoi la simplicité, la brièveté, c'est beaucoup de boulot ! Et puis, comme je suis amateur des romans brefs, je suis le bon client pour ce genre de propos. Je suis persuadé qu'écrire un roman court, dense et dégraissé, épuré n'est pas plus évident que d'en écrire un long, gros avec pas mal de vacuité ; de même pour la la lecture des-dits romans.

Dans ce livre, il est aussi question de peinture puisque P. Michon a beaucoup écrit sur les peintres et que la contemplation des grands maîtres l'a littérairement sauvé, ce sont eux qui lui ont permis de réécrire après Vies minuscules. Pierre Michon parle aussi de ses goût littéraires, tous ceux que j'ai cités un peu plus haut, avec pas mal de temps consacré à Flaubert et Rimbaud et un chapitre entier, le dernier à Julien Gracq, sans oublier ceux avec qui il se sent des vraies affilnités d'écriture -et plus-, Pierre Bergounioux et Antoine Volodine (que je n'ai pas encore lus, mais, je note, je note...).

Vous l'aurez compris, sans être simple, c'est un livre que je recommande pour comprendre l'écriture de Pierre Michon, l'écriture tout court et pour entrer un peu plus profondément dans l'oeuvre de l'écrivain. Une réédition bien vue, sans elle, je serais sans doute passé à côté.
Lien : http://www.lyvres.fr
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Ces entretiens de Pierre Michon sont passionnants et beaux. Ils permettent de découvrir la genèse de son oeuvre, les livres et les auteurs qui ont été et sont encore pour lui essentiels dont il nous parle avec ferveur ; et la difficulté et la souffrance au coeur de la création. "Le roi vient quand il veut" c'est le souffle créateur qui se déclenche au moment où on ne l'attend plus, l'angoisse qu'il ne vienne plus, que la source soit tarie.
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Il faudrait tout citer : à lire, à relire, à garder tout près au cas où ...
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oui Nadejda, livre magnifique et humaniste. L'homme sourd de partout : une pépite.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
ceux qui n'auront jamais de nom :
tous ces hommes méritent un chapitre.
Mme de Mortsauf Balzac : est-il possible que je meure, moi qui ai si peu vécu ? Moi qui ne suis jamais allée chercher quelqu'un sur une lande ?
C'est au nom de cela que tous les hommes méritent un chapitre.
Ceux qui ont existé, les anciens vivants, aspirent à un corps de mots, plus solide, plus chantant, un peu mieux rétribué, un peu moins mortel que l'autre.
Ils nous font signe de les rappeler et de les envoyer CHERCHER quelqu'un sur une lande.
Je pense à l'instant à mon grand-père, Félix, qui était l'innocence en personne.
Il est scandaleux que cette innocence soit morte et inconnue.
l'émoi, le bouleversement que m'en donne le souvenir, dans une prose de fer, peut-être que c'est ça mon devoir d'écriture.
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Le Classique n'existe, ne parle et ne règne que s'il y a du Barbare - que s'il est le Barbare déguisé : Garouste, le peintre, dit que le grand art consiste en ce que le premier doit habiller le second; mais les deux doivent coexister. La pellicule d'or de la belle langue est plus pure, plus fragile, plus menacée, donc plus entière, d'être travaillée en dessous par la boue des patois.
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Oui, le bref est une sorte de tyrannie.... le récit bref, qu'on peut préparer pendant des mois, doit être écrit d'un seul tenant, dans l'ivresse et la fièvre, peut-être la grâce, sans retour ni repentir, sur la corde raide. Cette mise en risque ne permet que l'échec (la plupart du temps), ou la merveille d'une cinquantaine de pages retombant sur leurs pieds, comme tissées d'échos, nécessaires. Et la moindre fausse note précipite l'ensemble au panier. Le bref ne se rattrape pas.
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C'est ça, la relance de la littérature :
un jeu de vessies et de lanternes
où on vous dit que vous êtes maître ès lanternes
à l'instant où vous commencez à soupçonner
qu'il n'y a que des vessies.
Et bien sûr, la reconnaissance est impossible puisqu'elle vous vient toujours de porteurs de vessies comme vous :
deux augures ne peuvent se regarder sans rire.
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C'était un matin dans un bus, je n'avais pas couché chez moi et je rentrais pour écrire, je repassais en esprit des phrases que j'allais mettre noir sur blanc. Je relève la tête, il y avait une femme en face de moi, ni belle ni laide, ni vieille ni jeune, et elle m'est apparue à l'instant avec violence comme un Vélasquez. C'était prodigieux. C'était trop fort, trop plein. J'ai détourné le regard pour y échapper, et debout il y avait un autre Vélasquez avec un attaché-case, et derrière des petits Vélasquez avec des cartables, des princes superbes et des nabotes, toute la cour d'Espagne à l'heure de pointe dans un bus de la ligne A. J'ai sauté du bus au premier arrêt, j'étais dans un état inouï, immontrable, je ne savais pas si je riais aux éclats ou si je sanglotais. C'est ce jour là peut-être que je me suis dit que j'écrirais sur les peintres, je leur devais bien ça.
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