Avec ce livre,
Alain Bauer nous livre le premier tome de ce qui constituera le premier tome d'une somme géopolitiques pour notre temps
On y retrouve ses qualités habituelles, sur lesquelles il est inutile de revenir
Lisez néanmoins la notice bio-bibliographique qui sur laquelle se clôt le volume , elle est impressionnante
La meilleure partie du livre, trop brève à mon goût, est sans doute la préface
Outre le fait qu'elle résume bien le propos du livre (et l'éditeur a eu raison de la citer abondamment dans la quatrième de couverture, elle est écrite dans un style admirable
Son propos principal est de nous l'annoncer le retour de la guerre,
le retour du tragique que nous annonçait déjà
Jean-Marie Domenach dès 1967 dans son livre prophétique. Mais nous avait-il jamais quitté autrement que dans des illusions nourries par deux ou trois décennies de paix relative et de prospérité croissante, construites sur l'équilibre de la terreur qui fondait la Guerre froide, et dont beneficia un Occident global (auquel paradoxalement il faudrait peut-être agréger la sphère soviétique. Les premiers craquements de cet équilibre se firent sentir dans les années soixante dix, s'epanouirent dans les années quatre-vingt et débouchèrent sur l'implosion de l'Union Soviétique, qui marqua certes la fin de la Guerre Froide, mais pas hélas le retour de la paix dans le monde unipolaire et pacifié que prophetisa à tort
Fukuyama dans un livre participant largement du wishfull thinking. Non, la mondialisation heureuse n'aura pas eu et n'aura pas lieu, bien que dans les derniers chapitres du livre Bauer semble vouloir croire que le triomphe définitif de la démocratie libérale est encore possible, ce qui le pousse d'ailleurs à quelques prédictions déjà démenties (le livre date du premier trimestre de cette année, peu de temps, et en même temps beaucoup, depuis le monde a encore changé), notamment en ce qui concerne la Guerre d'Ukraine, qui, en ce dernier mois de l'année 1983, ne semble pas vouloir évoluer comme beaucoup le pensaient encore à l'époque de la rédaction du livre
Mais les analyses de l'auteur, qui détaille et explique les nombreuses lignes de faille qui traversent notre monde, nous aident à mieux voir où nous sommes, faute de savoir où nous allons.
Dans trois parties présentées sous le nom d'exergues, chacune divisées en une demi -douzaine de chapitres, Bauer liste en effet les risques et défis de notre monde et nous fournit une documentation impressionnante sur les infrastructures matérielles (et souvent morales et philosophiques que l'auteur a le mérite de ne pas oublier) trop exhaustive peut -etre pour le lecteur prophane, et j'avoue que certaines nomenclatures, pour intéressantes qu'elles soient, m'ont parues un peu fastidieuses sur la longueur, au point que je les ai parfois lues en diagonale
La première partie, sans doute la plus intéressante et en tout cas la plus plaisante à lire, est plus particulièrement consacrée aux causes et conséquences que cet événement fondateur pour le meilleur et surtout pour le pire qu'est l'implosion de l'Union soviétique, que l'auteur a le grand mérite de ne pas incarner dans la chute du mur de Berlin (finalement simple épiphénomène si l'on y regarde d'assez prés, et effet d'une décision hâtive de
Gorbatchev) . Ses analyses soulignent bien à quel point l'événement a été mal géré par l'Occident, autant dire en l'occurrence par les USA, qui n'ont pas su, ou peut-être, et c'est plus grave, pas voulu, associer la Russie qui venait de renaître à la construction d'un nouvel ordre équitable, préférant poursuivre contre elle une vengeance contre la défunte Union Soviétique, due peut-être à la peur qu'il en avaient eue, réitérant ainsi l'erreur commise par les Alliés à l'égard de l'Allemagne en 1919 (avec cette différence évidemment que l'URSS n'avait pas été vaincue par les armes.) et à laquelle par exemple, comme le montre Bauer d'une manière qu'on peut espérer définitive, on a menti avec constance et cynisme avec des promesses réitérées de non -elargissement de l'OTAN à l'est de l'Elbe, lesquelles promesses ont bel et bien été faîtes malgré toutes les dénégations proférées aujourd'hui.
Une belle et indispensable synthèse, un état des lieux qui aide à faire le point même s'il peine à deviner le cap..
Mais pouvait-il en être autrement ?