Regard blessé, chez Gallimard
Mars 1962, l'adolescent se rend à Alger: Hassan veut recouvrer la vue, et son pays, trouver le bonheur dans l'indépendance.
À mesure que se ferment les yeux sur le monde extérieur, reviennent les souvenirs, alternent l'imagination enfantine et les désirs adolescents. L'enfant, resté dans le monde des femmes, écoute leurs propos:
Citation :
«Hassan faisait semblant d'être absorbé par son travail. En fait rien ne lui échappait des propos échangés... Par moments sa mère (
Fatima Zohra) l'observait à la dérobée. Non, il n'écoutait pas; il était tout entier à la fabrication de son arc.»
Suit le récit de la mort d'Abla, jeune femme assassinée :
Citation :
«On dit que son corps était devenu tout violet. Et tu sais, ils ne l'ont même pas lavée! Ils l'ont mise comme ça dans le linceul, comme ça; c'est un péché! Et puis ils ont dit aux gens: Abla est morte cette nuit. Elle a eu des coliques effroyables. Elle a dû manger une herbe vénéneuse.
-Dieu ait son âme!
Fatima Zohra tourna la tête vers son fils: il pleurait, son arc défait devant lui.».
Le romancier fait vivre le village torturé par sept années de guerre, et montre Alger qui fête l'indépendance; on fait son trou ou on règle ses comptes.
Dans ce drame historique, les tragédies individuelles sont rapportées sans pathos, comme vues par un regard naïf mais sans complaisance.
La peinture d'Alger en mars 1962 me rappelle le regard de Wajda sur Varsovie dans le film Cendres et diamants.
Drame individuel :
Hassan, incrédule, mais objet des préoccupations familiales, se prête à ses dépens aux recettes des charlatans qui prétendent le guérir d'un décollement de la rétine.
Citation :
«Il se sentait un peu responsable de la peine qu'il causait à ses parents avec ses yeux encore malades...»
Dans ce récit inspiré par sa vie même, le romancier ne montre nulle aigreur personnelle, mais une attention fraternelle à tous ceux que
L Histoire (avec sa grande H) broie sur son passage.
Ce livre avait obtenu le prix France-culture.