«Pas de baiser pour maman»: la boule puante de Tomi Ungerer secoue les clichés de la BD jeunesse dans une adaptation sulfureuse de Mathieu Sapin.
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« Cet affreux petit Arrou, dit-il, nous causera bien des maux, parce qu'il est un homme de génie. Le cas est nouveau et très embarrassant. Un homme de génie ! il ne manquait plus que cela ! J'aurais dû prévoir que mon œuvre serait ainsi couronnée. Ce drôle qui a raison contre tout un peuple et contre moi-même me procure la plus grande joie de mon existence... et le plus grand souci. pourquoi ne l'avez-vous pas sacrifié tout de suite ? vous m'eussiez ainsi épargné un geste pénible.
– Quoi ?... vous voulez...
– Eh ! que convient-il de faire ? pour moi, tous les habitants de la pinède sont d'extraordinaires petits animaux à face humaine, tout au moins des sujets, que je ne puis me résoudre à considérer comme des semblables : ils m'appartiennent, mais celui-là, c'est un homme, sa pensée est libre, il est digne d'estime et dangereux. sa logique va précipiter les choses et tout gâter. Je suis très fier de lui, mais il est trop réussi. J'ai voulu être dieu ; les dieux ont dans leurs destinées d'être cruels pour les créatures que, justement ils préfèrent. et j'ai quelque idée que Jupiter avait un faible pour Prométhée.
- De grâce, ne me parlez plus, murmurai-je.
La lune inonda de ses rayons blancs notre groupe silencieux. Des insectes chuchotaient dans l'herbe. Au loin, les pommes de pin sèches s'écaillaient avec bruit. Toute l'ombre était habitée de vies mystérieuses.
Des grands hommes incompris des foules n’avaient-ils pas de tout temps été soupçonnés ou nettement accusés de folie ? Quel cousinage mystérieux reliait donc le génie et l’aliénation mentale ? Quel critérium avait-on pour la diagnose, le génie et le fou s’écartant tous deux également des voies communes, pour saisir entre les êtres et les choses des rapports nouveaux et inattendus ?