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Jean-Luc Coatalem (Préfacier, etc.)
EAN : 9782710307358
336 pages
La Table ronde (11/02/1998)
3.67/5   18 notes
Résumé :
Mais où est donc Erromango? Dans le Pacifique Sud, au large des Nouvelles-Hébrides. Fabre, jeune ingénieur agronome, y débarque pour développer un élevage intensif de moutons. Dans ses bagages : de l'enthousiasme, de la rationalité, une soif de vivre et de dominer la nature. Mais Fabre va découvrir les sortilèges d'Erromango, les mystères de sa forêt. Dans une île peuplée de colons qui payent leurs marchandises à coups de fusil ou de whisky et attendent l'escale du ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Erromango, où se déroule ce roman publié en 1929, est le nom d'une petite île perdue du Pacifique faisant partie de l'archipel des Nouvelles Hébrides - connu sous le nom de Vanuatu depuis son indépendance en 1985. Je ne connais pas Erromango, mais le Vanuatu - qui compte environ quatre-vingts îles -, ayant séjourné dans l'une d'elles, Efate, il y a quelques années. L'excellente impression de lecture qui me reste d'Erromango doit sans doute pas mal à ce voyage dans un archipel lointain.

Erromango est un roman assez différent de ceux auxquels nous a habitué Pierre Benoît, et dont je me suis lassée, c'est vrai, au fil du temps. Dans son livre "Raga", J.M.G le Clézio porte un jugement sévère et sans appel sur Pierre Benoît et "Erromango" en particulier. Injuste à mon avis. L'auteur signe là une histoire assez forte, relue récemment, que Michel Polac, en revanche, m'avait donné envie d'aller découvrir.

Fabre, un jeune ingénieur agronome australien, de père français, résidant à Sydney, acquiert la plantation de Pilbarra à Erromango et décide d'y partir pour y développer un élevage de moutons. Une idée assez saugrenue au regard du climat des Nouvelles Hébrides, mais qui, dans le contexte colonial bien établi de l'époque, semble tout bonnement "naturelle". L'île est isolée, peuplée de tribus mélanésiennes réfugiées sur les hauteurs, dont on ignore tout, et de quelques européens douteux, sur le pourtour des côtes, installés dans des trafics d'armes ou d'alcool. Fabre s'embarque donc à destination des Nouvelles Hébrides avec quatre béliers et seize brebis solognotes !

Erromango n'est pas des plus hospitalières mais, fort de son projet d'élevage et résolument optimisme, Fabre pense s'acclimater, déterminé à réussir très rapidement. Secondé par un mélanésien de Lifou, il se met au travail malgré les contrariétés qui ne manquent pas de survenir. Ignorant les autochtones et découvrant l'île petit à petit, il s'emploie à entrer en relation avec quelques habitants hauts en couleurs : un solitaire comme lui à la tête d'une plantation, un révérend presbytérien et deux affreux jojos basés sur une autre île de l'archipel (Tanna). Tout irait pour le mieux, si ce n'est la nuit.

Car le soir l'île n'est plus la même. La forêt dense et opaque devient inquiétante avec ses trouées de lumières lointaines de feux dans la montagne, ses bruits insolites qui témoignent de présences mystérieuses… le matin tout rentre dans l'ordre. Surgissent les premiers doutes. Un souvenir prend alors possession des pensées de Fabre et le poursuit : une histoire ancienne avec une femme, Alice, dans une petite maison louée à Rose Bay - miraculeuse échancrure sableuse dans la baie de Sydney -, "For you alone". Alice, une femme mariée, dont il n'a même pas cherché à connaître le nom de famille ! Alors, sournoisement et tandis que les certitudes s'effritent, s'infiltrent de drôles d'idées dans la tête de plus en plus fatiguée de l'ingénieur.

Le travail harassant, l'isolement, la solitude et la peur, l'humidité suffocante, les pluies tropicales cauchemardesques, la fièvre, les premières brebis perdues puis les agneaux qui ne survivent pas et le whisky aidant (beaucoup), Fabre proprement hanté par son passé s'enfonce dans une paranoïa qu'il ne peut plus contrôler. Sa plantation subit les dévastations d'un premier cyclone. Tous ses efforts anéantis. Ne subsiste plus que l'énergie de se délivrer à tout prix de l'emprise de ses fantômes avant de sombrer dans la folie totale.

Une île du Pacifique Sud sous mandat colonial et une solitude qui tourne à l'aigre ; sujet rebattu de l'homme blanc indifférent aux autochtones et qui, voulant changer de vie, pense que ses affaires vont imposer leur ordre à la nature. le traitement narratif d'un tel sujet est ici convaincant : l'atmosphère irrespirable parfaitement rendue ; la description et le climat des lieux, celle des moeurs pendables d'une certaine variété de colons, quasi documentaire. Pour qui veut le voir, la dépossession scandaleuse des tribus mélanésiennes et le cynisme des blancs apparaissent en creux sous l'intrigue principale construite autour de la psychologie du personnage de ce colon égaré finissant par perdre tous ses repères et l'essentiel de lui-même, sa raison. Sinistre et oppressant. L'angoisse saisit le lecteur au fur et à mesure de la progression d'un récit dont l'issue est implacable.

Fabre, renverrait plutôt à « L'immense misère physique et morale » de ceux que l'aventure coloniale a roulés", signalée dans la préface d'un très beau livre « Un barrage contre le Pacifique ». Une lecture que je recommanderais aux amoureux de l'hémisphère sud.
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Erromango ? Autant dire le bout du monde ! C'est une petite île tout au sud de l'archipel des Vanuatu (anciennes Nouvelles-Hébrides), au fin fond du Pacifique, au climat d'une chaleur poisseuse, à la population bigarrée comprenant des Mélanésiens peu intégrés à la civilisation et des Européens oisifs, vivant de trafics divers, pas des plus reluisants, si vous voyez ce que je veux dire. C'est dans ce pays que Fabre un jeune éleveur de moutons vient s'installer, avec une quinzaine de brebis et trois ou quatre béliers.
Vous avez vu le film « La vallée de la poudre » ? Dans ce western très plaisant, Glenn Ford veut implanter un élevage de moutons sur un territoire acquis depuis aux vaches. Ici, c'est un peu la même chose. Sauf qu'il ne s'agit pas tant de s'acclimater à des animaux hostiles (sinon à deux pattes) mais à une ambiance une atmosphère qui vous fiche le bourdon.
De ce beau roman de Pierre Benoit (1929), c'est cette atmosphère moite et oppressante, qui finit par influer sur le moral, que j'ai retenue. C'est l'envers (et peut-être l'enfer) du rêve colonial : ici pas de plages ensoleillées, pas d'allées plantées d'arbres exotiques aux senteurs enivrantes, pas de vahinés langoureuses (ou si peu qu'on peut juste parler d'une minorité aguichante) (Pardon !), mais un climat poisseux à l'extrême, avec en prime des cyclones et de calamités climatiques, accompagnées de leur cortège de tragédies. Je précise : c'est ce qui est écrit dans le roman, et donc, une photographie des années 20. Il est clair que les visiteurs d'aujourd'hui auront peut-être un regard différent, tourisme oblige. Notre ami Fabre aura fort à faire pour résister, s'il le peut, aux hostilités de toutes sortes qui l'attendent : la maladie sur le troupeau, les cyclones à répétition, les manoeuvres sournoises des colons européens, l'attitude troublante et énigmatique d'une femme dont le prénom commence par A (on est chez Pierre Benoit, quand même), les indigènes au cannibalisme plus ou moins avéré… et surtout la solitude : seul avec ses souvenirs et ses obsessions, Fabre va nourrir une paranoïa grandissante, que la consommation d'alcool ne va pas arranger…
Certes il y a ici de l'exotisme. Mais ce n'est pas celui du désert, ni celui des vielles cours d'Europe, ni d'aucun des endroits où l'auteur nous a fait voyager avec lui. L'Empire colonial avait aussi son côté obscur. le lecteur d'aujourd'hui peut être surpris, voire choqué, de la façon dont l'auteur parle des indigènes, mais c'était l'état d'esprit de l'époque, contestable à nos yeux et pas aux leurs. En filigrane, on peut remarquer que l'auteur jette un regard plutôt critique sur ce colonialisme impérialiste, y compris la spoliation criante du peuple mélanésien, et finalement l'échec d'une implantation « à l'européenne » sur un pays qui ne l'est pas : la greffe de prend pas.
Et Pierre Benoit est un grand romancier : la lente description de l'évolution de Fabre, plein d'enthousiasme au départ et peu à peu rongé par la dépression et la paranoïa, nous est montrée de façon « clinique » et tellement évocatrice que nous transpirons avec lui dans la moiteur du Pacifique. Et finalement, c'est peut-être l'île qui est le personnage principal du roman. C'est elle qui insuffle dans ses habitants cet esprit morbide et délétère, qui ruine les corps et les âmes.
Certes pas le roman le plus réjouissant de Pierre Benoit, mais sans doute un des plus « prenants », un des plus « évocateurs ».
Vous vouliez voir du pays ? Ben, c'est fait !
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Erromango
Pierre Benoit (1886-1962)
Académie française
L'histoire se passe au début du XXe siècle dans l'île d'Erromango qui fait partie à l'époque du Condominium franco-britannique de l'archipel des Nouvelles-Hébrides, indépendant depuis 1980 sous le nom de République du Vanuatu composé de 83 îles étendues sur plus de 1300 kilomètres au nord est de la Nouvelle Calédonie.
Fabre, français né à Sydney, la trentaine, et deux officiers du cargo mixte Myosotis au mouillage en baie de Pilbarra, prennent un apéritif au bungalow de Fabre avec le gérant de plantation australien Sullivan à qui Fabre va succéder dans la plantation de Pilbarra située sur la côte ouest de l'île, mandaté par une grande société australienne. le Myosotis de la Compagnie des Comptoirs Calédoniens basée à Nouméa et en partance vers Brisbane avec Sullivan qui quitte l'île définitivement, le capitaine Simler prenant la suite du capitaine Magdalena qui fait ce dernier voyage pour mettre Simler au courant.
Fabre après le départ du cargo se retrouve seul avec son boy annamite et un aide Canaque, Gabriel, originaire de Lifou aux iles Loyauté. Il réalise alors sa solitude, et l'île tout entière surgit comme un décor de théâtre, étageant dans le ciel ses montagnes bizarrement déchiquetées, hérissées d'une végétation extravagante, et dont les cimes se perdent parmi les flots de maléfiques vapeurs. Sullivan a expliqué a Fabre que dans l'île il existe deux catégories de population, ceux de la côte qui sont des paresseux malins et voleurs, et ceux de la montagne qui sont encore cannibales. Rassurant !
Sullivan a été surpris quand Fabre lui a annoncé qu'il avait l'intention de monter un élevage de moutons en plus du commerce du coprah qui concurrence ainsi deux planteurs de l'île, Jeffries d'une part, un homme sauvage et haineux selon Sullivan, veuf, sa femme défunte inhumée au bord de mer du domaine, et Cross et Bliss d'autre part. Jeffries est avec le pasteur presbytérien Gibbson le seul blanc de l'île, Cross et Bliss ne faisant que passer surveiller leur plantation de temps à autres. Et puis il y a eu la mort de Jenkins, un des associés de Cross et Bliss abattu au fusil vraisemblablement par Jeffries dans des conditions restées mystérieuses…
Au réveil de sa première nuit, Fabre, enthousiaste, est ébloui par la beauté de l'île sous le soleil : toutes ses appréhensions de la veille à la suite des récits de Sullivan ont disparu et il ressent comme une paix immense au chant des oiseaux et au frémissement des grandes palmes des cocotiers accompagnés du murmure cadencé du ressac venu de la plage voisine. le paradis en somme !
Ingénieur agronome diplômé de l'université de Sydney, Fabre s'est toujours passionné pour l'élevage des ovins. Médaille d'or de l'université de Melbourne dans cette spécialité pour son excellent mémoire sur le sujet des ovidés, il veut mettre à profit toute l'expérience qu'il a acquise en Australie aux confins occidentaux de la Nouvelle Galles du Sud, dans de grands élevages de moutons.
Au fil des mois, le bel équilibre des débuts part en déliquescence : l'alcool, les fièvres, la solitude, les cyclones et la saison des pluies, et les doux souvenirs du séjour ancien à Sydney font de Fabre livré à lui-même un être à la dérive qui ne sait plus s'il délire ou s'il doit vraiment avoir peur de Jeffries, ce voisin qui l'obsède. La démence envahit Fabre, son personnel ne répond plus, son boy s'est échappé sur un voilier de passage. Dans son délire, Fabre en vient à confondre ses souvenirs avec le fruit de son imagination perdant alors totalement le sens des réalités. Erromango et son noir cortège, la méditation solitaire, la fièvre, la chasteté forcée, les enchantements de la nuit, se sont acquittés de leur sinistre besogne. Huit mois se sont écoulés et le rideau va bientôt tomber sur le spectacle d'une fin pathétique et tragique.
Un récit envoûtant d'une aventure coloniale d'une autre époque où l'esclavage sévissait encore de façon déguisée.
Je suis personnellement allé à Erromango en voilier en famille dans les années 80 : mouillé en baie de Dillon à quelques encablures du rivage, nous reçûmes un accueil inoubliable de la tribu situé à l'embouchure de la rivière. Il faisait un temps magnifique. L'île est bien comme la décrit Pierre Benoît, très accidentée, montagneuse et recouverte d'une végétation luxuriante. Un lap – lap traditionnel nous fut mijoté et ce séjour reste dans ma mémoire comme un des plus beau de mon périple aux Nouvelles Hébrides. L'époque de Fabre était bien loin…
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Auréolé de son diplôme universitaire d'ingénieur agronome de Sidney et de sa médaille de Melbourne, Fabre débarque sur l'île d'Erromango dans les Nouvelles-Hébrides.

Il vient prendre possession du domaine de Pilbarra que le précédent gérant, Sullivan, abandonne, ayant passé six ans de sa vie à la culture du coprah. Sullivan en profite pour lui donner quelques conseils, des informations sur les résidents et autochtones de l'île d'Erromango, et sur d'autres coloniaux qui vivent dans les îles voisines. Mais à cette soirée où les deux hommes font connaissance, sont invités également l'ancien capitaine du navire qui a amené Fabre, et son remplaçant. Là aussi il y a passation de pouvoir.

Le capitaine Magdalena est un vieux marin qui bourlingue entre Sidney et l'archipel des Nouvelles-Hébrides et autres îles de plus ou moins grande importance. le Myosotis apporte des denrées et repart chargé de coprah et diverses productions. Il assure également le transport du courrier. Ses haltes sont aléatoires, mais chacun s'y fait.

Si Fabre doit se méfier des Canaques qui vivent sur les hauteurs de l'île, leur réputation étant entachée de cannibalisme, il doit également se défier des deux autres résidents. Un certain Jeffries, l'un des deux Blancs installés sur l'île, veuf depuis des années, considéré comme un ours et un malotru, aurait tué dans des conditions un des prospecteurs pour un vague différent.

L'autre Blanc vivant sur l'île depuis des décennies est un vieux pasteur presbytérien, le Révérend Gibson, qui s'était proclamé évêque et roi d'Erromango. Mais son esprit n'est plus tout à fait en conformité avec ses fonctions.

Quant à Bliss et Cross, s'ils n'habitent pas sur l'île, ils y abordent plus ou moins régulièrement, apportant au Myosotis le coprah qu'ils achètent à un prix dérisoire à leurs indigènes et le revendent avec une marge bénéficiaire conséquente. Ils ne possèdent pas bonne réputation même s'ils se montrent très polis.

Pendant que les trois hommes devisent, le jeune capitaine Simler, dont c'est la première affectation, se montre inquiet quant au temps. Il ne connait pas la région et craint une tornade, vérifiant le baromètre constamment.



Fabre, d'origine française mais né en Australie, vient s'installer, non pas pour récolter du coprah comme ses confrères, mais pour élever des moutons, une idée osée mais pas dénuée de pertinence. Il possède de sérieuses références dans ce domaine et a importé des ovins en provenance de Sologne, qu'il est allé lui-même chercher sur place, et dont il pense que la constitution devrait leur permettre de s'apprivoiser facilement. Et, effectivement, les premières semaines lui donnent raison. Bientôt il est même à la tête d'un petit cheptel enregistrant de nombreuses naissances. Il est aidé en cela par des Canaques venant d'autres îles, ainsi que d'un boy qu'il a recruté et de Gabriel, l'ancien serviteur de Sullivan.

Tout irait pour le mieux s'il ne s'adonnait pas à la boisson. Progressivement, inconsciemment, il boit un verre puis deux, et ne les compte plus. Ce n'est parce qu'il n'a rien à faire, car il a remis à neuf les dépendances, et que le soir il écoute les disques qu'il a amené et ceux que lui a laissé Sullivan, sur son gramophone. Non, c'est la pensée d'une jeune femme qui le titille. La Dame de Rose Bay, comme il l'a surnommée.

Il l'a connue à Sidney en fréquentant un hôtel réputé pour son hall dans lequel les jeunes femmes de la bonne société mais qui s'ennuient viennent prendre un verre et plus si affinité. Il a donc connu une jeune femme mariée dont le mari était parti pour son travail et pour une fois, lui volage s'en était entiché durant trois semaines. Puis un jour elle est partie.

Ce souvenir s'est imposé à son esprit lorsque lors d'une soirée à bord du Myosotis, trois mois environ après son arrivée au domaine Pillbara, il a narré ses soirées à quelques coloniaux qui partaient en goguette à Sidney et lui avaient demandé s'il connaissait des adresses. Alors il avait signalé cet endroit, prodiguant ses conseils sans retenue, parlant même de la Dame de Rose Bay. Mais revenu dans son bungalow, il s'est imaginé, à tort ou à raison, que cette jeune femme pouvait être l'épouse décédée de Jeffries. Et cette idée le ronge jusqu'à le pousser à boire jusqu'à plus soif et à négliger son troupeau. Les remords le taraudent. de petits faits en apparence insignifiants mais pourtant lourds de sens qui l'amènent à cette supposition et deviennent bientôt à une évidence.

Débute une lente descente aux enfers ponctuée par des incidents divers dont une tornade qui bouscule tout sur son passage.



Publié en 1929, ce roman possède une étude psychologique comme en a écrit Georges Simenon. Et l'on pourrait croire que Pierre Benoit a copié sur l'écrivain belge mais à l'époque de la parution de ce roman, Georges Simenon n'avait pas encore rédigé ses romans durs, noirs.

Ce roman fut-il le déclencheur chez Simenon pour écrire à côté des Maigret qui lui apportèrent la célébrité des romans noirs qui par la suite ont largement alimenté la veine cinématographique ?

Il est vrai qu'Erromango détonne quelque peu parmi la production habituelle de Pierre Benoit. Il connaissait déjà, et dès son premier roman, Koenigsmark, et surtout le suivant L'Atlantide les faveurs du public, le propulsant écrivain populaire aux très nombreux succès. Ce romancier-voyageur met en scène le colonialisme sans en faire l'apologie. Il s'attache à décrire les coloniaux, leur façon d'investir un pays, mais surtout il explore leur psychologie.

Erromango en est le parfait exemple, et avant la lettre c'est un roman dur, âpre, poignant, dénué de cet amphigourisme et de cette grandiloquence qui souvent imprégnait les romans de cette époque. Pas de longues phrases ou de digressions ennuyeuses, mais une narration vivante, rendant bien le caractère d'un homme qui, parti avec de grandes ambitions, se laisse peu à peu submerger par une forme de remords quant à ses actions passées et son dédain pour la femme en général, et qui s'aperçoit d'un seul coup qu'il est peut-être passé à côté du bonheur et a provoqué le malheur de celle qu'il aimait.

Mais il ne s'en rend compte que dans la solitude et des souvenirs alimentés par une chanson découverte par hasard sur un disque trouvé dans les affaires de son prédécesseur.



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Je viens de relire ce livre envoûtant et poisseux qui raconte la déchéance alcoolique et la jalousie irrationnelle d'un jeune technocrate, comme nous dirions maintenant, qui a oublié de vivre et que rend fou la solitude dans une île tropicale, qu'il a pourtant voulue. Pierre Benoit n'a pas son pareil pour camper une atmosphère et des personnages, c'est pourquoi ses livres ont été de si grands succès et très vite adaptés au cinéma. Dans une langue d'un classicisme à peine désuet, il est encore le roi de l'évasion. Certes, le monde qu'il décrit n'est plus le nôtre, d'autant qu'à son époque il incarnait déjà un conservatisme absolu et un anti-communiste fanatique qui a d'ailleurs valu des romans visionnaires rendus invisible par l'atmosphère stalinienne de l'après-guerre. Mais ce monde révolu n'est pas si lointain : il n'avait que deux ans de plus que mon grand-père maternel, et il est mort en 1962 à une époque dont il ne devait plus comprendre grand-chose. Lire un livre de Pierre Benoit est aussi émouvant que d'entendre un enregistrement sur rouleau d'avant-guerre ou un très vieux disque sur un antique gramophone. Je l'avais découvert dans les années 70, c'était une sorte d'antidote au modernisme intello-gauchiste dans lequel je baignais, une sorte de passion secrète et vaguement honteuse. J'achetais de vieilles éditions pourries sur les brocantes et me shootais à l'odeur piquante et poussiéreuse des mauvais papiers cassants des années 30-40. Et ma lecture à 15 ans de l'Atlantide  ne fut sans doute pas pour rien dans ma vocation d'archéologue...
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Pierre Benoit, un auteur majeur à redecouvrir .Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/pierre-benoit-un-auteur-majeur-a-redecouvrir-375.htmlDe 1918 à 1962, il fut un auteur incontournable et a vendu des millions de livres dans le monde entier. Mais qui se souvient de Pierre Benoît ?50 ans après sa mort, dans sa maison des Landes, redécouvrez l?auteur de «L?Atlantide » et « Koenigsmark ».
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