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EAN : 9782070366248
640 pages
Gallimard (23/01/1980)
3.79/5   41 notes
Résumé :
Toute la côte de Verneresse s'effondre. Tout le dessus de Sourdie s'effondre. Tout le flanc de Chènerilles. La terre est comme du lard. Les forêts se replient dans la terre. L'eau fume le long des rochers. Les pierres coulent comme des fontaines. Il a essayé de détourner la boue. Elle a renversé la grange. Il a essayé de sauver quelque chose. La maison était comme une barrique sur un bassin ; elle dansait et il semblait qu'elle tournait, elle s'enfonçait, elle remo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un Giono intimidant... D'abord parce qu'il fait ses six-cent-cinquante pages en petits caractères, détail qui ne me semble pas si fréquent dans l'oeuvre de l'auteur. Ensuite parce qu'il s'écarte assez nettement de ses premiers romans paysans (la trilogie de Pan). Enfin, parce que Giono lui-même l'a plus ou moins renié, ce qui complique un peu l'éloge...
L'action se déroule dans le Trièves, tout au sud de l'Isère. On ne se situe plus sur les plateaux ou les collines des Alpes de Haute-Provence, mais déjà en haute-montagne, celle que Giono retrouvera plus tard pour Un roi sans divertissement. Ni cigales ni débauche de soleil, ici : rien que les brumes pénétrantes de l'automne. Un automne inquiétant, trop humide, pas assez froid pour que le gel fasse son oeuvre de salubrité. Et tout cela sous la menace d'un monstre : le glacier qui culmine là-haut, au-dessus d'une poignée de villages isolés. Or le glacier fond ; il travaille et prépare un mauvais coup, il a déjà pris des hommes du village, autrefois. Voilà le décor planté, sombre, grandiose et oppressant.
Si le style de Giono reste inimitable, il est aussi transplanté dans un univers différent. Peut-être est-ce l'origine de cette impression d'étrangeté que j'ai ressentie tout au long de ma lecture. Les mots avec lesquels l'auteur peint la nature sont toujours aussi extraordinaires, c'est le tableau qui a changé : le livre entier est placé sous le signe de l'ombre, de l'eau et de la boue, dans un pays où le soleil ne se lève jamais. L'étrangeté peut même confiner au fantastique, lorsque le glacier se rompt brutalement et que son lac interne dévaste la vallée en un cataclysme qui épouvante le lecteur. L'eau monte et engloutit les villages ; les survivants fuient comme ils le peuvent, se rassemblent et se réfugient sur un promontoire cerné de toutes parts. Il faut s'organiser pour survivre dans le dénuement absolu. A la faveur de l'angoisse générale, de vieilles tensions refont surface. Ces paysans, néanmoins, peuvent bien s'avouer écrasés par la puissance de la nature : ils la connaissent aussi comme leur poche et n'ont pas encore basculé dans l'individualisme. Leur sens pratique et leur vieux fond de solidarité leur permettront de s'en tirer, grâce notamment au courage et au dévouement du personnage qui s'impose, page après page : Saint-Jean. La plume de Giono atteint à mon avis des sommets dans la peinture de cette apocalypse froide, où l'eau indifférente se transforme en un néant proprement terrifiant, et où la petite communauté contemple, désemparée, la disparition de son univers.
Je ne vais pas en rajouter dans l'analyse, ni gloser sur la lecture biblique, et même christique, que l'on peut faire du livre. Je ne m'interroge pas non plus sur la place qu'il faut attribuer à ce roman dans le panthéon de Giono. Non : ce qui m'a frappé pendant ma lecture, tandis que nous avons entendu parler tout cet été de canicule, de sécheresse, de forêts en feu, de débâcle record au Groenland, etc, c'est l'actualité finalement sidérante de ce texte. Nous aussi regardons monter la menace, inexorable. Mais que nous reste-t-il de notre connaissance de la nature, et de notre adaptabilité à ses excès ? Quelles ressources trouverons-nous dans ce qui nous reste de sens pratique, et quelles valeurs de solidarité conserverons-nous enfin pour faire face ?
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Voilà un livre qui vous prend, vous retourne et vous chamboule dans tous les sens. Grosso modo ce que Giono y fait aux montagnes. Ou ce que les montagnes de Giono font à leurs habitants, selon le point de vue. On découvre d'abord Boromé. Devenu vieux, il a vendu ses terres et ses fermes. Il a acheté la ferme la plus haute de la vallée, pris une servante, Marie, qui est devenue aussi sa maitresse. Il a laissé en bas l'épicière, le postier, et tout le petit monde du village. Il s'est fixé là-haut, dans cette ferme solitaire au milieu des sapins. On fait aussi la connaissance de quelques autres. Il y a des paysans, leurs femmes, leurs mères, leurs valets. Des ouvriers piémontais aussi.

Et voilà que la terre se met à trembler. L'eau sourd de chaque trou. Des craquements sinistres résonnent la nuit dans les glaciers. Et voilà qu'une nuit les montagnes s'écroulent. Les arbres tombent comme des brindilles. Des coulées de boue avalent maisons, bêtes et hommes. Quand le jour se lève le lendemain, tout le fond de la vallée est noyé sous l'eau. Seul une petite partie du village, construit sur une butte, subsiste. Des autres maisons on ne voit plus que les toits. Hagards, les survivants se rassemblent, se comptent.

Les temps semblent achevés. Mais les montagnards sont coriaces. Ils se rassemblent, construisent des radeaux, font le compte de leurs réserves de nourriture. Un taureau tueur libéré par la crue vient éliminer quelques rescapés – attention, la scène n'est pas pour les âmes sensibles – et in fine se rajouter aux dites réserves. Boromé est là aussi, la jambe cassée – sa servante l'a trainé d'en haut. Il y a aussi un groupe d'ouvriers piémontais, qui travaillaient dans la montagne. Ils sont courageux, industrieux. Et ils se disent que si toute cette eau reste là au lieu de s'écouler, c'est que quelque chose doit la retenir dans la vallée. Pour dégager ce quelque chose, il faudrait de la dynamite. Il y en a dans la montagne. Mais ce ne sera pas facile. Entre le chef des piémontais, Saint-Jean, et la servante de Boromée, il y avait quelque chose. Par amour on peut faire l'impossible, dit-on…

Ce n'est pas le Giono le plus connu, mais c'est de loin le plus puissant que j'ai lu pour le moment. On est jeté dans la peau de ces pauvres êtres minuscules, des poussières face aux montagnes qui s'effondrent. Son style se marie parfaitement avec les évènements qu'il décrit, dans un maelstrom de sentiments et d'arbres arrachés par les flots. Qui est prêt pour une avalanche de rocs et de mots ?
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Avec ce roman Giono s'élève un peu. Non pas dans son oeuvre où il déjà gravi quelques beaux sommets, mais géographiquement : après les collines de la « Trilogie de Pan », après le plateau de « Que ma joie demeure », il nous entraîne cette fois en Isère, dans les forêts et les pentes du Trièves, dans le sud du département.
Le titre initial prévu pour ce roman était : « Choral pour un clan de montagnards ». ce qui, pour les mélomanes, devrait rappeler « Que ma joie demeure ». Il n'en est pourtant rien, et Giono, au départ voulait justement faire une antithèse à ce roman : moins de lyrisme, moins de magie, moins de forces vitales telluriques « pas de féérie, pas de magie cosmique. Sur terre ». le thème initialement, devait être le travail, et même le travail d'un artisan… Et puis, les méandres de la création littéraire ont fait changer le cours de l'histoire : « Choral pour un clan de montagnards » est devenu « Batailles dans la montagne » et s'est construit autour d'une catastrophe :
La rupture d'un lac glaciaire déclenche une terrible inondation qui s'abat sur une vallée alpine. L'eau malheureusement est retenue par un barrage. Les habitants sont obligés de se réfugier dans le village de Tréminis, plus précisément dans l'église qui en est le point le plus élevé. Une population paysanne, habituée aux intempéries, mais sans doute pas de cette ampleur, se voit contrainte de cohabiter, dans le dénuement le plus extrême. Bien évidemment certaines individualités se mettent en avant, les vieilles rancoeurs reviennent, mais le sentiment de la catastrophe prédomine. Chacun prêche pour sa paroisse, le curé Chapareillan en tête (il est le mieux placé), mais le sentiment d'apocalypse reste le plus fort. le salut viendra d'un étranger, un charpentier, inconnu des autres, qui fera sauter le barrage avec l'aide d'une adolescente, Marie la bergère.
On ne retrouve pas ici le Giono solaire des premiers romans. La couleur est délibérément sombre : « la couleur du livre, couleur sapin foncé, couleur de vallées. Rochers de soleil, eau de torrents, barbes, mains rousses ». Et bien sûr la boue. Pas tellement une réminiscence des tranchées (comme dans « le Grand troupeau »), mais une boue apocalyptique qui joue son rôle comme un personnage. Autre différence avec le Giono que nous connaissons : les références mystiques et religieuses abondent : les noms des protagonistes, déjà : le héros s'appelle Saint-Jean (comme l'auteur ?), il est charpentier, et la femme à son côté s'appelle Marie… L'autre thème du roman, après la catastrophe, est le triomphe de la solidarité, vertu chrétienne, du moins hautement humaniste. Pour autant, l'auteur reste fidèle à ses « forces vitales » de la terre et l'exprime dans des scènes réalistes comme il sait les rendre (sacrifice du taureau, hautement symbolique). C'est peut-être là un aspect du roman qui peut rebuter certains lecteurs et certaines lectrices ; Giono abuse (un peu) des métaphores et des allusions symboliques, et il semble parfois se perdre un peu dans ce qu'il dit, ce qu'il voudrait dire, ce qu'il ne voudrait pas dire mais qu'il dit quand même…
Cela dit Giono reste Giono, et cette langue inimitable reste toujours aussi pure, aussi évocatrice, aussi colorée (même en couleur sapin foncé) et aussi riche.
Bizarrement, l'auteur a un peu renié ce roman, pensant que son style, sans doute ne convenait pas au sujet. Pourtant il avait bien fait passer le message : dans le combat entre la nature et l'homme, la nature avait gagné la première manche (l'inondation) mais l'homme avait gagné la seconde (le barrage).
Une résonnance très actuelle, ne trouvez-vous pas ?
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Jean Giorno nous raconte la débâcle d'un glacier et la fraternité des hommes de la montagne et des hameaux avoisinants dans la lutte homérique contre les éléments déchaînés. 

Batailles dans la montagne est l'expression du lyrisme singulier de l'auteur provençal. Ce roman de plus de 600 pages est très largement composé de descriptions d'une grande évocation poétique, avec une belle audace dans la mise en oeuvre d'images évocatrices. le cadre naturel se pare de traits humains ou animaux, les bêtes sont anthropomorphisées quand elles ne rejoignent pas le règne de l'inanimé et ainsi des hommes qui tiennent de l'animal, de la montagne qui les domine, de la forêt qui les abrite ou des flots qui les menacent. le paganisme des motifs narratifs le dispute au christianisme des références et des symboles. 

Il faut le concéder, c'est un livre remarquable dans son genre. Giono est un authentique barde provençal, sa langue respire la générosité, l'humanisme, la pleine santé. le livre comblera les esthètes friands des descriptions foisonnantes, débridées quoique minutieuses. Passé cela, un pavé entier de descriptions, dame ! risque d'être un bien trop copieux gibier pour les estomacs point trop robustes. 
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Une immense poche d'eau lâche sous le glacier de la Treille. Toute la vallée est inondée, les villages submergés.
La résistance s'organise. Chacun lutte avec ses armes. Jusqu'à ce qu'un homme surgisse et fasse renaître l'espérance.
Voilà le roman d'une collectivité faisant face aux excès de la nature. Un livre touffus, foisonnant, souvent excessif dans ses descriptions. Il y a d'excellentes pages même si Giono se laisse ici souvent aller à des facilités qui lui sont propres et alourdissent son récit.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les rames se relevaient sans bruit, sans même un grincement de taquets et plongeaient ; alors, devant le radeau l’eau craquait légèrement comme de la paille ou comme si on avait écrasé une gerbe de blé. Le froid avait maçonné toutes les cloisons du nez. Il n’y avait plus d’odeur et c’était tout de suite une chose qui donnait l’idée d’un grand désert ; car il y avait déjà cette pureté et immobile sur laquelle l’œil s’étonnait, puis on ne pouvait rien entendre ; alors il fallait sentir une odeur, mais le froid avait franchement aboli cette dernière ressource…. Sur la paroi gauche de Sourdie où ils devaient aller toucher bord et qui s’était rapprochée, agrandissant lentement ses couleurs pures dans le vide du ciel comme une tache d’huile, apparut brusquement, avec tout le détail du crépitement de ses branches nues, un grand fayard tout glacé. Le givre qui couvrait ses branches grouillait de lueurs étincelantes ; l’arbre était comme une construction de braises sur laquelle souffle le vent
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Dieu sauveur ! Il ne fallait rien dire contre le nuage, ni contre la pluie, ni contre le soir. Le nuage était là-haut dessus et la pluie n'était pas si forte que ça pour empêcher de voir à travers. Elle n'était pas serrée du tout. Elle était bien éclaircie, au contraire, cette pluie qui ne tombait pas en taillis, mais se dressait comme une futaie avec des arbres d'eau, à travers leurs avenues bleues, drus et droits qui laissaient bien voir. Rien qu'en bougeant un peu la tête de droite à gauche. Pendant que les grandes ombres marchaient sur ce plomb mou, poussant devant elles des rides qui élargissaient de grands cercles
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- Car, dit-il à voix basse, la vie est belle. Je me le redis maintenant malgré tout. Oui, la vie est belle. Tout pourrait chavirer de fond en comble. La vie resterait belle pour celui qui vivrait. Il n'y a pas à tortiller. Je suis comme ça, moi. Ce que je voudrais, vois-tu, au lieu de tous vos tapis, moi, eh bien voilà, je voudrais qu'on nous aime comme nous sommes, tels que, sans avoir toujours la menace à la bouche, sans essayer de nous forcer à être ça ou le reste. Tel que, nu et cru, qu'on nous aime. Et puis, si on est poussière, qu'on soit poussière. Un point c'est tout
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"Tu embrasseras ta mère"
Il recula dans l'ombre .
"Pour moi", dit-il , de cet endroit invisible mais tout proche où il s'était retiré.
Elle s'avança et touche l'ombre avec sa main: il était parti.
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- Qu'est-ce qui arrive là-haut ?
- Il arrive que tout Sourdie est en train de culbuter avec sa forêt, sa terre et ses rochers.
- C'est la fin du monde, dit la vieille.
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Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
+ Lire la suite
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