L'ensemble est d'autant plus précieux qu'on n'y peut surprendre aucune solution de continuité. Berlioz nous avait donné une première autobiographie : en voici une seconde, qui n'en est pas seulement le complément, mais se révèle comme une oeuvre intégrale. Ces Lettres ne contredisent pas les Mémoires (si ce n'est sur quelques détails insignifiants). Elles les contrôlent, les précisent et y ajoutent. Enfin leur récit est plus vivant encore. Aussi faudrait-il bien se garder de ne voir dans cette correspondance qu'un recueil de documents : c'est un livre complet, dont toutes les parties se suivent et s'enchaînent, qu'il faut lire comme on lit un roman par lettres, — Werther, ou la Nouvelle Héloïse, — et les éléments dont il se compose ne sont pas des fictions, mais la vérité même, l'émanation réelle du plus grand maître qui ait honoré l'art musical en France au XIXe siècle.
Lisez par exemple la lettre où il raconte l'exécution de sa première oeuvre, une messe à grand orchestre chantée à Saint-Roch en 1825 : il évoque ses émotions, son agitation fiévreuse qui pensa faire perdre la tête au chef d'orchestre ; il dit le défilé à la sacristie des auditeurs ébahis, le discours en trois points du curé, l'étreinte paternelle du bon Lesueur qui, du premier jour, l'a deviné homme de génie...
Hector Berlioz. Le chant des chemins de fer.