C'est une histoire du viol et non pas du consentement : aucune situation qui puisse mettre le consentement à l'oeuvre n'est abordée dans ce livre. À l'inverse, tous les chapitres ne parlent que d'horreur, de viols, avec une insistance particulière pour le viol sur enfant. le mot viol revient sans cesse, à toutes les pages, il est écrit quatre fois en 39 lignes en conclusion, le dernier chapitre s'intitule « la criminalisation du viol » et contient deux sous titres sur quatre avec ce mot ; le premier chapitre du livre, déjà, était « viol et violences »…
Pour le coup, c'est donc mal visé et assez confus : il s'agit de reprendre dans les archives judiciaires ou les récits personnels (la plupart écrits par des hommes, quelques-uns, rares, par des femmes) des mentions de viols, puis de passer au suivant. Autre chose étonnante, j'ai l'impression de lire de plus en plus souvent des essais ou des études qui s'appuient sur des
romans pour justifier un propos, ici Les aventures du Chevalier Faublas est souvent cité, ainsi qu'
Une vie et des nouvelles
De Maupassant. C'est dérangeant, on a l'impression que l'auteure ne fait pas de différence de niveau de réalité entre un rapport judiciaire et un roman. On pourrait pourtant considérer que le premier qui rapporte des témoignages ont un enjeu fort tandis que le second prend de la distance avec la vérité des faits pour mettre en forme une certaine consécution d'événements imaginés dans le but de satisfaire la curiosité des lecteurs… Mais la différence entre un vécu et une culture ne semble pas faite par qui a écrit ce livre…
On est du coup assez gêné parce que ce long inventaire de violences non seulement n'éclaire en rien sur le consentement – et le prétexte qu'il le définirait par contraste ne tient pas longtemps – mais semble se changer, par absence totale de mise en contexte culturel du fait dont il est question en permanence, la pénétration, en une édification de deux principes éternels, l'un masculin, pénétrant, l'autre féminin, insaisissable, et, bien sûr, en une diatribe contre le premier, sans aucune autre considération sociale. On ne sent jamais de propos qui visent à parler d'une harmonie de vivre ensemble, ou seulement d'y tendre, d'y viser – ce que, pourtant, la notion de consentement invitait à envisager. Mais de consentement, dans ce livre, il n'y a point.
Le plus marquant est l'insistance sur les violences contre des êtres qui, précisément, ne sont pas en situation de mettre en oeuvre la notion de consentement : les enfants. Quant aux viols : que viennent faire dans l'
histoire du consentement féminin ces histoires affreuses qui ne révèlent que l'incongruité de l'évocation de la notion – et faut-il en conclure que le consentement est une notion inconsistante ? Par ailleurs le consentement serait-il exclusivement en lien avec la pénétration – ou bien n'y aurait-il pas d'autres relations qui en convoqueraient opportunément la notion ? Est-ce que la pression sociale n'est jamais intervenue dans les comportements féminins, dont il est pourtant souligné la regrettable nécessité de l'abstinence sexuelle des années durant avant le mariage pour garder sa réputation – et n'y a-t-il vraiment aucune piste pour en dégager des éléments culturels qui viendraient encadrer la notion de consentement ?...
Mais on ne peut pas le savoir puisqu'aucune situation mentionnée n'est susceptible de faire intervenir le consentement féminin : les femmes sont forcées et… n'ont pas de désir ! En effet, le sous-chapitre qui traite de « la perception de la relation sexuelle désirée » s'étend sur… deux pages et demi et se réfère… aux aventures du chevalier de Faublas !! Quand une femme désire, doit-on en conclure que c'est de la fiction, qu'il y a simulation ? Ensuite le sous-chapitre qui suit est « l'individu féminin, une figure passive », ce qui, sans doute, est ironique, on ne sait plus, on s'y perd un peu, d'autant que nous sommes toujours ici dans le chapitre intitulé « Lorsque les femmes désirent »… Que font ensemble désir et passivité ? Fort heureusement, trois pages suivent, consacrées, enfin, au désir féminin « clairement exposé », mais sur ces rares lignes à l'échelle du livre, on ne se réfère toujours qu'à Faublas, et… les femmes n'obtiennent pas satisfaction, les hommes ne répondant pas à leur désir !! Même dans ces passages, l'auteure a donc réussi à éviter son sujet au point qu'on se demande si elle en a la moindre notion. Peut-être serait-il par ailleurs utile de
lui faire remarquer que Faublas, en plus d'être un roman, a été écrit par un homme. Que ce soit
lui qui ait été choisi pour parler le mieux du désir féminin pour une autrice qui n'en pense pas moins au sujet des hommes ne permet décidément pas de clarifier le propos.
Finalement, on est très déçu : on ne sait toujours pas quand femme veut et comment le consentement se met à l'oeuvre, de quelle manière il est perçu, acquis, et quand on peut y compter. On comprend simplement que la notion est complexe, plutôt fuyante. Si l'auteure avait témoigné de ses expériences personnelles, on n'en aurait peut-être pas appris davantage sur les relations non désirées, mais on aurait peut-être pu aborder plus délicatement le sujet dont elle voulait nous entretenir et qui aurait demandé, sans doute, un peu plus de douceur… Une nouvelle édition qui change le titre ? Un témoignage-vérité qui sorte ce que l'on a sur le coeur et ce que l'on souhaiterait pour l'avenir ?...