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Lamia Berrada-Berca (Autre)
EAN : 9791095434290
168 pages
Do Editions (21/01/2021)
4.5/5   6 notes
Résumé :
Parvenu au crépuscule de sa vie, Louis se prépare à mourir, seul, à Paris. Au même moment, à Tokyo, son petit-fils Akito décide sans raisons apparentes de se cloîtrer dans sa chambre. Ce séisme intime amène ses proches à se confronter à leur propre histoire : liens rompus, secrets enfouis, aspirations profondes, blessures refoulées… Face au caractère irrationnel de la situation, enfermés à leur tour dans l’incompréhension et la culpabilité, tous prennent conscience ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Puisqu'il le faut.
Entraînons-nous à mourir.
A l'ombre des fleurs. »
Koyabashi Issa (1723-1828)
Émouvant, un cerisier en fleurs, un livre grand comme le monde « Chasser les ombres » est l'éphéméride. Louis est âgé, solitaire, malade, en proie à la dernière marche de sa vie, il sait l'heure urgente, sournoise et imprévisible. Dans un même tempo, ses pensées vers son fils du bout du monde au Japon, sont cruciales et battements de coeur. Il cherche dans le flot des errances, l'étincelle qui le raccrochera à la vie. Revoir son fils. Les années sans lui sont des écorchures vives et profondes.
« L'enfance est un puits sans fond. En sortir prend toute une vie et la mort nous y ramène invariablement. Louis en faisait l'expérience, il était à l'âge où chaque geste, chaque mot était un appel au recommencement. »
Écrire, dévoiler à son fils les mots épiphanies, l'amour et ses craintes abandonnées dans l'entrechoc de l'âge. Lui qui n'a pas son fils Lucas s'élever dans l'entrelac des jours glorieux. Ombre pour ombre, la pudeur des absences, « aux particules fragmentées des souvenirs ». Lucas vit avec Mikki, solaire et délicate aimant Flaubert et traductrice freelance. La connivence heureuse, un couple qui devine intuitivement les gravités, l'écorce rebelle des émancipations. Ils ont un fils, un jeune adolescent Akito signifiant « l'homme de l'aube » en hommage au poème Aube de Rimbaud. Akito est en proie aux turbulences intérieures. La flamboyance n'est plus. Il plonge dans un gouffre, la matrice égarée, refuse le jour et la lumière, les autres et lui-même.
« le regard qui la fixait comme une étoile morte était celui d'Akito. »
« Chasser les ombres » est le liant. Ici, pas de roman, d'histoire, seul, le réel des possibilités. Les écueils arriment la trame, soufflent sur les ombres et forcent le destin. Lucas va recevoir une lettre, celle de son père. le choc sera violent, un tsunami intérieur. Mais la gestuelle en filigrane aura raison de ses remords. Lui répondre ? Il faut attendre les bourgeons regain sur les branches encore frigorifiées. Ici, c'est l'aurore boréale, les mutations des coeurs qui vont oeuvrer au chef-d'oeuvre. Que ce livre est beau et donnant ! Poursuivre la lecture, les ombres s'enfuient même au profond de nos propres regards.
« On apprend à chasser les ombres ainsi. En s'aimant la nuit et en se parlant le jour. Se parler pour faire taire leur voix. »
Akito sombre dans sa chambre, radeau de Géricault, sables mouvants, vivre hors du temps et de l'espace dans les bruissements des ombres qui figent l'existence même. Un « hikikomoris » un reclus essentialiste, parabole de la rémanence. Que va-t-il se passer dans ce langage où tout est théologal, attente et murmure ? Lamia Berrada-Berca délivre des mots sur les maux, les renaissances en advenir. « Chasser les ombres » est un miracle. Louis et Lucas retrouveront-ils l'heure des fiançailles renouées ? le seuil des révélations ?
« Chasser les ombres » est l'éternité. Culte, magistral et inoubliable. En lice pour le prix Hors Concours des éditions indépendantes 2021. Publié par les majeures Éditions Do.

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Avec Chasser les ombres, publié il y a quelques jours aux éditions Do, Lamia Berrada-Berca livre un creuset de l'être à la fois intime et complexe.

C'est dans une langue habitée par d'autres, tout autant malléable que fine, poétique et précise, que Lamia Berrada-Berca ausculte les relations humaines, saisissant tout de leurs contrastes, de leurs aspérités et de leurs flamboyances. Une quête que l'autrice poursuit d'ouvrage en ouvrage faisant de la solitude, des failles et de l'enfermement, ses thématiques phares.

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Comment faire entendre son désir naturel et sain de transparence ? Il était forcément dangereux, celui qui s'essayait naïvement à passer la frontière, à déchirer le masque social. Une mise à nu est une mise à mort, traduisait-elle par instinct, de l'écho performant qui lui parvenait du dehors. mais il y avait autre chose encore : elle avait tôt fait de considérer que personne ne disant jamais vraiment la vérité, il valait mieux s'attacher aux réponses que les livres pouvaient donner, même s'ils ne cessaient cependant, lorsqu'on les lisait, de poser plus de questions encore qu'ils n'apportaient de réponses. Elle avait bien tenté d'en apporter à certaines d'entre elles, mais à mesure qu'elle grandissait, les questions se transformaient à leur tour de telle sorte qu'il ne pouvait jamais y en avoir de définie. Comment pouvait-il en être autrement ? Les oracles ne se départissent jamais de leur mystère. Tiraillée par cet écart permanent, elle avait fini par comprendre : on ne parlait pas ainsi, on ne parlait pas cette langue de l'inconnu ailleurs dans la vie. on ne parlait jamais avec personne peut-être... Comme si les mots devaient tout lisser, tout encoder, tels les produits étiquetés dans les centres commerciaux. certains étaient plus valorisés que d'autres, il y avait un marketing des mots pour le travail, pour la société, pour les convenances. Des marques de politesse et des étiquettes. Partout. Alors elle s'était réfugiée dans une autre langue pour échapper à ce qu'elle connaissait déjà. Elle comprenait désormais davantage la force du silence. Pas celui qui prend le caractère des non-dits. Celui qui déplie autre chose que le langage lui-même et qui va plus loin, si loin qu'elle aurait aimé avec Lucas n'avoir à parler aucune langue. Ni le français - qu'elle adorait pourtant - ni le japonais - qui était sa langue maternelle. Uniquement celle-ci, libérée du corset du quotidien. Mikki se rappela que la nuit précédente ils s'étaient l'un et l'autre exprimés - sans tabous ' dans leurs ébats amoureux. Inventer une langue! Voilà la raison pour laquelle Rimbaud l'avait autant éblouie... Mais quelle langue parlaient-ils, eux, avec Akito ? Quelle langue devaient inventer les parents pour comprendre le fruit de leur union ? Est-ce que le silence n'était pas justement le pire, dans ce cas précis ? Est-ce que leur fils serait de nouveau capable d'en parler une autre ?
(pp.82-83)
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Une fois ses affaires rangées, il s'allonge sur le lit, il veut voir ce que cela fait d'habiter le silence de cette chambre vide, il se laisse aller à contempler la silhouette fragile et nue de l'arbre qui se laisse deviner dans la pénombre; il imagine se dresser une forêt immense derrière, toute la poésie du monde lui semble s'être donnée rendez-vous là, dans le vertige saisissant de vie de la verticale de ce tronc qui rompt si brutalement avec la lassitude dépliée de l'horizontale de son corps, oui, exactement là dans le noeud, à la jonction précise des deux. Corps et esprit, surface et profondeur. Ecorce et chair. Tailladés par les mêmes blessures et multiples balafres laissées par les différents âges de la vie. Toilette faite, piqûres, bilans achevés, ce corps lui semble une étrange chose qui n'en finit pas de se détacher lentement de lui. Tard dans la nuit, l'image de ce cerisier du Japon revient alors le hanter, le conforter dans l'idée qu'ils sont deux solitudes qui finiront par se rejoindre tôt ou tard.
(p.16)
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Videos de Lamia Berrada-Berca (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lamia Berrada-Berca
Interview de Lamia Berrada-Berca lors de sa venue en 2013 à LITTERATURES EUROPEENNES COGNAC. Auteur de Kant et la petite robe rouge - La Cheminante. Vidéo : Espace 45
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