Attention, ce numéro est précieux.
Je ne veux pas dire par là qu'il est collector, ultra-cher, investissement rentable (quoique). Non, non. Je veux dire qu'enfin, après de longues années, je viens de gagner des clés qui vont m'aider à comprendre la littérature de
Philip K. Dick.
Y'a pas à tortiller, j'ai toujours eu du mal avec Dick. C'est un euphémisme de dire qu'il me sort de ma zone de confort ; il serait plus juste d'avouer que je rentre dans ses romans la goutte à la tempe tout tremblant en me demandant si la réalité va encore faire des sauts périlleux sous mes chaussures. Voyez-y ce que vous voulez, je suis affolé par les trucs de maladie mentale et de drogues qui fracassent le cerveau, par les récits aux multiples points de vue offerts par des pékins pas bien dans leurs godasses qui forment un écheveau qui ressemble à une intrigue souvent seulement de loin.
Et là, j'ai l'impression d'avoir eu entre les mains une sorte de carte au trésor avec explications en notes de bas de page. Tout ça pour dire que ça va m'aider dans mes futures lectures.
Le dossier commence par une excellente biographie qui dévoile déjà tellement de Dick, de ses traumatismes – dont le pire est peut-être d'avoir perdu sa soeur jumelle après quelques mois de vie seulement – de sa paranoïa, de ses périodes surmédicamentées (mais très peu de vraie drogue, ‘tention), de ses relations si difficiles avec ses femmes, parfois violentes, parfois étouffantes de possessivité. Un état d'homme qui forme un terreau riche pour les romans qu'il écrit.
L'article de Gérard Klein qui suit, qui date de 1969 donc bien avant la complétude de l'oeuvre, offre tellement de clés de lecture. Sa notion d'aliénation de l'homme projetée sur la trame de l'univers qui en perd son équilibre, le pauvre, est percutante.
Laurent Queyssi va encore plus loin dans la tentative de formalisation du roman dickien. Un peu trop abstrait pour moi, ceci dit.
On a également droit à une interview de PKD datant de 1974 tout à fait éclairante sur sa définition de la science fiction et largement pourvue en « anecdotes » du genre j'ai tenté de me suicider au Canada.
L'article sur les adaptations cinématographiques date un peu –
Minority Report n'était encore qu'un projet incertain – mais pousse à décorréler le film du roman et de la nouvelle, les deux n'ayant pas e même objectif.
Enfin le guide de lecture insiste sur les oeuvres principales de Dick. Il est triste de noter que les romans dits « alimentaires » et donc « inférieurs » sont oubliés, alors que ce sont ceux que j'ai eu l'audace de lire souvent avec plaisir (car ils sont plus SF mainstream même si Dick reste Dick).
Aucune nouvelle du maître n'est présente. A la place : trois hommages « dans le style de ». Les histoires de
Michael Bishop et
Paul di Filippo sont complètement barrées. Celle de
Michael Swanwick joue allègrement avec la réalité (tout ce que j'aime, gasp !) mais maîtrise don art dickien.
Bref, avec ce numéro pas très loin, je pense que je pourrai dans le futur m'attaquer à des romans du coeur de l'oeuvre. Ça c'est un beau cadeau.