Intéressante idée de départ... décevante expérience de lecture.
Imaginer ce que l'Europe aurait été si
Christophe Colomb n'avait pas "découvert" l'Amérique, mais si Atahualpa avait découvert l'Europe : voilà qui avait de quoi titiller ma curiosité.
Les Incas étendaient leur domination sur l'Espagne, puis sur ses dépendances, puis sur d'autres régions de notre continent. La religion chrétienne, déjà elle-même divisée entre catholiques romains et luthériens, se voyait submerger par le culte du Soleil, les lamas remplaçaient les moutons, le maïs remplaçait le blé, etc.
Hélas, mis à part ces quelques éléments anecdotiques, l'immersion dans cette Europe "incaïsée" (incanisée? incanifiée?) ne m'a clairement pas convaincu.
La prise de pouvoir d'Atahualpa, débarqué par hasard au Portugal avec sa suite de 200 fidèles, apparait comme des plus improbables ; les échanges épistolaires à rallonge n'apportent pas grand chose (même celui entre
Erasme et
Thomas More (qui n'étaient pourtant pas les derniers des imbéciles) ; le name dropping tombe à plat, qu'il s'agisse de personnages historiques peu connus (sauf des spécialistes, mais la manière dont ils sont introduits dans l'intrigue laisse à penser que leur existence même est porteuse d'une signification particulière... mais laquelle? se demande le béotien que je suis), sans parler des mentions complètement déplacées comme celle de
Rabelais par Higuénamota, fidèle conseillère du Grand Inca, qui trouve judicieux d'évoquer le côté amusant du dernier écrit de cet auteur au milieu d'une lettre envoyée de Paris pour avertir Atahualpa, resté en Espagne, de l'invasion de la France par... les Mexicains.
Ajouter à cela un style sans éclat, presque scolaire, et vous comprendrez peut-être que j'ai lu les 150 dernières pages en 15 minutes, piochant un paragraphe par-ci par-là pour voir si un évènement d'importance survenait ou si le style évoluait. C'est donc une lecture que j'ai finie sans la finir. Décevante expérience, comme je disais. Et d'autant plus décevante que j'avais été subjugué par
La Septième fonction du langage ou encore
HHhH du même auteur, beaucoup plus enlevés, beaucoup plus riches en réflexions, beaucoup plus maîtrisés, à mon humble avis.