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sur 1278 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Civilizations est une gigantesque fresque historique inversant complètement la conquête du Nouveau Monde, faisant débarquer les Incas à Lisbonne puis, en quelques années, les amènant à prendre le pouvoir sur une grande partie de l'Europe. de plus, Laurent Binet a saupoudré son roman de références et de personnages historiques bien réels ce qui n'a pas manqué de me faire sourire tout au long de ma lecture.

Avant de nous mettre dans les pas des adorateurs du Soleil, l'auteur commence avec des bannis d'Islande qui, de fuite en poursuite, arrivent sur ce qu'on appelle aujourd'hui l'Amérique. C'est ensuite Christophe Colomb et son expédition qui va d'échec en déconvenue pour se terminer lamentablement. Tout cela, comme tout au long du livre, est bien argumenté, détaillé, expliqué, rendant l'histoire plausible.
Enfin, commencent les aventures d'Atahualpa, en lutte contre son frère, qui n'a d'autre échappatoire que de prendre la mer pour Cipango (Cuba) où il rencontre la belle Higuénamota qui l'accompagnera longtemps.
De batailles en massacres, sans compter les trahisons, c'est au Portugal où un terrible tremblement de terre a tout bouleversé, que les Incas s'installent et découvrent la vie européenne et la religion du « dieu cloué » avec ces « tondus » qui les reçoivent.
J'ai beaucoup aimé les commentaires, les appréciations du narrateur devant les incohérences d'une religion qui n'hésite pas à tuer, à brûler celles et ceux qui ne conviennent pas. L'inquisition est dans son âge d'or ou plutôt de sang et ceux qui vénèrent le Soleil sont terriblement choqués par ce qui se passe.
Pour mener à bien cette uchronie, Laurent Binet sait varier les types de récit utilisant à plusieurs reprises l'échange de courrier ce qui permet d'apprendre ce qui se passe en Angleterre, en Espagne, en Allemagne. La France reste un peu en dehors du jeu car François 1er, ennemi de Charles Quint, est plutôt un allié d'Atahualpa.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt toutes les améliorations apportées par ceux qui conquièrent le Cinquième Quartier, comme ils nomment leur territoire européen, les quatre premiers étant de l'autre côté de l'océan Atlantique. Tolérance, partage des richesses sont à l'honneur pour lutter contre les massacres et la famine.
J'ai eu de la peine parfois à m'y retrouver entre tous les personnages évoqués : soeurs, frères, demi-frères, demi-soeurs, épouses, maîtresses, concubines mais je me suis laissé porter par cette saga incroyable.
L'Espagne se révèle vite trop petite et l'auteur nous promène jusqu'aux Pays-Bas en passant par Gand, Bruxelles, en Allemagne, en Italie, après avoir conquis Tunis et Alger. J'ai aimé la partie traitant du problème posé par Luther et l'évocation de Thomas Müntzer mis en valeur par Éric Vuillard dans La guerre des pauvres.
Hélas, le temps passe et les plus belles utopies sont menacées. Des Mexicains débarquent et le sang coule à nouveau. Il y a aussi la bataille de Lépante dans une dernière partie qui met en scène Miguel Cervantès et un grec, catho intégriste. Je n'y ai trouvé d'intérêt que pour l'épisode se déroulant chez Michel de Montaigne, près de Bordeaux, avec des débats intéressants à propos, encore, de religion.
Comment terminer une histoire aussi folle qu'instructive ? Laurent Binet a choisi une fin assez énigmatique revenant presque au point de départ mais y avait-il une autre issue ? Cela n'enlève rien à tout l'intérêt d'un roman hors normes qui a le mérite de décrypter l'histoire officielle en la décortiquant, la passant par le prisme de regards complètement neufs. Réflexion salutaire s'il en est sur le poids des religions et le rôle des puissants.

Si tout cela était arrivé, je me demande si nous serions plus heureux. En tout cas, peut-être que ce Soleil adoré aurait permis d'éviter les plus grands drames qui ont endeuillé l'Europe ? le rêve est permis et merci à Laurent Binet d'avoir osé nous entraîner dans cette folle utopie de Civilizations, livre justement couronné par le Grand Prix du Roman 2019 de l'Académie française.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Une idée brillante ! on refait l'Histoire en partant de trois postulats : les Incas ont été vaincus par les envahisseurs venus d'Europe car ils n'étaient pas immunisés contre toutes les infectieuses apportés dans les « cales et les corps » des marins, donc des morts en masse.

Ils ne possédaient pas de chevaux, ni les techniques maîtrisées par les colonisateurs. Donc impossible de lutter…

Première idée de génie : les Vikings ont débarqué quelques siècles auparavant et ont permis une sélection naturelle : une partie les Incas se sont immunisés naturellement contre certaines maladies infectieuses et qui dit anticorps dit résistance à l'arrivée des miasmes des colonisateurs, donc exit l'hécatombe et l'infériorité numérique.

De plus, guerre fratricide entre deux frères descendants du Soleil : Huascar et Atahualpa. Acculé à la défaite, ce dernier s'enfuit avec ses hommes au bord du dernier bateau (et oui, ils étaient tellement en retard sur la science européenne qu'ils ne savaient pas fabriquer et encore moins maitriser les navires!

Atahualpa aépousé une princesse cubaine Higuénamota qui va jouer un rôle important dans sa conquête et lui servir souvent d'ambassadrice, d'égérie… il s'est entouré de conseillers aux noms tous aussi imprononçables tel Chalco Chimac, Quizquiz…

Poussés par des vents favorables (cela tient à si peu de chose une découverte et un effet papillon !) Atahualpa et ses hommes débarquent à Lisbonne puis dans l'Espagne de l'Inquisition, où l'on exécute à tour de bras tout ce qui ne pense pas catholique pur et dur. Il assiste horrifié aux scènes où les gens sont brûlés vifs.

Comment faire pour s'installer et mettre en place le culte du Soleil à ces croyants obtus qui vénèrent un « Dieu cloué » pour reprendre son expression ? S'allier à ceux que l'on persécute : « morisques », juifs, mettre en place sa propre lignée en épousant des reines ou princesses (ils sont tous cousins entre eux, même s'ils se font la guerre…)

Une invention de génie permet à Atahualpa de lire « le prince » de Machiavel et il va s'en inspirer pour mettre en place ce qui ressemble beaucoup au premier régime socialiste : laisser les paysans profiter de la terre qu'ils cultivent au lieu d'être rançonnés par les Seigneurs qui ont besoin de toujours plus taxer les pauvres pour faire des guerres…

Atahualpa comprend aussi très vite qu'il faut produire pour se nourrir, favoriser le commerce (on dirait de nos jours équitable) donc il établira des liens avec toutes les dynasties en place pour les réformer…

On va croiser ainsi Charles Quint, François Ier, Luther qui veut imposer sa religion et à qui on va réserver un sort impressionnant, sans oublier un personnage extraordinaire : Hassan al-Wazzan alias Léon l'Africain qui m'a toujours fascinée et que j'ai découvert grâce au roman magnifique d'Amin Maalouf que j'ai lu au moins deux fois…

Quelle belle revanche sur Pizzaro et Cortes, héros tristement célèbres de la conquête du Nouveau Monde !

On fait beaucoup d'autres rencontres et la dernière partie est excellente mais je n'en dirai rien pour ne pas divulgâcher… (j'adore ce mot, tellement plus beau, mystérieux et savoureux que « spoiler »

Ce livre, une uchronie, est excellent car il repose sur les solides connaissances de Laurent Binet sur Christophe Colomb, les cultures amérindiennes, mais aussi l'histoire de l'Europe. L'imagination marche si les bases sont solides au niveau culturel et historique.

Cela m'a un peu gênée au début de ma lecture, car je me suis peu documentée sur « la découverte des Amériques » parce que pour moi, Christophe Colomb a sur les mains le sang des Amérindiens, premier génocide qui mériterait d'être reconnu par les Ricains mais à l'ère du trumpisme flamboyant, (j'allais écrire triomphant mais flamboyant convient mieux, plus adapté à la chevelure du maître de l'univers), on en est loin.

Cela a failli me coûter cher, m'empêchant de savourer pleinement ce roman. En fait j'exagère un peu, je ne suis pas aussi ignare que je le prétends et ce livre m'a rappelé un ouvrage qui m'avait passionnée à l'époque : « 1492 » de Jacques Attali. Il m'a donné une furieuse envie de m'y replonger.

J'ai fait une pause dans ma lecture pour aller réviser un peu et cela m'a permis de savourer pleinement chaque instant, chaque phrase… C'est une lecture qui se mérite, il faut prendre son temps. J'en suis sortie d'ailleurs avec une envie folle d'aller explorer la civilisation Inca…

L'écriture de Laurent Binet est superbe, on peut s'immerger dans le passé simple, l'imparfait du subjonctif avec délectation. Et dire que « La septième fonction du langage attend toujours dans ma PAL…

Bref, vous avez compris ce roman est un coup de coeur, je pourrais en parler pendant des heures, et bingo, il vient de recevoir le grand prix de l'Académie Française !

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de lire cette pépite. Je vais acheter la version papier pour le plaisir de me replonger dans cette belle fresque historique….

#Civilizations #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Nos ancêtres les incas

Dans une ébouriffante uchronie, Laurent Binet imagine que les européens n'ont pas colonisé l'Amérique, mais que les Amérindiens se sont installés en Europe. L'occasion de réviser quelques jugements tout en s'amusant.

Après nous avoir régalé avec La septième fonction du langage, sorte de thriller autour de Roland Barthes, Laurent Binet remonte plus loin encore dans le temps et n'hésite pas à réécrire l'histoire dans une savoureuse uchronie. Je ne sais s'il faut d'abord applaudir la virtuosité d'un récit qui entraîne le lecteur dans une épopée formidablement romanesque, l'érudition de l'auteur qui s'appuie sur une solide documentation ou encore l'habileté de la construction qui nous pousse à remettre en cause certains jugements un peu trop hâtifs sur l'Histoire telle qu'elle nous a été enseignée. Toujours est-il qu'on se régale de cette version joyeusement apocryphe qui, pour faire plus vrai, mêle différentes techniques narratives en nous proposant le journal de bord de Christophe Colomb, les minutes d'un procès, une correspondance entre des incas parcourant l'Europe et ceux resté au pays, quelques témoignages et même les articles d'une nouvelle constitution.
Après avoir une bonne fois pour toutes confirmé que Christophe Colomb ne fut pas le premier à poser le pied en Amérique mais les vikings qui, après avoir trouvé le Groenland peu hospitalier ont repris la mer vers le «pays de l'Aurore», avant d'arriver à Cuba puis gagner le continent du côté de Chichen Itza et de pousser jusqu'à Panama. En se mêlant à la population, ils importent les maladies, mais finissent par développer des anticorps.
À la saga de Freydis Eriksdottir succède l'expédition de Colomb et son édifiant journal de bord. le rêve de gloire va se transformer en déroute et les trois caravelles avec leur poignée d'hommes ne pourront rien contre des autochtones assez malins pour comprendre la menace qui pèse sur eux et s'emparer des navires. Les voilà équipés pour prendre à leur tour le large. En 1531, les Incas envahissent l'Europe et vont bénéficier, pour leur part, de circonstances favorables. Lorsqu'ils débarquent à Lisbonne, un tremblement de terre vient de secouer la ville, entraînant panique et désorganisation. Atahualpa, leur chef, va très vite réussir à s'intégrer parmi les sphères dirigeantes grâce à un sens inné de la ruse et une faculté à décoder la psychologie de ses interlocuteurs. La lecture du Prince de Machiavel achève d'en faire un fin stratège qui va profiter des antagonismes et des appétits des différents monarques pour s'imposer dans cette Europe où les catholiques affrontent les partisans de la réforme. On peut de reste s'interroger à juste titre sur l'humanité de l'inquisition face à ceux qui implorent le dieu soleil.
Laurent Binet s'amuse ainsi à truffer le roman de clins d'oeil à l'Histoire officielle qui voudrait que la civilisation soit européenne et les sauvages américains. Ce n'est du reste pas la moindre des vertus du livre: nous offrir des lunettes qui nous permettent de regarder avec un oeil neuf l'Europe de Charles Quint et cette politique d'alliances et de trahisons, y compris matrimoniales. Vous l'avez compris, on apprend beaucoup dans ce roman tout en s'y amusant. Mais n'est-ce pas là la marque de fabrique du plus facétieux de nos romanciers?

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Je n'ai pas pu résister à l'accroche du dernier roman de Laurent Binet :

« Vers l'an mille : la fille d'Erik le Rouge met cap au sud.
1492 : Colomb ne découvre pas l'Amérique.
1531 : les Incas envahissent l'Europe. »

Voici une uchronie fort bien imaginée avec pour personnage principal Atahualpa Ier, roi d'Espagne, prince des Belges et des Pays-Bas, roi de Tunis et d'Alger, roi de Naples et de Sicile, empereur du Cinquième Quartier.

Pour info, Atahualpa a été le dernier empereur de l'Empire inca indépendant et a été exécuté en 1533 par les envahisseurs espagnols.

En toile de fond : l'Histoire entre 1531 et 1544 (et donc les guerres de Religion qui opposaient les catholiques et les protestants), des personnages secondaires comme Charles Quint, Pizzaro, Martin Luther, Erasme, François Ier et tant d'autres…

J'ai adoré le point de vue inca sur la religion du dieu cloué, les réformes sur la liberté de culte et la paysannerie, les 95 thèses de Luther revisitées (cfr. Les 95 thèses du Soleil), etc.

Il y avait pas mal de passages assez jubilatoires quand certains personnages historiques en prennent pour leur grade !

C'est raconté comme dans un livre d'histoire mais je pense qu'une forme plus romancée m'aurait permis de mieux apprécier le personnage d'Atahualpa. Il n'y a pas de dialogues, quand les personnages s'expriment c'est par lettre. C'est original mais cela crée une distance, je ne sais pas si je me fais bien comprendre ?

La quatrième et dernière partie sur les aventures de Cervantes m'a un peu ennuyée. J'aurai préféré un épilogue se projetant sur notre siècle.

Quoi qu'il en soit, un très bon moment de lecture qui m'a donné envie de me pencher sur l'histoire véridique d'Atahualpa.




Challenge livre historique 2019
Challenge défis de l'imaginaire 2019
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Avec bien des "si", on peut réinventer le monde, réécrire L Histoire ou encore redessiner les cartes ... tant au sens propre qu'au sens figuré.
En lisant "Civilizations" de Laurent Binet, nous sommes plongés dans plusieurs siècles d'histoire renouvelée et réécrite où ce que nous connaissons comme étant la "Vieille Europe" ou le "Vieux continent" devient au cours du 15e et 16e siècle le" Nouveau Monde", peuplé de Levantins.
Car il faut en effet garder à l'esprit mais aussi reconnaître l'audacieux scénario adopté par l'auteur d'inverser les rôles, dés lors que Christophe Colomb échoue dans sa quête d'une nouvelle route des Indes, laissant alors les fameux Indiens / Incas débarquer en Europe, à Lisbonne précisément, tout juste terrassé par un tremblement de terre, et qui va être le point de départ d'un nouvel Empire.

Riche d'hypothèses, Laurent Binet nous offre un bel hommage historique à des royaumes, dynasties et civilisations aujourd'hui disparues, il réécrit l'Histoire du monde telle que nous l'avons appris sur les bancs de l'école et y distille des éléments nouveaux. Les questions du pouvoir, de l'annexion des pays, de l'extension des royaumes ou Empires, auxquelles s'ajoute l'épineuse question des croyances rappellent les idées fortes d'Humanisme à l'époque de la Renaissance et l'apparition de Michel de Montaigne en fin d'ouvrage clôt cet hommage qui ne manque pas de rappeler un passage célèbre de ses "Essais" relatif aux "Cannibales".

Un trés bon roman avec des surprises, qui nous rappelle que le sort du Monde et le cours des choses dépend parfois de peu ...
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Coup de maître réussit pour Laurent BINET avec cette uchronie. J'ai plongée, j'ai été absorbée par cette histoire, j'ai frémi tout au long du livre, j'ai ri également. Il y a un côté espiègle dans ce roman. Laurent BINET, assurément, s'est amusé à l'écriture de ce livre.

Là, ce sont les Incas qui envahissent l'Europe et non pas les Européens qui colonisent les pays d'Amérique du Sud.
Il a réussi à se mettre à la place des Incas qui arrivent dans un pays étranger où les us, coutumes et croyances sont étrangères à leur culture.

« Au sud, proche de l'Espagne mais séparée d'elle par la mer, il y avait une région qui semblait l'objet de toutes les convoitises, l'Italie, terrain de guerres perpétuelles, où vivait le chef des tondus, représentant sur terre du dieu cloué. »

J'ai été un peu déconcertée au début. Chapitres très courts. Mais tout prend sens au fil de la lecture. Je me suis attachée aux personnages : Atahualpa, Empereur de l'empire Inca et ses généraux, Higuénamota, soeur-épouse d'Atahualpa. L'Europe va être complètement bouleversée par cette invasion.

Je n'ai pas de connaissance particulière en histoire. Et pourtant, j'ai été happée par ce roman.

Jubilatoire !
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J'avais choisi ce livre avant qu'il reçoive un prix. On dénigre généralement les prix littéraires, mais ils ne sont pas forcément de si mauvais choix. A vrai dire je ne les lis pas parce qu'il ont été distingués mais parce qu'il m'ont plu avant. L'année dernière j'avais lu Frère d'âme de David Diop et j'avais également beaucoup aimé, les années précédentes je ne sais pas, je n'étais pas du tout attentive à ces distributions.

Donc, Civilizations, une dystopie qui part de l'idée que si les peuples d'Amérique ont été vaincus, c'est parce qu'il n'avaient pas connaissance du travail du fer, des chevaux, et qu'ils ont subi un choc microbien. du coup il imagine que ces problèmes ont été réglés avant l'arrivée de Christophe Colomb.
Pour cela il rédige une saga scandinave qui montre comment ces hommes et ces femmes du Nord en navigant tout le long de la côte est ont mis fin à ces manques.
Suivent les chroniques d'Atahualpa, partie la plus longue mais aussi la plus intéressante. Nous y apprenons comment une guerre fratricide chez les Inca a poussé ce Fils du Soleil à traverser l'Atlantique pour débarquer en 1531 à Lisbonne, qui vient d'être ravagée par un séisme. C'est un des éléments redondants de ce livre que de jouer avec les dates comme dans une exclamation qui rappelle évidemment celle de Manon Roland “O liberté que de crimes on commet en ton nom“. Mais aussi de changer des faits comme la rencontre du Camp du drap d'or par exemple ou de changer les rôles de personnages historiques comme Pizarro.
La venue de l'Inca va bouleverser l'Histoire, en particulier religieuse mais aussi agricole et sociale. (Je ne veux pas en dire plus). Jusqu'à une deuxième invasion qui va finir de bouleverser la vieille Europe.
On n'en voit les effets dans le troisième texte, Les aventures de Cervantès. Qui finit assez abruptement.

Chaque partie ressemble à son modèle. L'auteur a réussi trois pastiches au service d'une histoire qui renverse les évènement et fait de l'Europe le Nouveau Monde.
Cette dystopie à l'avantage de mettre certains faits historiques sous un autre angle, ce qui est toujours stimulant.
Le seul petit reproche que je pourrais faire c'est quelques longueurs.

Voici un récit qui allie divertissement et réflexion.
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Erik le Rouge, bien que vivant dans un pays réputé pour son climat froid, avait le sang chaud. Un jour, il n'apprécia pas que son voisin, Eyjolf la Fiente tue ses esclaves. Alors, il tua Eyjolf la Fiente. Il tua aussi Harfn le Duelliste. Contrairement à ce qu'on croit, il y a des lois chez les Vikings. Erik fut banni de Norvège.
Il s'installa en Islande. Il prêta généreusement des poutres à son voisin, mais quand il vint les récupérer, celui-ci refusa de les rendre… Mauvaise idée ! Ils se battirent et d'autres hommes moururent. Erik fut banni d'Islande.
Comme il lui était impossible de rentrer en Norvège, il vogua vers un pays découvert par le fils d'Ulf la Corneille. Il décida de l'appeler Groenland (Pays vert) espérant par cette publicité mensongère, avec un si joli nom, y attirer des gens…

Critique :

Bon, je ne vais pas vous raconter toute l'histoire puisque Laurent Binet l'a déjà excellemment bien fait. Mais où sont les Incas dans tout ça ? Petits impatients ! L'auteur démarre son roman comme un livre d'Histoire (vous avez bien pris note que j'ai mis un « H » majuscule ?).

Après le court passage consacré à Erik le Rouge, Laurent Binet nous rapporte les aventures vécues par la fille du Viking, Freydis. Sacré caractère ! Freydis se met à explorer les côtes à l'Ouest (notons au passage qu'elle a occis deux de ses frères pour s'emparer du bateau) et finit par rencontrer des Skraelings (que nous, nous appelons Indiens). Les échanges sont fructueux… ou non car tous les Skraelings ne sont pas accueillants. Ce que les guerriers nordiques ignorent c'est qu'ils apportent avec eux des maladies qui vont décimer leurs hôtes. Ils le découvriront à leurs dépens jusqu'à ce que Freydis sache en tirer profit permettant à ses Vikings de se croiser avec des Skreylings.

Laissons là les Vikings, avançons dans le temps et voyons ce que ce cher Christophe Colomb vient faire sur ces terres qu'il croit faire partie des Indes. Au début, ses relations avec les autochtones, sont bonnes, mais vouloir en emmener de force pour les présenter aux très catholiques roi et reine d'Espagne est, comment dire, mal perçu par la population locale… Qui fait appel à un grand cacique, un roi vraisemblablement, qui dispose de nombreux guerriers bien dotés en armes de fer. Pas sûr que notre Colomb reverra les côtes européennes de sitôt…

Laurent Binet impose le respect par son sens de la narration, en particulier lorsqu'il se glisse dans la peau de Christophe Colomb rédigeant son journal de bord. Toute la narration de Colomb est empreinte de religiosité comme pouvait l'être l'homme de la Renaissance qui ne pouvait que croire en Dieu.

Et les Incas dans tout ça ? Ils arrivent, mais j'ai décidé de n'en souffler mot ! Lisez le livre ! Comment ? … Vous n'aimez pas les uchronies ? … Vous lisez des romans historiques ? Vous aimez les histoires de diplomatie, d'alliances, de complots, de batailles ? Ce livre est fait pour vous !

Ah, encore un mot ! Ou deux !... Voire plus ! Pour le même prix, vous aurez droit dans cet ouvrage à Charles Quint, François Ier, Henri VIII, Luther, le pape Pie V, le pirate Barberousse, Cervantès, Montesquieu… Et en prime, les Aztèques…

Laurent Binet donne à l'uchronie, si besoin était, ses lettres de noblesse.
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Qui n'a pas joué à ce best-seller des jeux stratégique qu'est Civilisations ? Nous nous plaisions à incarner tel conquérant, tel peuple pour asseoir notre puissance sur ce monde virtuel. Nous prenions évidemment les carthaginois pour finir ce qu'Hannibal avait commencé, Alexandre le Grand pour lancer la conquête à l'est et bien sûr nous prenions plaisir à anéantir les espagnols en choisissant une civilisation sud américaine.
Laurent Binet a pris le parti de nous raconter cette Histoire alternative dan son dernier roman.
Quel plaisir de lire l'aventure d'Atahualpa débarquant à Lisbonne quelques jours après le grand tremblement de terre de 1531 ! Rencontrant Charles Quint et son banquier Fugger, jouant la scène du Camp du drap d'or entre François Ier et des aztèques fraîchement débarqués, réécrivant les 95 libelles de Luther…
C'est jouissif au possible !
C'est intelligent, bien écrit, solidement documenté et parfaitement construit. du grand Binet, comme toujours. Bien sûr, on aimerait lire les développements du Saint empire romain germanique et inca, on aimerait voir l'évolution de la nouvelle religion solaire. Comment la France aurait évolué sans les guerres de religion ? L'Italie sans ses républiques ? La monarchie hasbourgeoise sans son empire allemand ?
Le nouveau roman de Binet ouvre des perspectives, laissant le lecteur rêveur et après tout, c'est bien ce que l'on attend de lui !
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Laurent binet mets l, histoire a l, envers pour notre plaisir. et si Christophe Colomb n, était pas revenu d, Amérique et si les incas avaient débarqué au Portugal.quel
visage aurait pris la planète. c'est ce qu' imagine Laurent binet.
tout commence lorsque les Vikings en perdition dirigés par la fille d, Eric le rouge apporte aux habitants des terres nouvelles ( des amérindiens jusqu'au incas ) quelques éléments utiles comme le fer, le cheval, ou encore les anticorps.
on sent la joie qu'il a du ressentir a se glisser dans la peau de personnages issus de civilisation si éloignées. une uchronie
inventive autour d'une mondialisation inversée.
un régal 😋
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