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sur 1217 notes
Mettons d'emblée les choses au point : Voilà l'un des meilleurs romans de l'année. En s'intéressant à une septième fonction – secrète – du langage, Laurent Binet réussit une oeuvre polyphonique qui ne peut que ravir les amateurs de littérature, ceux qui aiment la petite musique des mots et ne dédaignent pas à l'occasion, en apprendre un peu plus sur des domaines qu'ils n'ont pas explorés jusque là.
Comme l'épistémologie ou la sémiologie, termes restés pour moi assez abscons jusqu'à la lecture de ce roman qui tient à la fois de l'enquête policière, d'un traité sur les fonctions du langage, d'une photographie des années 80 au sein du milieu universitaire et intellectuel français, d'une analyse de la victoire de François Mitterrand face à Valery Giscard d'Estaing et d'un magistral plaidoyer pour la littérature !
Car il fallait une bonne dose d'audace pour mettre en scène des personnages qui, pour nombre d'entre eux, continuent leur bonhomme de chemin aujourd'hui, Philippe Sollers ou Bernard Henry-Levy, Laurent Fabius ou Jack Lang, pour n'en citer que quatre, et qui auront peut être différemment apprécié le traitement que leur fait subir Laurent Binet. Mais ce n'est que du roman… Quoique.
C'est ainsi que Wikipédia nous indique que l'auteur de Mythologies est «fauché par la camionnette d'une entreprise de blanchissage alors qu'il se rend au Collège de France, le 25 février 1980 et que Roland Barthes meurt des suites de cet accident le 26 mars suivant à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il est enterré auprès de sa mère, dans le cimetière d'Urt au Pays basque.» Au plus près de la réalité et de la biographie que lui a consacrée Marie Gil (et dont Laurent Binet a rendu compte avec enthousiasme dans les colonnes de Marianne en 2012), nous allons revivre tous ces épisodes, retrouver les témoins et tenter de comprendre l'enchaînement fatal.
Autre trouvaille géniale de l'auteur : le duo de choc qu'il constitue pour mener cette enquête. Jacques Bayard est un enquêteur des RG qui va bien vite être dépassé par les théories intellectuelles. Pour tenter de démêler cet inextricable écheveau, le commissaire va s'adjoindre les services d'un jeune universitaire, titulaire d'un DEA e lettres modernes sur le roman historique et qui prépare une thèse de linguistique sur les actes de langage. Simon Herzog, même s'il n'est pas a proprement parler sémiologue, va accepter d'aider Bayard qui vient d'acheter le Barthes sans peine en librairie.
Ce dernier épisode donne du reste le ton jubilatoire de ce roman. C'est drôle de bout en bout. A partir du moment où Jacques et Simon comprennent à la fois l'importance du document qu'ils recherchent et qu'ils ne sont pas seuls sur cette piste, la quête va devenir de plus en plus ébouriffante. Des bancs de la Sorbonne à ceux de l'université de Bologne puis de Cornell, ils n'auront de cesse de mettre la main sur cette septième fonction, quitte à laisser quelques cadavres sur le côté, à goûter aux joies des backrooms, à succomber aux charmes d'une espionne russe et à éviter les parapluies bulgares… sans oublier les Dupont et Dupond asiatiques, les Brigades rouges et la belle Bianca.
« Quand on a goûté à la langue, on s'ennuie assez vite avec toute autre forme de langage : étudier la signalisation routière ou les codes militaires est à peu près aussi passionnant pour un linguiste que de jouer au tarot ou au rami pour un joueur d'échecs ou de poker. Comme pourrait dire Umberto Eco : pour communiquer, la langue, c'est parfait, on ne peut pas faire mieux. Et cependant, la langue ne dit pas tout. le corps parle, les objets parlent, l'Histoire parle, les destins individuels ou collectifs parlent, la vie et la mort nous parlent sans arrêt de mille façons différentes ».
Et nous, on se régale, on s'amuse, on s'instruit de ces mille façons. «Sublime, forcément sublime» !
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1980 en France, oups, cela commence à remonter pour les quadra comme moi, c'est le fin fonds de l'enfance, les premiers souvenirs sans trop avoir conscience du climat social, historique et politique d'alors. Et bien voilà une jolie piqûre de rappel savamment administrée par Laurent Binet sous forme d'une fiction aussi délirante que jubilatoire.
"La septième fonction du langage" nous entraîne dans le sillage des intellectuels, des politiciens et des agitateurs d'une France en pleine campagne électorale. Point de départ : la mort de Roland Barthes, fauché par une camionnette en février 1980. Simple et tragique accident normalement, mais sous la plume d'un écrivain pas forcément : et si?...
S'ensuivent une intrigue façon polar, avec duo d'enquêteurs improbable (un inspecteur brut de décoffrage et un jeune maître de conférence), une enquête itinérante nous menant aussi bien en Italie qu'aux Etats-Unis, une plongée dans les arcanes du pouvoir, une leçon compréhensible de linguistique (oui c'est possible) mais le plus jubilatoire, c'est la galerie de personnages rencontrés au fil des pages. Etaient-ils aussi dingues et délurés en vrai? Probablement. Outre les deux candidats à la Présidentielle, on croise en vrac Foucault, Sollers, Kristeva, Edern-Hallier, Alhusser, Lacan, Eco... et même les frères Bogdanov même s'ils ne sont pas nommés mais de suite reconnaissables à leur "costume de cosmonaute (sans le casque)".
Bref, pour une fois j'ai adoré un roman français, peut-être parce qu'il ne s'attarde pas sur le nombril d'une même personne (généralement l'auteur) (et pourquoi il est comme ci et pas autrement?) mais sur toute une époque avec son contexte intellectuel et ses troubles, car dans "La septième fonction du langage" y'a quand même plus de vrai que de fiction.
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« La septième fonction du langage » : Laurent Binet (Folio, 475p)
Brillant, hilarant, décapant, prenant, déjanté, je cherche les épithètes suffisamment explicites. Entre pastiche de polar, cours de sémiologie pour les nuls, chronique très réaliste d'une époque pas si ancienne, satire d'un monde intellectuel et politique en forme de charge drolatique et sans complaisance mais avec sa part d'autodérision, voilà comment j'ai envie de caractériser cet objet littéraire non identifié qui échappe à toute case. Car l'auteur sait nous faire éclater de rire tout en nous piégeant au jeu du suspense haletant. Agrégé de lettres et universitaire, qui connait donc bien son petit monde, Binet (hérite-t-on par hasard du patronyme d'un des deux créateurs du plus célèbre test d'intelligence au début du XXème siècle, le fameux Binet-Simon ?), nous tricote avec un sens remarquable du récit une fiction qu'il cale de la manière la plus rigoureuse sur la réalité historique dans laquelle elle est supposée s'inscrire.
Partant de la mort accidentelle de Roland Barthes, écrasé par une camionnette début 1980, il imagine qu'il s'agit en fait d'un assassinat, un complot aux ramifications internationales, destiné à faire main basse sur un document théorique détaillant « la septième fonction du langage », celle qui supposément ouvre de manière radicale les portes de l'art absolu de convaincre. le narrateur-auteur nous guide dans une enquête policière où un commissaire a priori réactionnaire, et qui ne comprend rien à la sémiologie, contraint un jeune universitaire linguiste (de gauche bien sûr) à l'aider à décoder des théories et un monde d'intellectuels qui lui sont totalement étrangers. On va donc, entre l'Université de Vincennes et les USA, entre Bologne et le Quartier Latin, pister la crème de l'intelligentsia des années 80, de Foucault à Derrida, de Umberto Eco à Lacan, de Guattari à Cixous et Kristeva, et même jusqu'à Althusser dans ses basses oeuvres avec sa femme. On découvre sous la plume alerte et corrosive de Binet (mais qui ne se prend jamais trop au sérieux) ce microcosme, ses tics et ses tocs, son langage et ses moeurs… Outre Barthes lui-même, les portraits sont d'un réalisme très accrocheur, très drôle, de Sartre au jeune BHL, et l'on sent que Binet a eu une jubilation toute particulière à s'attarder sur la figure de Philippe Sollers (mais on ne dira pas ici ce que le romancier inflige comme punition métaphorique au dandy à l'égo prétentieux et bouffi).
Mais l'intrigue a également sa dimension politique, on est à la vieille des élections qui vont opposer Giscard et Mitterrand (et cette septième fonction du langage n'est-elle pas la meilleure arme pour clouer le bac de son adversaire ?), et là aussi les caricatures sont saisissantes, y compris celles des seconds couteaux, Poniatowski ou D'Ornano d'un côté, Jack Lang et Fabius de l'autre.
Jamais on ne s'ennuie, entre parapluies bulgares empoisonnés et étudiants des campus américains ou français plus ou moins sous stupéfiants, mystérieux japonais non identifiables et mafioso napolitain, dans une enquête qui flirte entre Sherlock Holmes (qui lui aussi devait être sémioticien !) et les aventures de Tintin. Et même si Binet nous offre ici ou là quelques véritables données vulgarisatrices en sémiologie, nul besoin d'être un intellectuel averti pour en goûter les délices (j'en suis la preuve vivante). Pas non plus besoin d'avoir mon âge, et donc la mémoire vivante des luttes de pouvoir des années 80 et de leurs acteurs pour comprendre les enjeux de la période (et du roman), on peut largement faire confiance à Binet dans les photographies qu'il nous en propose. Il y a tant de niveaux de lecture dans ce récit à la construction parfaitement maîtrisée, les clins d'oeil sont nombreux, chaque lecteur, en fonction de ses préoccupations en décodera quelques-uns, et comme moi en perdra d'autres, mais qu'importe.
Malicieusement, je me suis aussi demandé si Binet n'avait pas eu en amont de la rédaction de ce livre une sorte d'intuition de chercheur autour de cette septième fonction du langage, et qu'au lieu d'y consacrer une thèse de doctorat, il n'avait pas opté pour la solution bien plus joyeuse de la fiction.
Si c'est le cas, qu'il a bien fait, car voilà un superbe roman.
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Un livre hilarant. Ainsi Roland Barthes a été assassiné L'enjeu, cette septième fonction du langage qui donne le pouvoir, l'ascendant par la parole. Toutes les stars de la post-modernité (Po-Mo comme disent les anglo saxons) sont là. C'est remarquablement fait. tellement bien fait que binet s'est attiré les foudres de l'intelligentsia germanopratine. Sollers en particulier l'a blacklisté. Il faut dire que le supplice auquel il le soumet dans son livre est assez spécial.
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C'est potache, onirique, on est entre un canular de « Les nuls », un gag Oulipesque, et la chanson « Dyslexique » de Buzy. C'est une occasion de se promener au milieu du Bottin Mondain (et celui de la French Theory) des 70s/80s comme si on les avait toujours fréquentés.

Bref, déconseillé aux adultes sérieux, mais idéal si vous êtes un grand gamin de 47 à 177 ans.
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C'est un livre formidable, drôle, intelligent, original . Un roman léger, brillant, plein d'érudition avec une fine étude ethno-sociologique.
Le 25 février 1980, Roland Barthes fut renversé par une camionnette à Paris. Il mourut un mois plus tard.
Laurent Binet imagine dans son roman que le fort célèbre sémiologue fut assassiné.
Dans la sphère de l'élite parisienne tout le monde est suspect .
Et de là , nous nous retrouvons face à un thriller rocambolesque , burlesque où différents grands du 20 ème siècle apparaissent.
D'une part l'élite intellectuelle de l'époque Foucault, Kristera, Sollers, Bhl, Althusser, Derrida, Deleuze.....
D'autre part des politiciens, tels que Giscard, Mitterrand, Lang ...
Enfin, les enquêteurs, le commissaire Bayard et Simon Herzog ... mélange de Sherlock Holes et de pro du rubik's cube.
Laurent Binet joue et flirte entre fiction et réalité, livre pastiche d'un roman policier.
La grande question à sa lecture est de savoir si Laurent Binet a cherché à ridiculiser par certains côtés ses grands hommes ou bien au contraire si il a agi de la sorte dans l'optique de nous les faire relire.
Un savant plaisir de lecture ,un roman savoureux , un voyage dans la vie littéraire et intellectuelle parisienne
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Je ne connaissais pas du tout l'auteur de cet ouvrage, a fortiori encore moins l'ouvrage et je ne savais pas à quoi m'attendre en lisant cet ouvrage, outre qu'il était question de linguistique, de langage, etc. Un sujet qui m'intéresse au demeurant et qui, traité par l'auteur de telle manière à faire sourire, mais aussi à en apprendre davantage m'a satisfaite. Aussi, je me suis lancée et je n'ai pas été déçue même si parfois, on peut déplorer quelques longueurs. Inutiles selon moi.

J'ai trouvé plutôt agréable, même si un peu déroutant de découvrir une sorte d'arrière-plan, de seconde vie des sociolinguistiques, des linguistes, chercheurs et autres têtes penseuses. Se frotter sans jeux de mots aux déboires de ces « personnages » nous rappelle aussi que derrière chacun d'entre nous se cache une porte dérobée avec un tas de secrets, d'intimité, etc. Il y a l'image publique si je puis dire, et l'image que les proches connaissent. Toute la complexité de l'être humain !

Sur le fond, l'enquête menée par ce cher Bayard, un brin caricaturale mais tellement « roman français » à la fois, m'a rappelé d'anciens romans, de vieux feuilletons policiers mais a également su me tenir en haleine. Savoir le pourquoi du comment me titillait ! Je voulais en savoir plus sur cette DS et cette Fuego !

Puis, n'oublions pas le titre… La septième fonction du langage. Binet à travers cet ouvrage nous rappelle que le langage n'est pas une vulgaire chose, mais bien un pouvoir, une sorte de magie.

Un livre génial, qui vous hante même une fois fermée. En effet, la qualité de l'écriture de Binet fait que l'histoire et sa littérature vous happent.
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Février 1980, Roland Barthes meurt, écrasé par une voiture à Paris.
L'écrivain Laurent Binet imagine que ce n'est pas un accident mais un meurtre, que quelqu'un en voulait à Barthes et surtout à un fameux document non encore publié qui traiterait de la 7ème fonction du langage.
L'idée de départ est très bonne. Il s'agit d'une sorte d'enquête policière menée par un commissaire pas du tout intello qui s'appelle Bayard.
Il va rencontrer les intellectuels en vogue à l'époque : Foucault, Eco, Deleuze, Sollers, BHL et comme ce document de Barthes intéresse aussi les hommes politiques, il croisera aussi Giscard, Attali, Rocard, Lang, Mitterrand.
Le début était prometteur mais rapidement, je me suis sentie noyée sous les détails, les descriptions, les considérations philosophiques et intellectuelles. Je pense que ce roman plaira davantage aux universitaires, néanmoins, c'est drôle, enlevé et original, c'est juste que c'est trop long !
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Un roman très ambitieux que cette "septième fonction du langage".
Roland Barthes est assassiné et un manuscrit secret donnant le pouvoir absolu a été dérobé. Ce pouvoir est fondé sur le langage et la police est contacté par le plus haut sommet de l'état pour mettre la main sur les malfaiteurs.
S'en suivent une série de meurtres , avec des méchants bulgares , des samaritains japonais et des victimes maghrébines . Des sémiologues déjantés, des caricatures de personnages existants (Sollers, BHL, Foucault...), un club des jouteurs verbaux , pariant leur doigt (voire plus pour Sollers !!!) pour se rapprocher du plus haut sommet de la pyramide, des politiciens prêts à tout pour mettre la main sur la septieme fonction du langage.
C'est très ambitieux, parfois drôle, mais pour moi, très confus, avec des intrigues internes à l'histoire sans dénouement, des longeurs...Peut être suis je tout simplement passé à coté.
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Ah qu'il est difficile de noter et critiquer ce roman ! Presque aussi difficile qu'il m'a été de le finir ! Car, si je me suis délectée du premier tiers, au bout d'un moment je me suis lassée des bacchanales, des dérives, des considérations intellos divagantes...
Brillant, ce roman prend pour point de départ l'assassinat de Roland Barthes. Bayard le flic se fait assister de Simon le professeur pour mener à bien l'enquête. Avec brio, Laurent Binet étale une connaissance archi-poussée de la linguistique, de ses théoriciens, mais aussi de tout ce qui faisait le gratin intellectuel de la France du début des années 80. Truffé de références, ce roman a dû demander un boulot de fou !
Véritable claque intellectuelle, il n'en demeure pas moins, à mon goût, trop touffu, long et a tendance à partir dans tous les sens. Ancienne étudiante en linguistique, j'ai aimé croiser de vieux noms et théories bien connus (structuralisme, Kristeva, perlocutoire...) mais au bout su compte tout ceci est un peu trop farfelu et demande une attention de chaque instant pour tout comprendre. La fin sauve le livre, elle est bien trouvée, même si on la sent un peu venir.
Bref, je reconnais le brio de ce travail, mais n'ai pas vraiment trouvé Saussure à mon pied...
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