Adieu mes frères !
Le 9 juin 2014, Alex annonce, par courriel, à sa famille qu'il part en Syrie rejoindre les jihadistes. Son père est banquier à la Chase, son grand-père était pompiste et roulait en Cadillac. Mais, «
Après la chute des tours, les gamins m'appelaient Oussama et me disaient de retourner dans mon désert ». Alex devient Abu Sorour, le « père de l'allégresse ».
Ali, le papi,entre en contact avec son petit fils, par courriel, pour lui raconter sa destinée, depuis sa naissance en Egypte, 85 ans plus tôt, sous le règne du Roi Farouk (1936-1952) et la colonisation britannique (1882-1954). Sa jeunesse est marquée par le tournage du film « Les dix commandements » en 1955 auquel il contribue en étant le chauffeur de Cecil B.
DeMille, un job durant lequel il renverse, mortellement, un cheikh religieux, avant de fuir.
Mais les « frères musulmans » l'ont identifié, en font leur marionnette, et le manipulent lors de projets d'attentats contre Nasser. Arrêté par les services de sécurité, incarcéré, torturé par un médecin (ancien officier nazi exfiltré en 1945), Ali devient borgne et est condamné à une longue réclusion aux cotés de militants communistes, intégristes islamistes et intellectuels juifs.
Amnistié le 8 juin 1971,
après la mort de Nasser, Ali épouse une franco-égyptienne admirable, se réfugie en France puis émigre aux USA pour rejoindre le paradis hollywoodien qui a bercé son adolescence.
Au fil des courriels, Abou Sorour avoue à Ali des bribes de sa vie clandestine : ses talents d'informaticien l'ont promu responsable agit-prop de son groupe terroriste, il développe un jeu d'Arcade (excellent outil de recrutement) et diffuse sur les réseaux sociaux des vidéos de propagande et des prêches terroristes. En récompense, ses chefs lui offrent une épouse (adolescente azérie de 14 ans kidnappée lors d'un raid). Pour valider son admission, le « père de l'allégresse » réussit avec succès la torture puis l'exécution d'un juif.
Ali parviendra-t-il à ramener à la raison, ou à la maison, son petit fils ? That is the question …
Lu dans le cadre d'une opération Masse Critique, dont je remercie Babelio et Harper Collins, ce livre est intéressant et traduit subtilement les humours américains et anglais, mais, contrairement à
Stephen King, je doute qu'il me « rappelle pourquoi je suis tombé amoureux de la littérature » car l'intrigue souffre de longueurs qui ralentissent le tournage du film et donc le fil narratif durant les 20 premiers chapitres, puis torture le lecteur avec une description complaisante des supplices endurés dans les prisons égyptiennes et un indéniable sadisme dans le meurtre de « l'espion juif » et les tortures jihadistes qui achèvent les 10 derniers chapitres.
Enfin et surtout, le roman appose deux soliloques : celui d'Ali et celui de Abou Sorour. Deux monologues ne font pas un dialogue dont l'art n'est pas de parler, mais d'écouter, et, à aucun moment Ali n'écoute son petit fils, alors que celui ci, remué par ce qu'il vit et voit, entend puis écoute la confession de son papi. Cette absence de communication se retrouve dans la relation d'Alex avec ses parents et sa fratrie … l'ado préférant son poisson rouge à ses soeurs … Une enfance sans père, est une enfance sans repère ; une enfance sans grand-père est un enfance sans racines.
En conclusion, la chute de Farouk, l'indépendance égyptienne (
après 2000 ans de soumission) et la conquête du pouvoir par Nasser m'ont passionné davantage que le long tournage du péplum biblique.
Peter Blauner survole trop superficiellement les raisons qui poussent Alex à devenir Abu Sorour, et c'est d'autant plus préjudiciable que la radicalisation menace la civilisation comme le rappellent les massacres commis par le Hamas le 7 octobre.
PS : A mon modeste avis, "Je voudrais exister" analyse plus finement la radicalisation :
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