C'est un peu argotique ce qui a son charme , ce n'est pas de bon ton , chacun le sien , ce n'est pas trop moral , mais comme disait Ferré : ce qu'il y a de gênant dans la morale , c'est que c'est toujours la morale des autres . Allez faire un tour dans cet hosto , mais n'y séjournez pas trop longtemps , c'est contagieux .
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Un des meilleurs livre de Boudard.On y retrouve son humanité, sa tendresse pour les faibles.Pour les peaux de vache il est implaquable.
Il met à jour toutes les bassesses, les petites saloperies du quotidien.
L'homme le fascine, mais il ne se fait guère d'illusions sur le genre humain.
Quand vous sera familier son language, vous aurez une révélation : Un grand écrivain !
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Tout est bon dans l'Boudard. Mais, là, c'est carrément grandiose. Une galerie de personnages dignes de Jérôme Bosch, des trognes anémiques mais rougies par le picrate et l'alcool où trempent les thermomètres engloutis en loucedé la nuit quand passe la camarde avec son cortège d'hémoptysies foudroyantes et quand on se partage, entre potes de désespoir les misérables biens des potes défunctés. Et il va s'en sortir, l'Alphonse, pour pouvoir nous raconter la suite, avec une force de vie intacte. Merci la Strepto de nous avoir gardé cet immense écrivain.
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Chaque jour je lichaillais un peu plus sans bien m’en rendre compte… Pas recommandé sous antibiotiques mais, après tout, j’avais peut-être besoin de rompre ma solitude cette saison-là, de me requinquer un peu à la chaleur de mes compagnons d’infortune. J’ai subi, j’ai succombé à toutes les tentations possibles, ça m’oblige à jamais juger tranchant. Sur cet alcoolisme en sanatorium, on peut dire bien des choses, de très vraies, très pertinentes… que c’est une plaie, le désastre des désastres, mais par moments, certaines périodes où tout est au noir, qu’on marine dans la chtourbe poisseuse, l’ambiance aidant, on ne peut que se réconforter au jinjin.
L’hosto, quand on y a séjourné longtemps et qu’on a failli y clamser, on y reste toujours un peu. Il vous fascine, vous obsède… on se dit qu’on y reviendra un jour ou l’autre. Il est l’image de notre mort… J’en ai tant vu des mecs dévisser là-dedans… jeunes, vieux, ivrognes ou sobres, j’arrive plus à oublier. Je voudrais, je m’efforce, et puis ça m’alpague au tournant d’une rue. J’aperçois le portail, une grille… ça me file les jetons. Comme la taule, tous les lieux de vacherie… J’ai un itinéraire parisien comme ça, d’hôpitaux, de commissariats, de hauts murs.
Quand on fourre sa curiosité dans ce morceau d’Histoire, on s’enfonce… le marécage… on a du mal à y retrouver le blanc du noir, les bons des méchants. Ça vous mitigé les certitudes. On s’aperçoit que tout est possible et, ce lascar-là sous l’oxygène… je me dis, pourquoi pas, c’est peut-être un innocent, un fourvoyé, une victime minus de belles affiches en couleurs.
Ça me gênait un peu qu’il soit si repentant. Moi aussi, au fond, je regrettais presque de m’être enrôlé derrière l’oriflamme du général, ça me paraissait fou d’avoir risqué le grand cimetière sous la lune pour. Si je me suis dégagé définitif des options politiques et patriotiques ! Au bout du compte il faut pouvoir accepter de mourir et de tuer les autres, on a beau tortiller de la dialectique, on en arrive là fatal… même avec des idées bien généreuses au départ, ça se termine toujours avec des poteaux d’exécution, des barbelés, des tortures…
En cabane, on peut se dire que si les matons sont rébarbatifs adjudantesques, viceloques à vous surprendre en défaut, qu’on expie comme ça nos forfaits, que ça fait partie du châtiment, qu’on avait qu’à ne pas y aller… mais à l’hosto, ça s’explique plus du tout, c’est l’injustice féroce absolue. On a juste le tort d’être pauvre et d’être malade. On subit, bien forcé… souvent on nous la profère la raison « Si vous n’êtes pas content… n’avez qu’à aller en clinique… ! »
21 novembre 2009 :
Mot de l'éditeur :
« Je regrette de ne pas lavoir butée pendant quil en était encore temps. Nul besoin de réfléchir ni délaborer le crime parfait. Plus cest gros mieux ça passe.
Elle faisait le ménage monsieur le commissaire. Elle a dû glisser sur le carrelage quelle venait dastiquer. On pouvait lui reprocher bien des choses, mais une vraie petite fée du logis, une maîtresse-femme. Quest-ce qui sest passé? on ne le saura jamais. Mauvais contrôle du pied dappui, fort justement monsieur le commissaire, le coup du lapin. La faute à pas de chance, encore une fois.
Jaurai dû lui mettre un grand coup derrière sa gueule alors que tout le monde ignorait encore notre différent. Les Boulard ? Un exemple pour tous les couples modernes. Jamais un mot plus haut que lautre, aimables avec les voisins, bonjour et bonsoir. Jaurai utilisé le cendrier en granit de Bénodet. Jaurai pris mon élan, de toutes mes forces et de toute ma rage, pour la frapper à larrière de son crâne vide. Plus tard, bien plus tard, jaurai appelé le SAMU. Oui, ça a dû se passer il ny a pas bien longtemps docteur. Mais jétais en train de bricoler dans le garage, je nai rien entendu parce je perçais des trous dans de la tôle. Cest que je construis un cabanon pour abriter les outils de jardin. Ce nest pas que jai beaucoup de terrain, mais ça me détend de pratiquer lart potager. Et puis, cest pas les légumes quon trouve dans le commerce. Des saveurs et des parfums incomparables. Ah oui, ma femme. Quand jai constaté, il devait déjà être trop tard. Enfin, je ne suis pas médecin. Je ne peux pas juger, mais elle était très pâle. Quest-ce que vous en pensez docteur?
Lélectrocution à la machine à laver, cest pas mal non plus. Combien de femmes disparaissent chaque année alors quelles accomplissaient leurs tâches domestiques? Elle avait grand soif, mais elle avait la manie de stocker les produits pour déboucher les cabinets dans des bouteilles deau minérale. Elle faisait les vitres au troisième étage un jour de grand vent. Elle préférait le bain à la douche, pourtant elle sétait toujours refusée à apprendre à nager. Elle avait la manie de garder près delle une bougie pour la sieste.
Ca fait trois lignes, dans les journaux, à la page des faits divers. Personne ne sen émeut. Sinon les proches, évidemment, car le plus dur cest toujours pour ceux qui restent.
elle est tombée à la renverse, sa tête a porté contre le rond des chiottes. Une belle mort, elle ne sest pas vue partir. Exactement, comme vous dites »
Lorsquil écrit, lorsquil se laisse porter par le jaillissement des mots, Serge le Vaillant ne manque pas de soumettre ses textes à lépreuve du « gueuloir » de Flaubert, de les lire à haute voix pour mieux les fignoler. Ancien capitaine au long cours, grand homme de radio, grand chef dorchestre des nuits de France Inter, cet orpailleur de la langue française, quelle soit verte ou noire, est un magicien. Il na pas seulement le talent de conteur dun Gérard Sire ou dun Jean-Pierre Chabrol. le culte des mots ciselés, des mots torchés, la faconde dune prose féconde, le sens de lorgie verbale.
Ses textes ont le verbe acide et tendre, le verbe au goût de pomme dApi, celui qui baptise et qui tue, qui bénit et qui excommunie, qui conjure et qui absout, qui enfante et qui explose, qui hurle et qui chuchote, qui pleure et qui pavoise. Serge Levaillant appartient à la lignée des Rabelais, des Villon, des Rostand, et plus près de nous des Céline, Léon Bloy, Auguste le Breton , Albert Simonin, Francis Blanche, Alphonse Boudard, Michel Audiard, et autres Frédéric Dard. Il est un magicien, un orpailleur de la langue, quelle soit verte ou noire, ciselée ou torchée : avec lui les mots croustillent. Ils mordent, ils aboient, ils cajolent. Ils sont tour à tour tendres et cruels, nourris de vinaigre et de miel, de gifles et de caresses. Ils décapent. Ils émeuvent. Ils déchaînent des crises de rires et de jubilation. Ils touchent à la fois nos coeurs et nos zygomatiques.
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