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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Chose promise chose due, je reviens vers Bounine dont la plume m'avait enchantée dans Les allées sombres.
Surprise : ce premier roman est d'un tout autre ton, et d'une écriture si différente qu'à l'aveugle je n'aurais jamais su deviner qu'il s'agissait du même auteur.
Sans doute est-ce le sujet qui s'y prête et qui façonne cette plume grasse, terrienne et d'une sombre poésie. "Le village" est d'ailleurs conçu par l'auteur comme un poème et non un roman, une ode grinçante et désabusée à l'âme du paysan russe, présentée ici sous son aspect le plus noir et le moins reluisant : sales, stupides, cruels, velléitaires, ivrognes, bornés, rien ne peut racheter ni faire s'élever ces personnages qui défilent en une succession de tableaux crus, englués par une nature qui écrase et condamne.
C'est un soulagement de sortir de cette lecture dans laquelle il faut accepter de plonger comme dans une vase nauséabonde, et d'y stagner à chaque page car l'eau n'y coule pas, la révolution qui vient (nous sommes en 1905) ne fera que charrier plus de boue et exhaler plus de laideur.
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A sa publication, le Village créa un tollé en Russie. Bounine le nomme "poème" plutôt que roman, peut-être parce que l'intrigue est lâche, à peine existante, que c'est tout un paysage qui se dessine comme un tableau de Brueghel, qu'on fouillerait du regard plutôt qu'on le lirait.

Sur fond de révolution russe (1905), deux frères que leurs ambitions avaient séparés se retrouvent à la quarantaine. L'un Tikhon, s'est enrichi par des moyens pas très honorables et en vient à une période de sa vie où sa conscience lui demande de se racheter. Quant à Kosma, longtemps parti vivre en ville, il se dit anarchiste mais passe son temps à boire et à traîner au village où il est revenu.
L'un par ses fréquentations, sa méchanceté et son égoïsme - à l'image, dit-il, du peuple russe lui-même, qu'il critique vertement - et l'autre par ses observations qu'il consigne dans un carnet jour après jour, désespéré, honteux, permettent à Bounine de dépeindre un monde paysan rustre, violent, buveur, menteur, bestial même sous le joug de la misère et de l'ignorance.
Peu de portraits sortent à leur avantage, et peu d'espoir apparaît.
C'est un poème noir malgré la neige, mais une neige d'une pâleur mortifère, un froid de glace, une steppe morne et boueuse.

Vous vous en douterez, malgré sa taille, la lecture a été éprouvante, mais les descriptions n'ayant rien à envier à celles de Zola, j'y ai aussi pris beaucoup de plaisir. le Village a bien sûr été perçu comme une provocation pour la Russie moderne de la fin du XIXème siècle, qui venait d'abolir le servage et était en pleine industrialisation. Loin de Moscou, loin des yeux.

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Le paysan russe sous la plume de Bounine n'a rien de doux, ni de pacifique ou de naturellement bon.
Dans "Le village", ce sont des portraits de moujiks taillés à la faux, des paysans du début du vingtième siècle, rustres, paresseux et cruels…des portraits sans concessions. L'auteur dépeint dans ce roman, à travers le regard de deux frères, Tikhon et Kouzma Ilitch, l'un commerçant l'autre citadin, la banalité de la misère qui frappe Dournovska, village noir "de squelettes d'isbas au milieu de seigles grêles, sans épis où règne une odeur de crasse et de fumier".

Ce sont des portraits qui exonèrent d'intrigue tant le désoeuvrement y est prégnant. Les paysans se débattent dans la fange pour de l'eau-de-vie et un peu de tabac dans un pays où "pendant huit mois de l'année souffle le chasse-neige, et pendant quatre tombe la pluie". Lorsque ce n'est pas la rigueur de l'hiver qui plonge le village dans la torpeur, l'ennui et la maladie c'est l'incurie qui frappe la campagne. Peu âpres au travail, les moujiks déambulent de ferme en ferme pour un travail qu'ils quittent lorsque la lassitude les gagne.
Il y a un morne désespoir qui embaume l'âme de ces paysans qui, sous la plume d'Ivan Bounine, revêt tous les attraits d'une douce mélancolie...et une mélancolie magnifiée par un sens de l'observation particulièrement affûté. Alliée à un souci du détail qui envahit tout le récit, cette langueur s'avère propice à une certaine contemplation.
Même l'écho lointain des émeutes qui appellent la révolution de 1905 ne trouble guère le désespoir monotone de Dournovska. Si les va-nu-pieds s'agitent, s'invectivent et menacent de faire grève, la flamme de la colère s'éteint très vite. Ils s'animent davantage pour les "baragouins" et autres cancans du coin car ici "chacun est l'ennemi d'autrui, lui porte envie, le calomnie".
Toutefois, malgré la saleté et l'ivrognerie décrites sans fausse pudeur, l'auteur ne tait pas la rumeur de la ville qui annonce quelques grandes espérances.
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Le village d'Ivan Bounine
Le père Krassov mourut à Dornovo après avoir vécu de divers trafics, il laissa derrière lui deux enfants Kouzma et Tikhon qui voyagèrent en trafiquant également puis se séparèrent, l'un travailla avec un marchand de bétail, l'autre loua une auberge, ouvrit un cabaret et une boutique. de manigances en manipulations Tikhon hérita du Petit domaine de Dornovo, son seul problème était l'absence d'enfants, Nastasia Petrovna sa femme ne les gardait pas. Pas loin de ce village il y avait Rovnoïe où vivaient des paysans libres, tous les paysans étant désormais libres depuis l'abolition du servage par Alexandre 2 en 1861. Tikhon s'était fâché avec son frère mais ayant besoin de quelqu'un pour gérer son affaire alors il se réconcilie avec lui. Après avoir descendu moulâtes eaux de vie et s'être accordé sur le fait que le moujik est sale, méchant, stupide, illettré et plus encore, ils travaillent donc ensemble. Il faut s'occuper des chevaux, des moutons, des vaches, des bouvillons et des brebis sans compter les saisonniers à embaucher. Fatigué de voir sa femme qui »ne sert à rien »Tikhon l'envoie chez sa mère. C'est l'automne on patauge dans la boue, il fait froid, il pleut, il tourne en rond, il s'ennuie, et il angoisse. Quant à Kouzma son frère…
C'est à une plongée dans la vie quotidienne des moujiks que nous entraîne Bouïda, une immersion dans un océan de médiocrité, de bêtises et de méchancetés, 100 millions d'illettrés.
Florilège dans les chansons populaires:
La marâtre « méchante et cupide »
Le beau-père « féroce et querelleur »
Les belles soeurs « hargneuses et chicaneuses »
Les beaux frères « railleurs et malintentionnés »
Le mari »sot ou ivrogne »

Le village est le livre qui a fait connaître Bounine.
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Affreux, sales et méchants; voilà en quelque sorte comment Bounine présente ces villageois de Dournovka, en complète contradiction avec la littérature russe, qui, depuis Tourgueniev, idéalisait le bon moujik. Ce roman, sous-titré, poème par l'auteur, avec ses cours chapitres peut évoquer un grand recueil de poèmes en prose; il s'en dégage un sentiment diffus d'abandon, de fatalisme et d'ennui. Certains passages sont bouleversants et dérangeants.
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"L'ouvrage le plus puissant de la littérature russe du XXème siècle." André Gide
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Ce roman est le premier de l'auteur. Et il est d'un intérêt tout au moins littéraire quant à sa forme et son contenu. Écrit en 1909, il n'est pas encore l'un de ces romans aboutis dont la littérature russe a fait oeuvre. Cependant, il est bien plus qu'une esquisse, il est même un véritable exercice de style.

Les frères Krassov, Tikhon et Kouzma, ont grandi ensemble, puis se sont brouillés, ont tracé leur chemin, chacun de son côté. À 50 ans, Tikhon, sans enfants (sa femme Nastasia Pétrovna a plusieurs fois accouché d'enfants morts), tient une auberge, tandis que Kouzma, se revendiquant anarchiste, vient de faire publier un recueil de poésie. Tikhon l'embauche comme administrateur et parallèlement tombe amoureux d'une jeune femme dont le mari est subitement mort. D'ailleurs, l'a-t-elle ou non empoisonné ? Tikhon entretient des relations explosives avec ses moujiks, Kouzma en est témoin, triste et impuissant.

« le village » n'est pas fait d'un bloc, il est une analyse dans son jus des moeurs de la Russie rurale et profonde du début du XXe siècle. Mais il est loin de l'enjoliver ! Bien au contraire, il tire à boulets rouges sur ces mentalités considérées comme dépassées. Les dialogues sont en langue populaire, forts de nombreuses apostrophes pour couper les mots, comme s'ils étaient mâchés et recrachés par ceux qui les prononcent. On peut y voir l'influence de Nikolaï LESKOV, romancier russe à l'atmosphère rurale marquée, mais sous l'emprise d'une poésie envoûtante : « La pluie se calmait, le soir tombait : devant la télègue, sur un pacage vert, un troupeau galopait vers les isbas. Une noire brebis aux jambes fluettes s'était écartée, et une femme la poursuivait, se couvrant de sa jupe mouillée, pieds nus, montrant de blancs mollets lustrés. À l'ouest, au-delà du bourg, le ciel s'éclaircissait ; à l'orient, sur le fond poudreux et moiré d'une nuée, au-dessus des blés, deux arcs décrivaient leur courbe, verts et violets. Une senteur dense et moite venait des herbes champêtres, une odeur tiède – des habitations ».

BOUNINE (1870-1953) ne rangeait d'ailleurs pas cette oeuvre dans la catégorie ‘Roman‘, il y voyait plutôt comme une longue poésie en prose. Et c'est vrai que la langue narrative est riche, dense, précise, musicale, exactement à l'opposé des dialogues. BOUNINE décrit par exemple avec force détails une foire aux bestiaux ainsi que les échanges verbaux des protagonistes, les deux styles tranchent, se font face. L'auteur semble n'avoir aucune empathie pour ces villageois qu'il décrit parfois de manière abrupte, proche de la caricature, alors que ses deux personnages principaux, les frères Krassov, sont emplis de mélancolie, regardant avec nostalgie leur lointain passé.

Les repères concernant la date approximative de l'action sont rares mais assez nets : préparation de la guerre entre la Russie et le Japon (débutée en 1904), prémices puis fin de la révolution de 1905, dissolution de la Douma (en 1907). Ce qu'a voulu faire BOUNINE ici est sans doute de tester son style. En effet, l'intrigue est légère, presque inexistante. En revanche les longues phrases magnifiques par leur enrobé sont nombreuses, leur musicalité est bien présente, même si la traduction de Maurice PARIJANINE (de 1922), par ailleurs fort bien exécutée, ne reflète sans doute pas toute l'ardeur de ce travail. L'action ouvre pas mal de portes quant à une piste de scénario, mais les referme aussitôt : beaucoup de questions sont soulevées, aucune réponse n'est proposée, le roman reste constamment en suspens, ce qui peut en gêner en partie la lecture.

Les villageois de BOUNINE sont cruels, racistes, ils s'organisent pour faire expulser des exploitations les travailleurs non natifs de la région pour les faire remplacer par des locaux. Dans ces coins reculés, on tombe malade, on ne peut pas se soigner. Les chapitres sont brefs, mais le tout souffre parfois d'une certaine longueur pour montrer peut-être un peu impudiquement une population rurale à l'agonie, comme le régime d'alors (qui tombera huit ans plus tard, c'est-à-dire presque le lendemain).

BOUNINE amorce la révolution manquée de 1905, ne s'y attarde pas, fait miroiter des horizons sur la pensée socialiste révolutionnaire, les referme aussitôt, ce n'est pas le but de ce roman. Il esquisse, s'en contente, se focalise sur son style, les impressions, dépeint la société villageoise à la façon d'un impressionniste, presque sans héros, à part ces deux frangins qui ne crèvent pas non plus « l'écran » de leur présence. BOUNINE cherche visiblement à se rassurer, à se montrer qu'il est capable de fournir une oeuvre littéraire pouvant se faire remarquer. Il semble déjà en partie affranchi de l'influence théâtrale et burlesque de GOGOL même si elle se fait encore sentir avec force par moments, débarrassé également en partie des formes presque naturellement imposées pour la littérature russe par DOSTOÏEVSKI ou TOLSTOÏ. Il a trouvé un style même si le fond est encore un peu brouillon.

Si vous ne connaissez pas la littérature russe, il n'est peut-être pas du tout judicieux de la découvrir par l'entremise de ce titre, qui ne la repréente pas particulièrement. Même réflexion si vous ne connaissez pas BOUNINE, ce n'est pas son oeuvre la plus significative. BOUNINE fut le premier écrivain russe à recevoir le Prix Nobel de littérature, c'était en 1933, il était alors exilé en France, il ne rejoindra jamais sa Russie.

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