Je ne suis pas marseillaise d'origine mais d'adoption, depuis bientôt trente ans. Même si Marseille n'est pas mise à l'honneur dans mon roman Lumière, je suis fière de vivre ici. Généreuse, simple, parfois théâtrale, souvent solidaire et insolemment ENSOLEILLEE, la cité phocéenne offre également aux amateurs de poésie, une langue savoureuse, truculente et de caractère. " Pour se comprendre, outre toutes les langues phoniques et gestuelles de la planète, que parle-t-on "en plus ici" : le MARSEILLAIS.
Le parler marseillais, c'est un langage savoureux, chaud au coeur, fort à l'esprit, il ressemble à ces alcools parfumés aux fleurs de garrigues avec un goût dominant certes, mais aussi de nombreuses harmoniques : "Parler, chanter et vivre" sont, dans cette ville, indissociables." (
Robert Bouvier, le Parler marseillais)
La langue marseillaise, ce merveilleux régionalisme qui sent la navette à la fleur d'oranger et le pastis 51, possède cet étrange pouvoir d'ôter toute tension et toute dimension dramatique au récit. le parler Marseillais de
Robert Bouvier est une perle de drôlerie. Voici en guise de déclaration d'amour à cette langue sans pareille et en hommage à ce livre formidable une petite démonstration de son super pouvoir...
"Trois heures dix-huit. Je dormais depuis moins de deux heures lorsque José est venu tambouriner à la porte de la cabine.
— Léo, avarie sur le ROV, bouge !
Je m'arrache du lit, d'un geste las, passe mes doigts dans les cheveux, pioche machinalement une cigarette dans ma chemise pour la pincer à la commissure des lèvres. Gestes automatisés pour me convaincre de ma veille. La mission que je supervise doit durer encore cinq jours en haute mer si je parviens à accorder ce satané robot. Sur les quatre jours déjà passés en mer, je n'ai pas cumulé quinze heures de sommeil et je me sens fourbu comme un Trait du Nord dans un bassin minier, épuisé jusqu'à la corde. Même plus le temps de me laver. Seuls la tension du travail et le café me tiennent encore debout. Les coursives défilent sous les lumières crues jusqu'à la salle de travail.
— Je t'écoute José. Fais-moi un point précis de la situation.
José est mon allié le plus précieux dans toutes les missions de crise. Il porte les stigmates de centaines de nuits paralytiques semblables à celle-ci, à encaisser les insomnies induites par les dysfonctionnements d'un animal technologique perdu dans les fosses de l'océan, aliéné depuis tant d'années par les caprices diurnes et nocturnes du ROV que ses rythmes physiologiques sont maintenant strictement subordonnés à la santé mécanique du robot dont il a la charge. José et moi nous connaissons par coeur sur le plan professionnel. Nous formons, pour avoir écumé ensemble toutes les mers, une entité hybride à deux têtes. Il me fixe de son regard nerveux." extrait de mon roman Lumière
Et voici le texte passé au tamis de la langue marseillaise...
C'était l'heure des brousses. Je faisais un petit nono quand José est venu se tanquer devant la porte de la cabine et s'est esclaffé :
— Léo, on est dans la mouscaille, tout va de biscanti avé le ROV, bouge!
Je me dresse, j'ai les yeux bordés d'anchois, la tête qui fait vire-vire... Hé bé, je suis dans un brave état, je suis cané, il faut dire que je n'ai pas beaucoup dormi depuis qu'on est en mer. C'est une mission de calu... Ici, on ne peut pas faire les dormiasses.
— Zou, je t'écoute José. Mais pas de tchatche inutile.
José est mon allié le plus précieux quand on est dans la panade. Peuchère, José n'est pas un stassi, il se lève toujours le maffre, il est aussi testard que le robot. Et à force de toujours se lever l'âme, il est tout estransiné...
Un livre qui donne l'envie furieuse de se replonger dans l'oeuvre de
Pagnol