La Planète fleur –
John Boyd – (The Pollinators of Eden, 1971)
Une expédition stellaire a découvert, en 2237, une planète (aussitôt baptisée Fleur, ou Flore) uniquement occupée, du moins le semble-t-il, par le règne végétal, et tout particulièrement par des tulipes et des orchidées de structure complexe. Tandis qu'une mission scientifique, commandée par Paul Theaston, reste sur Flore dans une station d'études expérimentale, le département des Plantes Exotiques du Ministère de l'Agriculture U.S. étudie le mode de reproduction et la croissance d'un lot de plants de tulipes floriennes. Fréda Caron, jeune cytologiste, fiancée à Paul Theaston, est chargée de ce travail, assistée par un étudiant, Hal Polino.
La majeure partie du roman se déroule au sein de la microsociété du département des Plantes Exotiques, situé en Californie. Une longue introduction traitant de botanique nous amène de façon subtile vers le point central du roman : les plantes de Flore sont douées d'intelligence, elles réussissent à utiliser à leur gré des pollinisateurs terrestres (des guêpes), elles peuvent communiquer entre elles à l'aide d'un langage vibratoire et enfin, elles peuvent tuer en émettant des ultrasons.
Tout ce mystère scientifique est concomitant à la description maniaque du milieu clos où évolue Fréda.
John Boyd adepte du piment sexuel, nous concocte un épisode où Fréda, vierge, est en proie aux avances de son assistant. Celui-ci succombera sans avoir pu mener à bien ses approches en vue d'une fertilisation dépassant le cadre de ses études.
À ce moment du récit, tout est en place pour une explosion qui participe de plusieurs mèches allumées à la fois. Cette combustion, plutôt longue à venir, était parfaitement calculée. Lorsque Fréda peut enfin débarquer sur Flore après bien des tracas administratifs, elle est mûre pour recevoir une révélation sexuelle longuement attendue. Elle apprend par la bouche de Paul le secret de la pollinisation des fleurs floriennes : le porteur de pollen de Flore est un petit animal végétarien qui, après une longue guerre écologique avec les plantes, a fini par adopter vis-à-vis d'elles un comportement presque symbiotique. Et ce que peut faire un pécari florien, un humain peut aussi le faire – gage d'un enrichissement génétique qui profitera sans doute autant aux orchidées sensitives qu'aux humains, mais surtout ouverture sur un mode de vie libéré de tous les tabous.
Et voici que Fréda fait l'amour avec une fleur (avec tout ce que physiologiquement cela suppose, car le pistil des orchidées est pourvu d'un stigmate tout à fait approprié à un usage intime), acte qui est à la fois un aboutissement et une promesse puisqu'il boucle une révolution morale et annonce une révolution écologique. Dans cette séquence, Boyd écrit sa plus belle page, la plus chaleureuse en tout cas, et s'il ne termine pas tout à fait son ouvrage sur cette union d'autant plus surprenante qu'elle ne choque pas, c'est qu'il veut ajouter quelques ombres au tableau : la Terre, puritaine, n'est pas prête à laisser ses enfants s'envoler pour filer le parfait amour avec des fleurs, d'autant plus que l'attrait de Flore provoque une épidémie de désertions dans la Marine Spatiale.
Fréda et Paul, reniant la civilisation, pourront aller courir nus au soleil de Flore parmi leurs amants et amantes végétaux, mais il n'est pas dit que le destin stellaire de la planète reste inscrit en rose sur la carte du ciel colonisé... CB
Extrait d'un article paru dans Gandahar 5 Intelligence végétaleen décembre 2015
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