Je n'ai pas lu
Contes Inoxydables de Stanisław Lem, mais bien Bajki Robotów, c'est-à-dire la version originale publiée en 1964, en polonais.
Elle comporte 15 histoires qui ne sont pas exactement celles que l'on retrouve dans l'édition française qui n'en comporte que 11.
Dans l'ordre dans l'édition polonaise, nous avons :
Trzej elektrycerze (les trois électribuns)
Uranowe uszy (Les oreilles d'uranium)
Jak Erg Samowzbudnik bladawca pokonał (Comment Erg l'automorphe terrassa le blêmard)
Skarby Króla Biskalara
Dwa potwory (Deux monstres)
Biała śmierć
Jak Mikromił i Gigacyan ucieczkę mgławic wszczęli (Comment Microphile et Gigatien suscitèrent la fuite des nébuleuses)
Bajka o maszynie cyfrowej, co ze smokiem walczyła
Doradcy króla Hydropsa (Les conseillers du roi Hydrogue)
Przyjaciel Automateusza (L'ami d'Automathieu)
Król Globares i mędrcy (Le roi Globares et les sages)
Bajka o królu Murdasie (Conte du roi Trognace)
Jak ocalał świat
Maszyna Trurla
Wielkie lanie.
Les trois dernières histoires non traduites dans l'édition française annoncent
La Cybériade du même auteur.
Les titres traduits sont dans l'édition française, où est encore publiée le prince Ferrice et la princesse Cristalie (O królewiczu Ferrycym i królewnie Krystali : z dzieła Cyfrotykon).
Ceci dit, je n'ai donc pas lu tout à fait le même livre et c'est tant mieux, car rien ne vaut la version originale. Ca n'enlève pas moins le mérite aux traducteurs et traductrices car j'estime que traduire un texte, même un livre entier est un sacré défi en tant que tel, et j'admire le travail de ces personnes qui s'échinent à retrouver la justesse de la langue originale dans la traduction qu'ils en font.
Ici, le principal problème pour la personne qui devait traduire ces textes sont les nombreux jeux de mots employés par l'auteur (voir les deux exemples plus bas) et rien que dans les titres, de ces histoires, je ne suis pas sûr que la traduction soit idéale (en particulier la traduction des noms). Donc, si vous connaissez la langue d'origine, mieux vaut lire malgré tout la version originale.
En parlant de traduction, je vais vous donner deux exemples qui montrent que traduire est un métier et que ce n'est pas toujours évident :
- le mot « Elektrycerze » en polonais n'existe pas, il s'agit d'une contraction de deux mots « elektryk » - l'electricien et de « rycerz » - le chevalier. du coup le mot électribun bien que dans l'esprit des jeux de mots de ce livre, n'est pas juste pour autant et ne traduit pas l'idée de l'auteur.
- le mot Samowzbudnik traduit par l'automorphe en français vient de « samo » - Seul et le suffixe « wzbudnik » - inducteur, excitateur. Or ce suffixe m'a fait pensé au mot « wzbudzić » – susciter, réveiller et en allant encore plus loin au mot « budzik » - réveil. Et si vous connaissez la fin de cette histoire Jak Erg Samowzbudnik bladawca pokonał (Comment Erg l'automorphe terrassa le blêmard), ce jeu de mot prend tout son sens en polonais. le suffixe morphe en français traduit « qui a la forme de », et du coup ne traduit pas l'idée de l'auteur.
Mon but n'est pas de critiquer mais de prouver que traduire, ce n'est pas un travail aussi simple que d'utiliser le traducteur de Google ou Deepl.
Dans le livre de Stanisław Lem, il s'agit avant tout d'une transposition des contes pour enfants, des histoires, des fables médiévales dans l'univers science-fiction des robots. Pour autant, il ne faut pas trop chercher non plus de la vraisemblance scientifique dans ces récits.
Du coup, on retrouve des robots plus humains que les humains eux-mêmes (avec leurs qualités et leurs défauts), des humains qui eux, sont relégués au rang de monstres, d'extra-terrestres pour faire peur aux enfants (Jak Erg Samowzbudnik bladawca pokonał (Comment Erg l'automorphe terrassa le blêmard)). On y retrouve des systèmes féodaux avec leurs rois, leurs conseillers, leurs chevaliers et des sorciers appelés les constructeurs.
En déplaçant le point de vue, l'auteur réussit le tour de force à nous faire réfléchir sur nous-mêmes, à mettre en perspective certaines réactions de ces robots bien trop humains.
Le petit minus de ce livre, c'est d'abord qu'il faut se faire au style d'écriture de l'auteur (avec des descriptions relativement précises et pointilleuses, qui n'aident pas à la lecture de certains de ces contes – je pense par exemple à la description des aventures rocambolesques de tous les prétendants de la princesse Elektrina dans Jak Erg Samowzbudnik bladawca pokonał (Comment Erg l'automorphe terrassa le blêmard)).
La grande force de ces histoires, c'est l'humour, qui parfois même en jouant avec les mots et même les convenances, en devient jubilatoire à travers son ironie et son absurdité. Plusieurs fois, je me suis surpris a avoir le sourire aux lèvres (ce qui m'arrive peu souvent lorsque je lis un livre). Rien que pour ça, je vous le conseille.
Par exemple, dans Przyjaciel Automateusza (L'ami d'Automathieu), l'argumentaire de Wuch lorsqu'Automathieu se retrouve perdu sur une île déserte à la manière d'un Robinson Crusoé est terrifiant de logique et une apothéose comique a cette situation sans issue (je n'ai pas la traduction donc je donne le nom en Polonais de l'ami microscopique d'Automathieu, qui l'incite à se suicider). Je pourrais vous donner d'autres exemples comme dans Król Globares i mędrcy (Le roi Globares et les sages) qui est de loin mon histoire préférée ou Bajka o królu Murdasie (Conte du roi Trognace).