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Niska, une vieille Indienne Cree retrouve, sur le quai d'une gare, Xavier, son neveu, survivant de la guerre, enrôlé dans les troupes canadiennes et le ramène chez elle, à l'écart de la ville, à quelques jours de voyage. Nous sommes en 1919.
Il est des chemins dont on ne revient pas indemne. La guerre, par exemple.
Il est des guerres qui se délestent de leur emprise initiale, de leurs représentations, des croyances qu'elles peuvent véhiculer dans l'histoire de l'humanité.
J'ai écarté ce rideau.
J'ai poussé ma barque silencieuse sur le flot des pages. Des lumières se balançaient dans un geste régulier comme pour me guider vers le rivage de cette rivière de l'Ontario.
Il y avait Niska dont je vous ai parlé et son neveu Xavier, tous deux m'attendaient... Je savais qu'ils avaient une histoire à me raconter. Je savais qu'il manquait encore à l'appel quelqu'un d'essentiel à l'histoire, Elijah, le frère d'âme, je savais qu'il allait bientôt nous rejoindre pour ce rendez-vous ultime, je ne savais pas comment, mais je le savais. Et le rendez-vous vint plus tard...
Alors, ils m'ont raconté tous trois leur histoire autour d'un brasero sur ce bord de rivage.
C'est un roman choral, où les voix s'alternent et se mêlent dans un chant d'humanité magnifique et douloureux.
Tout a-t-il été dit sur l'enfer des tranchées ? Je suis incapable de répondre à cette question. Peut-être jamais encore avec le regard, le souffle, la respiration, les gestes, les mots, l'âme d'un indien Cree. Comment faire venir dans ce récit ce qui lie les personnages à la terre, au paysage, aux animaux, au monde, à l'invisible, à la vie, à la mort ?
La glaise des tranchées est-elle si différente de l'humus hérité des ancêtres du peuple Cree ou des Ojibwés ?
C'est l'histoire fraternelle et intime de deux Indiens Cree, qui se confond avec la boue des tranchées de la première guerre mondiale.
Mais ce qu'ils ont vécu de la guerre se mêle à celle de Niska qui porte l'histoire de son peuple.
Niska va nous raconter sa propre histoire, son enfance, d'où elle vient, peut-être depuis la nuit des temps et son récit se noue avec celui des siens partis à la guerre.
C'est un roman chamanique, avec le geste des prières, l'odeur du tabac qu'on répand au pied d'un orbe, le désir de liberté, l'invocation du ciel, des arbres qui se dressent pour nous protéger, du lynx qui attend ou qu'on attend...
La puissance évocatrice et onirique de ce roman dépasse les récits qui ont su dire l'horreur et la folie de la barbarie humaine, dans sa quintessence. Ici des mots vont dire la différence, la douleur des minorités, l'exclusion, d'autres combats, celle d'un peuple qu'on cherche à déposséder de son identité, comment continuer à transmettre cela malgré les guerres.
C'est un récit d'une poésie envoûtante, magistrale, pour dire la tristesse infinie, crépusculaire, celle à la fois des profondeurs atroces des tranchées et celle d'une humanité qui survit malgré la folie de la guerre.
Être Cree, c'est être oiseau, c'est être orignal, c'est être loup, c'est ce confondre avec la terre et le ciel en même temps ; un obus tombe et forcément déchire le paysage, les corps aussi, les pages, les mots pour le dire plus tard.
Un obus tombe, c'est s'envoler comme un oiseau et retomber avec une jambe en moins, c'est être vivant cependant et revenir de cette boucherie, revenir sur un canoë qui traverse le monde d'une rive à l'autre. Revenir bancal. Revenir presque debout et survivre après.
Le chemin des âmes, c'est un roman que j'ai lu et pris en moi dans son devoir immense de mémoire.
C'est un roman d'une beauté tragique, crépusculaire, qui m'a totalement bouleversé.
Le chemin des âmes, c'est la confrontation d'une fraternité unie dans la ferveur de vivre et dans le sang, celui partagé, celui qui coulera plus tard.
Le chemin des âmes, c'est un chemin sans retour entre les vivants et les morts.
Le chemin des âmes, c'est peut-être trouver désormais un endroit où se réconcilier avec les autres, avec le temps, avec le destin.
Joseph Boyden se contente de dire cela dans ce roman épris de vie et de sidération.
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Cher Isi,


Je suis bien rentrée sous mon tipi, et t'écris en fumant le calumet que nous n'avons pas eu le temps de partager. J'espère que tu es bien remis de notre chevauchée de trois jours où nous avons raccompagné, sur nos appaloosas, Xavier et la tante qui remontaient la rivière en canoë jusqu'à chez eux.


J'ai trouvé impressionnant d'accompagner tante Niska jusqu'au train pour récupérer Xavier. Ou plutôt son fantôme... Car Isi, dans quel état ils nous l'ont rendu ? Je ne sais pas si j'ai eu plus de peine en croisant son regard sans vie sur son visage cadavérique, ou en m'apercevant qu'il lui manquait une jambe. J'aurais voulu lui poser tant de questions alors, mais la tante a eu raison de nous enjoindre de lui laisser reprendre des forces. D'ailleurs peut-être est-ce un grand mot. J'ai l'impression qu'il tirait ses dernières ressources de sa médecine à aiguille qu'il a ramené de cette guerre entre la France et l'Allemagne… Et en même temps, la tante a raison, peut-être que ce venin qu'il s'infiltrait faisait ressortir le poison qui hantait ses rêves, lui permettant comme une fièvre d'expulser toute la noirceur accumulée.


C'était terrible d'entendre ses psalmodies, ses cauchemars, ses peurs à ciel ouvert… Trois longues journées à chevaucher sous ses souvenirs de la guerre, les horreurs qu'il a vues et celles qu'il a commises au nom et pour le compte d'un peuple qui le voyait à peine, et pour un combat qui n'était pas le sien, ni celui de notre peuple. La tante a bien fait, dans les moments où il s'apaisait, de lui raconter sa propre histoire d'indienne, elle qui s'est toujours battue pour sa liberté que les blancs appelle sauvagerie. Je crois que ses récits faisaient beaucoup de bien à Xavier, à son esprit et à son corps. Cette voix apaisante qui nous ramène aux sources, aux choses simples et au sens de la vie, dans un monde où la vie a un sens, un monde où on ne tue que pour la conserver et sauver la sienne. Un monde où creuser des tranchées pour exploser la gueule du plus d'humains possible n'est même pas envisageable, et n'a aucun sens. « Chacun se bat sur deux fronts à la fois, l'un contre l'ennemi, l'autre contre ce que nous faisons à l'ennemi ».


Les récits que la tante intercalait entre deux réminiscences de scènes de guerre sont ceux qui m'ont le plus émerveillée, car même lorsqu'ils parlaient de famine ou de descentes de blanc pour les civiliser, les mater, les martyriser et les parquer dans des réserves, ça me faisait du bien d'entendre que les nôtres s'attachaient au sens des choses. Et puis cette romance, sous la tente de sudation, avec le beau chasseur blanc… Ça commençait si bien ! Indispensable chasseuse de wendigo, la tante est une passeuse formidable, qui continue de se battre pour transmettre ses dons et perpétuer les traditions. Pour autant, j'apprécie quand même d'avoir pu entendre les cauchemars éveillés de Xavier. J'ai trouvé ça long, pourtant, et parfois répétitif, souvent trop violent pour moi lorsque ses souvenirs s'intensifiaient au rythme des combats dans lesquels son esprit replongeait. Mais ça m'a aidé à le comprendre, car jamais il n'aurait raconté tout cela consciemment. Comme la plupart des nôtres, il est plutôt silencieux sur ses « exploits ». Sauf Elijah, mais toi et moi savons ce que ça lui a valu, n'est-ce pas ? Deux guerriers Crees se servant de leur expérience silencieuse de la chasse pour décimer les lignes allemandes… L'un d'entre eux qui commence à aimer ça ; Au bout du compte, comme disait Elijah, « nous faisons le sale boulot à leur place : Quand nous rentrerons chez nous, rien d'autre n'aura changé, on nous traitera toujours comme des merdes. Mais tant que nous sommes ici, il n'y a qu'à faire ce que nous savons si bien faire ».


Sais-tu ce que j'ai préféré, Isi ? La fin de cette aventure. Encore une fois, c'est elle qui donne son relief à l'histoire, sa rondeur, qui boucle la boucle, referme le cercle, celui de la vie éternelle ou de l'éternel recommencement, de la renaissance. Lorsque leurs deux voix se rejoignent, lorsque le passé et le présent ne forment plus qu'un. Car alors tout s'éclaire, le job a été fait et bien fait, tout a finalement un sens. « Je suis devenu ce que tu es, Niska », a marmonné Xavier, tu te souviens ? Et c'était tellement vrai. Paix à leurs âmes pleines de vie, puissent-elles trouver le chemin de futurs lecteurs. En attendant, je te remercie infiniment d'avoir accepté de parcourir ce chemin avec moi. Ça restera un souvenir éprouvant, mais beau, aussi.


Amicalement,
Onee-qui-est-devenue-fan-de-ton-ragout-d'orignal-aux-racines.


L'avis d'Isidoreinthedark :
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J'ai terminé ce roman il y a déjà plusieurs jours, mais j'ai du mal à rédiger cette critique, tans je suis sous le charme de la plume de cet auteur, de l'histoire qu'il a racontée. J'ai envie de rester encore un peu dans son univers magique…

Joseph Boyden nous parle de la tragédie d'un peuple, les Crees, Amérindiens dont le mode de vie a été bouleversé par l'arrivée des Blancs qui les ont colonisés, les obligeant à renoncer à leur mode de vie si proche de la Nature, exterminant les plus récalcitrants, les obligeant à envoyer les enfants dans les écoles catholiques, où la maltraitance physique et morale régnait en maître absolu.

Les Crees chassait le caribou, pour se nourrir et se faire des vêtements, vivaient en harmonie avec les éléments ; le chef savait où se trouver l'animal en observant les bois de l'animal qu'ils avaient tué auparavant, les faisant brûler pour lire comme sur un parchemin, la « carte géographique » de l'endroit où chercher. le chef avait aussi le pouvoir de voir les « mauvais esprits » et délivrer pour protéger la tribu. Mais les Blancs, les wemistikoshiv , ont imposé leurs propres lois, tuant le chef purement et simplement.

« L'assassinat de mon père avait planté au fond de mon ventre une graine dure et amère ; au fil des ans il en monta la fleur obscure de la colère. Ma mère reconnut ce qui poussait en moi. A sa façon, elle cherchait à m'empêcher d'en user pour le mal, car c'est entrer dans une spirale à laquelle on n'échappe presque jamais. » P 122

Ce chef était le grand-père de notre héros, Xavier Bird, qui était si malheureux à l'école que sa tante Niska, autrefois l'enlever pour vivre avec lui dans la forêt selon les traditions, allant jusqu'à aller chercher plus tard un autre enfant, le seul ami de Xavier : Elijah.

Les deux gamins grandissent ensemble, comme des frères et finissent par s'engager dans l'armée canadienne pour aller combattre sur le front durant la première guerre mondiale. Si Elijah s'adapte très vite devenant un tireur d'élite, Xavier ne se sent pas à sa place, mais suit son ami : ils traquent les Allemands, comme ils traquaient le gibier dans la forêt, ce qui les rend très vite indispensables.

Mais Elijah aime débusquer et tuer, devenant la coqueluche des supérieurs : on les méprise pour leur couleur de peau, comme s'ils étaient des sous-hommes, mais comme ils se comportent en héros, on les accepte mieux. Mais, pour avoir encore plus de sensations fortes, Elijah dérobe de l'héroïne et se pique en cachette…

« Nous aurons passé toute la guerre côte à côte pour nous perdre aux tout derniers jours. Un obus est tombé trop près. Il m'a lancé dans les airs, et soudain j'étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n'avais plus ma jambe gauche. J'ai toujours su que les hommes ne sont pas faits pour voler. » P 22

On sait dès le départ, que Xavier revient de la guerre avec une jambe en moins, dépendant lui-aussi de la morphine, et c'est sa tante Niska qui va le maintenir en vie coûte que coûte, lui racontant l'histoire de la famille.

Dans ce roman, Joseph Boyden alterne les récits : ce qui se passe au front, la vie des soldats, leur quotidien, les rivalités, les chefs parfois tellement imbus d'eux-mêmes qu'ils envoient les soldats au casse-pipe alors qu'une autre solution serait possible, la souffrance de ces jeunes gens. Puis, on revient au présent, à Xavier et Niska et ce deuxième combat contre la dépendance à l'héroïne, la souffrance de l'amputation, le refus de continuer à vivre…

L'auteur a choisi de raconter la guerre, à chaque injection que se fait Xavier, pensant que sa tante ne s'en aperçoit pas, comme si la guerre était un « bad trip » ce que j'ai trouvé brillant. Les scènes de guerre, seraient, sinon, très difficiles pour le lecteur. Il en dénonce au passage l'absurdité…

J'ai vraiment eu un coup de coeur pour ce roman, et pourtant j'ai lu peu de livres sur la première guerre mondiale, m'intéressant beaucoup à la guerre suivante. J'ai trouvé des thèmes qui me touchent : les Amérindiens, leur mode de vie en harmonie avec la Nature : ils étaient écologistes avant l'heure, si l'homme blanc n'avait pas détruit toutes les autres civilisations sur son passage…

Cerise sur le gâteau: le titre est excellent…

Si ces thèmes vous touchent, et si vous faites partie des chanceux qui ne l'ont pas encore lu, n'hésitez pas, foncez !


Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Ce livre campe dans plusieurs iles desertes. Petite nature, influencable et malleable a souhait, je me suis mis a le lire moi aussi.
Je n'ai pas ete decu. Je ne l'emporterais pas dans mon ile, mais c'est decidement une belle lecture.

Deux recits s'entrecoupent, se completent et s'unissent. J'ai beaucoup aime l'un, un peu moins l'autre.
Deux indiens du Canada partent a la guerre de 14 en Europe. Un seul revient, mutile physique et moralement. La tante qui le recueille essaye de le remettre sur pied en lui racontant le passé, le vecu et les croyances de son people, les Cree.

Je commence par le moins (moins ne veut pas dire pas!). J'ai moins aime le recit guerrier. Je l'ai trouve trop hollywoodien, trop porte par les hauts faits d'armes des heros. Je n'ai pu m'empecher de revoir en memoire les classiques ecrits par les combattants d'alors, ou l'horreur etait presente aussi dans les moments de calme, dans les blague des soldats, jusque dans les permissions a l'arriere. Ou l'accent etait beaucoup plus mis sur la camaraderie, la solidarite, la fraternite qui liaient ces appeles. le feu, de Barbusse, La main coupee, de Cendrars, A l'ouest rien de nouveau, de Remarque.
J'ai beacoup plus aime les chapitres ou la tante fait revivre les indiens Cree, leurs tratitions, leur symbiose avec la nature. Peut-etre parce que c'etait une lecture plus depaysante pour moi, plus neuve. En tous cas elle m'a plus emue.

Le tout fait quand meme un tres beau livre. Traverse par un grand souffle epique et empreint de beaucoup d'empathie.Il atteint pour moi le firmament des quatre etoiles.
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Une couverture superbe, un titre qui ne l'est pas moins. Quelques critiques seduisantes lues il y a longtemps, un livre cité en commentaires de mon billet sur "Pour l'honneur de tous les miens", ... et puis recommandé par mon ami Isi, il méritait amplement de sortir de ma PAL, même si comme le fait remarquer mon amie Anna, ce nest pas vraiment une lecture légère pour les vacances.

Il s'agit en effet d'un roman d'horreur, ou plus exactement d'horreurs. N'y cherchez ni vampires, ni zombies, éventuellement quelques fantômes. Les horreurs que l'on croise ici sont seulement et atrocement humaines : la guerre de 14 et ses tranchées, son absurdité meurtrière, ses gradés imbus d'eux-mêmes et imbéciles. Comme si les allemands ne suffisaient pas à tuer les soldats alliés, ces gradés censés accompagner leurs hommes n'hésitaient pas à en exécuter un, qui avait eu le tort de s'endormir alors qu'il était de garde. L'autre horreur évoquée en filigrane de ce roman, c'est le sort réservé par les blancs aux tribus indiennes en Amérique du Nord, et ici spécifiquement au Canada, ces pensionnats religieux où ils étaient traités plus mal que des animaux, battus, enfermés s'ils résistaient, ce racisme à leur egard, ce sentiment de supériorité des blancs se jugeant plus évolués, l'utilisation du rhum comme "une arme aussi rusée que puissante", tout cela a contribué à ruiner la vie traditionnelle de ces peuples.

Ils sont deux, deux indiens Cree à s'enrôler pour participer à la guerre de 14 en Europe. Ils vont connaître l'horreur des tranchées, ces vies sacrifiées par centaines dans des assauts absurdes pour reprendre quelques mètres de terrain. Leurs compétences en tant que chasseurs vont leur permettre de se distinguer dans les actions individuelles, dont l'objectif est d'abattre des allemands en préparation d'assaut ou en représailles.
Mais comment sortir indemne dans son corps, dans sa tête de cette boucherie. Un seul reviendra, quasiment mourant.

Le roman alterne les chapitres relatant les horreurs de la guerre et ceux après le retour au pays. le revenant est accueilli par sa tante, vieille indienne dotée de pouvoirs qui durant les trois jours de canoë nécessaires à leur retour lui racontera des épisodes de sa vie, seule et avec lui enfant tandis que le blessé de son côté revit dans sa tête quelques souvenirs de sa vie d'avant.

Un roman poignant, assez dur, mais qui se lit paradoxalement avec un vrai plaisir de lecture, tant le texte est beau, tant l'amitié y est célébrée, tant les personnages sont inoubliables
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Xavier et Elijah, deux Amérindiens propulsés dans la l'enfer de la guerre des tranchées, survivent grâce à leur don de chasseur. Silencieux, agiles et doués d'une vue perçante, ils sauvent leur peau en prenant la vie des soldats ennemis. De cette gadoue humaine sortent parfois des monstres, presque des mangeurs d'hommes.

Xavier, que l'on surnomme « Bird », survole parfois ces âmes perdues, comme il a vu faire sa tante Niska, une vieille femme chamane qui communique avec les esprits. Comment cet homme des bois, habitué à chasser seulement pour se nourrir, va-t-il sortir de cette drôle de guerre ?

Un roman très noir et puissant qui relate à la fois la vie de ces hommes englués dans cette guerre insensée, et la vie d'une tribu indienne qui tente de survivre en dehors de la réserve, continuant à perpétuer leurs rituels, refusant le monde moderne et sa barbarie.

La guerre fait prendre aux hommes un chemin qui n'a plus rien d'humain et ne les délivrera que pour les emmener vers le chemin des âmes.
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Comme le chant de la gélinotte, ce roman m'appelait depuis un moment mais croupissait dans ma PAL.
Bien plus prosaïquement c'est le chant de dannso (enfin son hululement), qui a lancé l'idée d'une lecture commune dans laquelle je me suis engouffrée avec NicolaK et Berni_29 qui m'a enfin décidé. Et c'est un coup de coeur !
Paradoxalement, même si l'envie de lire était bien là, mon enthousiasme initial avait été douché quand Nicola avait débusqué sur internet que James Boyden était un pretendian, une personne qui se proclame d'ascendance amérindienne alors qu'il n'en est rien.
Après quelques tergiversations, j'ai mis finalement cela de côté, et ne l'ai pas regretté.
Très rapidement, la magie du récit a tout balayé, et la dernière page tournée, je ne retiens que mon enthousiasme pour cette lecture forte et éprouvante.
Le chemin des âmes est l'histoire d'amitié de Xavier et Elijah, deux jeunes garçons cree, une des grandes tribus amérindiennes vivant sur le territoire canadien. Les garçons ont été en partie élevés ensemble par la tante de Xavier, Niska.
Le roman débute lorsque Niska, devenue une vieille femme âgée, vient chercher à la gare Elijah. On lui a précédemment annoncé le décès de Xavier le 3 novembre 1918 tombé au combat en France. Pourtant, surprise, c'est bien son neveu qui descend du train et non son ami Elijah.
Passé ce premier choc, d'autres encore attendent Niska ; la découverte que Xavier est amputé d'une partie de sa jambe gauche, et qu'il est devenu complètement drogué à la morphine, la mort rôde incessamment autour de lui.
Niska va alors charger Xavier dans sa pirogue et entreprendre un périple de trois jours (Three day road est le titre original de l'ouvrage) pour retourner sur leurs terres. Pendant ce trajet, Xavier et Niska vont tous les deux revisiter leurs souvenirs. Pour Xavier, ceux de l'enfance, des champs de bataille et tranchées en France. Pour Niska, ceux d'une enfant puis jeune fille chamane isolée dans la forêt, qui vont nous permettre de découvrir les modes de vie et croyances cree.
Grâce à ce roman, deux mondes, celui de la guerre de 14-18 et celui de vie des amérindiens cree vont entrer en collision. Aux horreurs de la guerre, viendront donc s'alterner des souvenirs d'un autre monde, bien différent, qui s'il apporte un temps de respiration bienvenu dans la lecture des atrocités guerrières ne se révèle pas pour autant dénué d'âpreté ni de violences et d'horreurs d'autres natures (agressions sexuelles, famine, mises à mort, …).
La force du récit est immense car de multiples éléments vont nous tenir en haleine ; le lien entre les deux jeunes garçons, son évolution lors de la guerre, mais aussi les descriptions de la vie avec la troupe et les autres soldats, et les moeurs amérindiennes avec la vie recluse de Niska…
Si tout est simple lorsqu'ils sont adolescents entre Xavier et Elijah, l'un risquant sa peau pour sauver l'autre lors d'une noyade, Xavier initiant Elijah aux techniques de chasse, Elijah bluffant Xavier par son aisance à s'exprimer en anglais, leurs rapports amicaux, bruts et francs au temps de l'enfance vont évoluer au fil du temps.
Ainsi, une fois soldats en France, Elijah va se mettre à briller au sein de la troupe canadienne, son aisance en anglais et au tir, ses fanfaronnades, attirent les regards et suscitent l'admiration. Xavier, beaucoup plus timide, reste en retrait, il observe son ami recevoir seul les éloges pour les opérations de reconnaissance qu'ils mènent en duo avec une pointe de jalousie. Petit à petit, Elijah va se transformer en sniper, toujours prompt à prouver qu'il est le meilleur et à prendre l'ascendant sur son ami, quitte à le faire passer pour un imbécile, et surtout il va prendre goût à tuer, se sentant petit à petit devenir invincible. Xavier, lui, ne tue que pour sauver sa peau, avec dégout, et observe amèrement son ami s'éloigner de lui, encore plus depuis qu'il s'est trouvé une nouvelle compagne nommée Morphine.
J'ai été touchée par les sentiments ambivalents entre les deux amis si bien dépeints, la petite remarque blessante dite en passant mine de rien, le silence qui rabaisse, la petite phrase pour vérifier que l'autre nous aime toujours, qu'il sera là pour nous… Tout cela est finement amené, parfaitement construit, et le dénouement final, même si on l'a deviné depuis un moment, serre douloureusement la poitrine…
Rarement un roman sur la guerre m'a semblé aussi puissant et juste, riche de toutes les coutumes cree et de la vie dans les tranchées, l'analyse des sentiments et des errements de nos âmes qui seront sauvées ou non… À ce niveau de perfection, on n'est plus dans le roman mais dans l'oeuvre.
Une oeuvre brillante, époustouflante, qui continuera à cheminer longtemps dans mon âme…
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J'aime la marche dont je ne saurais me passer, elle m'offre un espace temps et géographique en guise d'évasion, produit quantité d'émotions à la vue des tableaux paysagers, et me procure des douleurs dues à l'effort que je trouve réjouissantes lorsqu'elles sont ressenties une fois le chemin arpenté. C'est un peu raccourci mais l'essentiel se tient dans ces quelques bienfaits qui libèrent une quantité non négligeable d'endorphines dans mon corps et mon esprit.

J'ai parcouru de nombreux sentiers, très beaux pour beaucoup, difficiles pour certains, récréatifs pour d'autres.

J'aime aussi la lecture dont je ne pourrais me passer pour des raisons qui s'apparentent à celles de la marche, effort physique en moins. Elle me procure également de très belles évasions avec parfois un flot d'émotions, entraîne mon esprit vers d'autres horizons et me fait vivre des expériences par personnages fictifs interposés.

C'est donc parfaitement préparée que je me suis lancée sur ce chemin des âmes, aussi motivée que lors d'un départ de randonnée dont on sait qu'elle sera ardue. J'y ai suivi Xavier et Elijah, deux indiens Cree qui se sont engagés dans l'armée canadienne et combattu contre les allemands en Belgique et en France pendant la première guerre mondiale, ainsi que la tante Niska, une vieille indienne chamane qui leur a appris à survivre en forêt.

La trame du livre est parfaitement construite, avec une alternance entre les cauchemars de Xavier se remémorant les horreurs vécues pendant cette guerre avec Elijah, les tranchées, les obus, les tirs, les morts, les rats, les poux, la morphine... et les évocations de Niska, ses mémoires, sa tribu... Ces évocations viennent alléger la tonalité générale du roman et m'ont autant intéressée que les souvenirs de guerre descriptifs, immersifs. Ils prennent aux entrailles. Les souvenirs de chasse avec Elijah enfants/adolescents le sont tout autant. Mais j'ai eu beaucoup de mal avec la scène d'ouverture du livre, la martre tuée et écorchée uniquement pour sa fourrure. du coup, j'ai lu les autres scènes de chasse en diagonale, elles évoquent un orignal, je ne sais même pas ce qu'il est devenu, pas lu ! Cela a légèrement gâté ma lecture. Un peu comme si l'on débute une belle randonnée par quelque chose qui nous rebute, dans mon cas c'est par exemple la présence d'un serpent sur le chemin. Cela nuit à mon plaisir ensuite, car je garde les yeux fixés sur le sentier par crainte de tomber sur un autre rampant détesté au détour d'une courbe. Cette martre m'a fait le même effet. J'ai craint d'autres détails de même nature dans les passages liés aux souvenirs de chasse. le plaisir de lecture en a été altéré :(

Mais mis à part ce bémol conjugué à des longueurs relatives à des souvenirs de guerre parfois répétés et longs, ce chemin qui se parcourt au moyen d'un canot pendant 3 jours est de toute beauté en dépit de sa nature très sombre. J'ai trouvé cette histoire touchante, triste, très triste. Elle nous entraîne aux tréfonds d'un être torturé par son passé, souhaitons qu'il parvienne à se libérer durant ce voyage non seulement de son addiction à la morphine mais aussi de ses démons, ses cauchemars. Il pourra compter sur l'aide de Niska, aura-t-elle le pouvoir de le faire renaître ?
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Niska est une vielle indienne Cree, qui n'a jamais quitté ni ses traditions , ni ses terres dans les forêt du nord de l'Ontario, vers Moose Factory.
Elle vient récupérer Elijah, qui rentre tout juste de la première guerre mondiale pour laquelle il s'était engagé aux cotés de Xavier , le neveu de Niska.

Livre très puissant, sans doute extrêmement bien documenté sur le rôle de l'armée canadienne dans cette abjection que fut la guerre des tranchées.
Les chapitres s'entremêlent , comme les organes après l'éclatement d'un obus.
On navigue entre la vie des indiens à la fin du XIX ème lorsque l'homme blanc fait son apparition dans la baie d'Hudson , fier de sa culture, de sa religion , de sa supériorité certaine et ces épisodes de guerre , tous plus sanglants les uns que les autres, sans doute décrits avec un réalisme étourdissant. L'horreur , à son paroxysme, à travers les yeux de deux chasseurs d'orignaux en est presque écoeurante et fait de ce livre, si l'on va au bout, un livre dont on se souviendra, au delà du plaisir éprouvé.
On ne peut que s'attacher aux deux indiens dans les tranchées et l'auteur sait parfaitement alterner les épisodes indiens , qui rappellent le dernier quartier de lune de Chi Xijian et les scènes de guerre, qui m'ont ramené vers un long dimanche de fiançailles.

Un livre dur , écrit par un auteur au sang amérindien dont le père a combattu lors de la deuxième guerre mondiale . Un livre qui marque , un livre qui sonne comme un hommage aux indiens qui ont volontairement foulé notre sol pour défendre la liberté que les blancs leur volaient simultanément en Ontario. Et , ce qui ne gâche rien, une très belle histoire brillamment racontée.
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A la suite d'un quiproquo, Niska une vieille indienne de la nation Cree voit descendre du train celui qu'elle croyait mort, Xavier son neveu.
Nous sommes en 1919, la première guerre mondiale est terminée.
Niska est chaman comme l'était son père, pendant trois jours elle va essayer de reconstruire " neveu" à travers le récit de sa vie.
Xavier quand à lui entre deux piqure de morphine revoit l'enfer , la rencontre de celui qui allait devenir son ami, leurs engagements dans l'armée canadienne, les champs de batailles de France et de Belgique....
" le chemin des âmes" de Joseph Boyden est éprouvant.
J'avais trouvé que le magnifique roman de Erich Maria Remarque " à l'ouest rien de nouveau " était difficile, " le chemin des âmes " est pire.
On est aspiré dans un monde terrifiant où règne les cris des blessés agonisants, l'odeur de putréfaction, le sang, la folie omniprésente.
C'est cela " le chemin des âmes", Niska l'a vu dans ses divinations.
Malgré l'horreur j'ai adoré ce livre, j'ai aimé Niska, cette femme libre qui refuse de vivre dans la réserve indienne, fidèle à ses croyances ancestrales.
Xavier le neveu, personnage taciturne qui refusera de suivre Elijah dans sa folie. Pour Elijah difficile d'avoir de l'empathie, un personnage qui va trouver dan le " no mans land" une aire de jeu, un homme qui va se perdre dans la folie de la guerre.
Je vous l'avoue j'ai souffert, difficile de ne pas l'être.
Je comprends mieux la critique de Latina, et comme Lehan-fan je suis devenu accro à Joseph Boyden.
Je ne peux que vous conseiller " le chemin des âmes" un chemin ardu difficile, mais Niska vous guidera, vous protègera.
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