Dans la campagne anglaise de la fin du 19e siècle, un pauvre hère décharné, sans pitance ni domicile, accompagné de son chien fidèle, décide de mettre fin à sa vie de vagabond en s'accusant du crime d'un notable, jamais élucidé, commis vingt ans plus tôt. Il pourra ainsi, pense-t-il, une fois emprisonné, avoir le gîte et le couvert. Écrit d'une plume élégante et limpide, classique dirions-nous, ce roman méconnu est un bonheur de lecture, du même ordre que celui que procuraient les contes de jadis, qu'on lisait blotti au fond d'un lit. Contrairement à
Wilkie Collins, qui souvent se perd en longueurs inutiles fastidieuses,
Mary Elizabeth Braddon jamais ne dilue son récit, tenant une plume à la fois serrée et aérée. Qui maintient l'intérêt de son lecteur, page après page, jusqu'à la fin de son roman. En cela, l'auteure y développe son talent de conteuse. On parlerait aujourd'hui d'un « page-turner ». Elle mêle intrigue policière et émois sentimentaux. Ajoute de courtes descriptions « atmosphériques » de la nature, saison après saison. Ses personnages sont attachants, assez complexes. Certains amusants, comme celui de Mme Aspinall, veuve intéressée. Et les deux soeurs du héros ne sont pas sans évoquer les deux soeurs pestes de Cendrillon. le thème des amours contrariés, étroitement lié à la pratique des mariages arrangés, plane sur toute l'histoire et ce sont les personnages féminins qui sont évidemment les plus à plaindre, car les moins libres. Trait de l'époque, l'histoire vise à l'élévation des âmes à travers des comportements dignes, une noblesse des sentiments, mais nous ne sommes en rien dans une histoire à visée édifiante, moralisante. Aucune grosse ficelle, tout est délicatement déployé. le dénouement sentimental déjoue les desseins envisagés par le lecteur.
Agatha Christie meets
Jane Austen !
Seul bémol : l'édition
Hachette Livre/BNF s'est contentée de « fac-similer » une édition française de 1884, n'intervenant que pour ajouter sur la couverture du livre le titre original, lequel est devenu « Chêne de Blatchmardean » (sans l'article), grammaticalement fautif (dirions-nous « Mare au diable » ?). de plus, au début de l'ouvrage, quelques pages ont été mal reproduites, mais elles restent néanmoins lisibles. Passé ces défauts, il faut reconnaître aux éditeurs le mérite d'avoir à nouveau rendu disponible ce roman, et de pouvoir y découvrir les tournures et le vocabulaire français de la traduction d'époque, qui ajoutent un charme désuet. Il ne s'agit certes pas d'un grand roman, mais c'est un « bon petit roman » !