Remis au goût du jour, par la sortie sur les écrans du film "Benedetta" de Paul Verhoeven, cet ouvrage rédigé par une historienne nous place dans le contexte des couvents italiens du XVIIè siècle et de la doctrine de l'Eglise catholique de l'époque au sujet des visions, des miracles et de la sainteté. Fort bien écrit et documenté, ce livre m'a beaucoup intéressé car il immerge totalement le lecteur dans l'époque en question et lui permet de comprendre et d'apprendre.
Commenter  J’apprécie         200
Au XVIIe siècle, la nonne Benedetta mène une vie pieuse au couvent de Pescia, en Toscane. Quand elle prétend que le Christ lui apparaît la nuit et qu'elle se laisse séduire par une jeune novice, la communauté monastique entre en émoi. Ses visions sont-elles vraies ou Benedetta trompe-t-elle ses soeurs ? Alors que la peste fait ses ravages au dehors, le couvent se divise sur son cas. On appelle l'Eglise à la rescousse pour juger ces deux lesbiennes. Judith C. Brown revient sur cette affaire qui a inspiré le film de Paul Verhoeven avec la blonde Virginie Effira. L'histoire de cette religieuse, durant la Contre-Réforme en Italie, constitue l'un des premiers cas documentés sur l'homosexualité féminine en Europe occidentale. L'autrice la qualifie comme « un scénario imaginatif et envoûtant qui explore l'intersection de la religion, de la sexualité et de l'ambition humaine à une époque où se conjuguent la peste et la foi ». Scénario écrit d'après le verbatim du procès.
Commenter  J’apprécie         30
il raconte l'histoire d'une religieuse qui a vécu au XVIIe siècle, mais revue par sa lunette artistique. Loin de l'hagiographie espérée par certains, il botte les fesses de tous les esprits cadenassés et rue dans les brancards. D'abord présenté comme sympathique, le personnage principal devient assez vite une sorte d'être ambigu, pervers, tricheur et … tyrannique. Suite à une série de stigmates (dont on ne sait pas s'ils sont réels ou créés par la croyante), la susdite Benedetta se hisse à la tête de sa congrégation et y impose très vite sa férule. A cela, elle entretient une relation saphique avec l'une des novices, avant d'être dénoncée aux autorités cléricales par l'ancienne mère-supérieure qui s'est vue évincée à son profit. L'inquisition débarque, avec une scène de torture assez gratinée et renvoi de la principale accusée au bûcher, mais la foule le sauve in extremis. Paul Verhoeven a tiré de sa vie un film porté sur les épaules de Virginie Effira, qui a fait scandale à Cannes en 2021.
Commenter  J’apprécie         20
Cette sœur Benedetta, donc, pendant deux années de suite, au moins trois fois la semaine, après s’être dévêtue et mise au lit, quand elle pouvait s’imaginer que sa compagne était dévêtue pour se mettre au lit, feignant d’avoir besoin d’elle, l’appelait, et elle s’en venant, elle la saisissait par un bras et de force l’attirait sur le lit et l’ayant enlacée la mettait sous elle et la baisait, lui disait mots d’amour, et tant s’agitait sur elle qu’elles se corrompaient toutes deux et ainsi par force la retenait tantôt deux et tantôt trois heures
(...) les qualités que l'Eglise réformée de l'époque de Benedetta préconisait désormais chez ses personnalités dirigeantes. Plutôt que de récompenser les faiseurs de miracles, des intercesseurs auprès du monde surnaturel, qui pouvaient être des magiciens sans plus, les autorités ecclésiastiques préféraient reconnaître la sainteté des individus dont la vie offrait des exemples à suivre et dont le labeur évangélique renforçait la puissance et l'influence de l'Eglise. Les canonisations de Charles de Borromée, d'Ignace de Loyola et de Philippe de Néri au début du XVIIè siècle, participaient de cette conception d'une sainteté redéfinie.
Au XIIIè siècle, saint Thomas d'Aquin avait distingué les visions et les extases et dans l'une et dans l'autre catégorie il avait examiné les diverses manières dont l'esprit appréhendait la vérité divine: par les sens, par l'imagination, par l'intellect. Ces catégories correspondaient en gros aux états mystiques dont sainte Thérèse allait donner la description trois cents ans plus tard, faisant la différence entre l'union de l'âme et le ravissement et appréhendant, comme saint Thomas, trois sortes de locution divine.
Au surplus, on scrutait les visions des femmes mystiques avec plus de zèle encore que celles des hommes. Dès le XVè siècle, le théologien Jean Gerson avait donné avis que les visions et paroles des femmes devaient "être tenues suspectes à moins d'être soigneusement examinées, et beaucoup plus longuement que celles des hommes...parce qu'elles sont facilement séduites". Les femmes ne possédaient pas les facultés de raisonnement des hommes; elles étaient le "vase le plus faible", le sexe faible que ses capacités mentales limitées, sa curiosité sans retenue, ses insatiables appétits exposaient en proie aux pièges du diable".
Une fois installées dans leurs nouveaux quartiers, les théatines entamèrent la dernière série de leurs démarches auprès de l'administration, afin de se constituer en couvent régulier. En 1619, elles demandèrent au pape de leur accorder la clôture complète. Elles n'auraient plus à sortir de leur couvent pour entendre la messe; mais il y avait plus important: leurs voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance allaient devenir des voeux solennels. Si une religieuse désirait quitter le couvent, ses supérieures et les autorités séculières pouvaient la contraindre d'y rester.