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Simone Buchholz (Autre)
EAN : 9791036000638
240 pages
L’Atalante (04/03/2021)
3.71/5   42 notes
Résumé :
Au bar Blaue Nacht, la procureure Chastity Riley écluse les bières et trouve réconfort auprès de Carla, Rocco, Calabretta et Klatsche. Collègue, amis, amant... Elle ne pourrait pas affronter le monde du crime sans eux.
Mise sur la touche, pour avoir voulu convaincre de corruption son patron, Chastity est désormais chargée de la « protection des victimes ». Sa nouvelle tâche :
Recueillir le témoignage d'un Autrichien passé à tabac et bien décidé à se ta... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Service de presse.

Dans nos contrées francophones, je crois que l'on sous-estime beaucoup trop l'importance de la littérature noire en provenance des pays germanophones que l'on désigne sous le nom de Krimi (Krimalroman) et qui reste un genre extrêmement populaire que ce soit bien évidemment en Allemagne et en Autriche mais également en Suisse-allemande où seul Sunil Man, romancier zurichois, a bénéficié d'une traduction en français avec son détective Vijay Kumar qui se débat entre ses origines indiennes et sa nationalité helvétique. En France, on constate le même phénomène où les traductions restent dans le domaine de l'anecdotique. Mais pour en savoir plus sur le sujet du Krimi, il est possible de consulter le site Fondu au noir qui consacre tout un chapitre aux chroniques des polars en provenance de ces contrées germanophones ainsi qu'une exposition dédiée au thème. Si l'on observe d'ailleurs l'affiche consacrée à cette exposition, on découvrira qu'il s'agit du Davidwache, célèbre poste de police se situant à Hambourg. Une sacrée "coïncidence" lorsque l'on pense que Caroline de Benedetti et Emeric Cloche, composant une partie de l'équipe Fondu Au Noir, dirigent la nouvelle collection Fusion de la maison d'éditions L'Atalante qui est consacrée au polar en nous proposant en guise d'inauguration, Nuit Bleue, un roman de Simone Buchholz mettant en scène la procureure Chastity Riley officiant justement à Hambourg et plus particulièrement dans le quartier populaire de Sankt Pauli. Davantage orientée vers les genres de la SF et de la Fantaisy, la maison d'éditions renouvelle donc l'expérience du roman policier en succédant ainsi à Insomniaque et ferrovière qui était en sommeil depuis 2016.

Trouvant le réconfort dans les bars de son quartier de Sankt Pauli à Hambourg, la procureure Chastity Riley partage ses déboires avec Carla, Rocco, Klatsche, Faller et Calabretta, ses amis de toujours, qui ne seront pas de trop pour l'aider à affronter ce monde du crime extrêmement glauque. Après avoir dénoncé son supérieur hiérarchique corrompu, on aurait pu s'attendre à ce qu'elle obtienne une promotion, mais dans la ville portuaire de Hambourg, les choses se passent autrement. Désormais reléguée dans un placard, la tempétueuse magistrate est affectée à la protection des victimes. Femme de caractère, elle préfère donc arpenter les rues de la ville et fréquenter ses partenaires policiers plutôt que ses collègues juristes, ceci d'autant plus qu'elle doit se rendre à l'hôpital pour traiter l'étrange dossier d'un inconnu laissé pour mort qui refuse de collaborer avec la police. A grand renfort de bières, de cigarettes et de currywurst, Chastity Riley va en apprendre plus sur cet étrange individu qui va l'entrainer sur la piste d'un truand albanais souhaitant inonder la ville avec de nouvelles drogues de synthèse particulièrement nocives.

En Allemagne, Simone Buchholz fait partie des grands noms de la littérature noire avec sa série de dix polars mettant en scène l'atypique procureure Chastity Riley officiant à Hambourg et vivant au coeur du quartier chaud de la cité où elle croise bon nombre de ses amis dont Faller, un vieux flic bourru et Klatsche, amant occasionnel de la magistrate et ancien délinquant qui s'est reconverti comme patron du Blaue Nacht où elle a ses habitudes en éclusant un nombre conséquent de bières avant de se rendre au stade pour soutenir son équipe favorite, le FC Sankt Pauli. Sixième roman de la série, Nuit Bleue marque le changement de maison d'éditions pour intégrer la prestigieuse Suhrkamp Verlag qui correspond à un éditeur tel que Gallimard, et dont la lecture pourra se révéler quelque peu déstabilisante avec une forme d'écriture à la fois audacieuse et originale à l'instar de ces rétrospectives de 1982 jusqu'à nos jours où l'on découvre par petites touches, par petites notes, les parcours des différents protagonistes du récit et même, sur la fin, le point de vue des truands sur qui Chastity Riley enquête. Loin d'être conventionnelle, l'intrigue s'articule donc autour de cette mystérieuse victime mutique que la magistrate doit apprivoiser afin de découvrir les raison qui l'ont conduite à l'hôpital pour s'orienter ensuite vers un trafic de drogue s'opérant entre la Tchéquie et Hambourg qui nous donne à voir un autre visage de l'Allemagne réunifiée. Ne s'embarrassant pas de détails superflus, ne s'accrochant pas au réalisme d'une enquête débridée, Simone Buchholz va donc à l'essentiel en captant brillamment le caractère de ses personnages mais en déclinant également une superbe ambiance à la fois glauque et attachante de sa ville de Hambourg qu'elle sait dépeindre avec la force de métaphores bien élaborées qui nous éloigne de la carte postale touristique pour nous livrer les recoins méconnus de la ville des autochtones dont le fameux port où se déroule la confrontation finale et le stade du quartier où l'on assiste à l'épilogue d'un récit fulgurant (le mot n'est pas galvaudé, bien au contraire).

Avec Nuit Bleue on appréciera donc cette nouvelle voix détonante et originale de Simone Buchholz qui est parvenue à créer une héroïne à la fois atypique et complexe qui officie dans la non moins détonante ville de Hambourg que l'on prend plaisir à parcourir en compagnie de la cohorte de personnages attachants qui accompagnent la procureure Chastity Riley. Une belle découverte.

Simone Buchholz : Nuit Bleue (Blaue Nacht). Editions L'Atalante, collection Fusion 2021. Traduit de l'allemand par Claudine Layre.


A lire en écoutant : Loreleï de Nina Hagen. Album : Angstlost. CBS Records 1983.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Une chronique, puis deux, puis trois, toutes positives chez des blogueurs de confiance (poke Christophe, the killer inside me) et me voilà embarqué en ambiance noire venue d'Allemagne, avec Nuit Bleue de Simone Buchholz, traduite par Claudine Layre. Bonne pioche : c'est de la bonne littérature. de la très bonne, pure et non coupée !

Mise au placard pour avoir dénoncé des pratiques internes, la procureure Chastity Riley broie du noir dans son commissariat de Hambourg, comme dans sa vie perso. Et sa nouvelle mission de surveillance d'un malfrat hospitalisé, enfermé dans son mutisme n'apparaît pas des plus folichonnes.

Jusqu'à ce que Chastity trouve l'ouverture et que son enquête rejoigne celle de ses collègues des stups qui tentent d'empêcher le port allemand de devenir la plaque tournante d'un méga trafic de drogue. Obstinée, Chastity va remonter la filière jusqu'en Tchéquie et ses villages de production de meth, distribuée ensuite par les réseaux vietnamiens qui inondent Dresde, Leipzig, Berlin, Hambourg ; et demain toute l'Europe de l'Ouest.

Devant des flics débordés par l'ampleur du réseau, la meth envahit les lycées et séduit jusqu'aux plus jeunes. Plus grave, elle est en passe d'être supplantée par le krokodile bien plus dévastatrice et rapidement mortelle. Et au milieu de ces réseaux, un kador devenu notable qui contrôle l'ensemble en toute impunité, et trois seconds couteaux qui ambitionnent de le doubler.

Plus qu'un excellent polar noir, Nuit Bleue est un livre de caractère, tant dans l'efficacité de l'écriture de l'auteure, courte, directe et en partie déstructurée, que dans la belle galerie de portraits de la « Bande à Chastity » : Faller, Wieczorkowski, Calabretta, Rocco, Carla, Klatsche. Une addition d'accidentés de la vie qui gère ses blessures par l'amitié et l'entraide, arrosées par la vodka et la bière du Blaue Nacht.

Nuit Bleue, c'est aussi « le livre dont la ville est le héros », ode amoureuse à Hambourg et à son quartier de Sankt Pauli, qui surplombe l'Elbe et surveille le port. Une ambiance sombre qui colle si bien aux personnages, à commencer par celui de Chastity, annoncé comme récurrent : « Chez moi, tout est toujours rouillé dès le départ ». Pas tant que ça finalement…
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Pas de rencontre avec ce livre
affectionné sur Babelio.
Et pourtant, j'ai arpenté les rues
de Hambourg la nuit avec
ses flics blessés, sa procureure explosée,
ses tendres voyous repentis ...
J'ai bu des bières et des vodka
jusqu'à plus soif...
fumé des camions de clopes avec eux.
Écoutés, leurs rêves brisés,
leur peu d'espoir..
Un polar nocturne dont la construction
m'a échappée et embrouillée ...
Je sors nauséeuse de cette histoire
de Kroko qui bousille les uns
enrichit les autres..
Un polar d'ambiance dans un style enlevé
qui m'a laissée sur place
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À Hambourg, une enquêtrice judiciaire qui sort résolument de l'ordinaire, servie par une écriture magnifiquement inhabituelle dans le roman policier.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/04/28/note-de-lecture-nuit-bleue-simone-buchholz/

Chastity Riley est procureur au parquet de Hambourg. Tombée en disgrâce du fait du dénouement disons « gênant » d'une affaire précédente (dans laquelle se trouvait impliqué son supérieur), elle est désormais affectée exclusivement au suivi des victimes de crimes et délits. Justement, un homme anonyme et taciturne vient d'être amené à l'hôpital, après un passage à tabac allant très loin dans les règles de l'art. Déployant sa personnalité très particulière, elle parvient à nouer une forme de relation avec ce dur-à-cuire qui ne semble pourtant pas vouloir s'en laisser conter. Pendant ce temps, son ami l'ex-inspecteur Faller, tout fraîchement retraité, semble vouloir secrètement reprendre ses anciennes investigations sur le principal criminel de Hambourg, désormais réputé rangé des voitures et au-dessus de tout soupçon, parfaitement inséré dans la haute société de la Ville-État. Lorsqu'en supplément une puissante vague de crystal-meth venue des confins de la Tchéquie semble devoir déferler prochainement sur la ville, Chas va mobiliser l'ensemble de ses ressources si peu orthodoxes pour faire face…

Il faut absolument rendre grâce à la nouvelle collection Fusion, dédiée au polar, des éditions de L'Atalante, pour nous avoir offert la découverte de cette enquêtrice judiciaire réellement pas comme les autres. Dans un contexte allemand qui nous est souvent peu familier, et avec toutes les spécificités de la grande ville portuaire qu'est Hambourg, Simone Buchholz a créé en 2008 un personnage largement hors normes – il faut peut-être bien remonter jusqu'à la Sharon McCone de Marcia Muller, apparue en 1977, pour approcher un tel phénomène -, fille d'une secrétaire allemande et d'un officier américain, investigatrice ayant un gosier nettement en pente et une vie sentimentale oscillant entre le complexe et l'agité, se sentant absolument gauche vis-à-vis de la société et de ses convenances, mais extraordinairement inventive pour en circonvenir les écueils. « Nuit bleue », publié en 2016, et traduit en 2021 en français (fort solidement malgré quelques menues maladresses à propos de football) par Claudine Layre, est le sixième épisode (on pourra à bon droit se demander pourquoi l'éditeur français, à la main ici si heureuse, a néanmoins choisi de nous propulser directement au-delà des cinq premiers) de cette série au succès à mon sens très mérité.

Surtout, l'écriture de Simone Buchcholz, son utilisation redoutable du récit à la première personne, des idiosyncrasies propres à chaque personnage, des tics et des sous-entendus, comme de techniques presque expérimentales pour conduire, par exemple, les flashbacks, impressionne et réjouit : dans un genre littéraire où l'innovation formelle ou technique demeure rare (les émules de David Peace y semblent toujours minoritaires aujourd'hui), elle n'hésite pas à proposer une approche littéraire assez radicalement différente de celles dominant actuellement le champ.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Chastity Riley, la procureure opiniâtre et déjantée qui traîne son spleen de bar en bar est passée sous le rouleau-compresseur du système politico-judiciaire. Celle que j'avais adoré suivre dans les rues du Quartier Rouge d'Hambourg (aux Editions Piranha) est de retour, rangée dans un placard à balais. Désormais en charge de la protection des victimes, Chastity soigne sa frustration à grand renfort de bières fraîches et de vodkas frappées, jusqu'au jour où le devoir l'appelle au chevet d'un homme mutique, laissé pour mort après avoir été roué de coups et amputé d'un doigt. le fantôme anonyme s'entête dans son silence, et il faudra à notre magistrate beaucoup de patience et de vin pour éclaircir l'affaire dans laquelle trempe le bonhomme taciturne ; et par la même occasion pour mettre le pied dans un sordide engrenage de violence.

Avec un style transfiguré, syncopé et corrosif, Simone Buchholz dévoile les rouages du système judiciaire en mettant à nu les liens tissés par la mafia pour étendre son emprise jusque dans les sphères les plus élevées. Alors même que sa protagoniste, dilettante du relationnel à l'âme verrouillée, s'enlise face l'impuissance des forces de l'ordre, Buchholz se révèle et s'impose. Elle se détache des carcans du genre pour mieux asseoir sa griffe, tour à tour tendre et explosive, amère puis réconfortante. L'autrice lacère le système démissionnaire et corrompu, encore prisonnier des stigmates laissées par la chute du rideau de fer.

le temps s'étire sous le ciel lourd du port d'Hambourg, plaque tournante du trafic de drogue et personnage principal de ce roman. L'amitié semble s'ériger en dernier rempart contre les démons qui prennent au corps ; les irréductibles compagnons de Chastity, tous plus attachants les uns que les autres, se font les archanges de la vérité, les coudes sérés aussi fort qu'ils ne se lèvent à la première occasion. Nuit Bleue est un roman noir teinté de rouge et d'azur, d'amitié et de ténacité, qui se lit d'une traite et se referme le sourire aux lèvres, nous laissant convaincus d'avoir découvert en Chastity Riley une enquêtrice hors pair et en Simone Buchholz une autrice de grand talent.
Trad. Claudine Layre
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critiques presse (1)
Actualitte
03 mars 2021
Emporté par le rythme des phrases et des dialogues comme dans un match de ping-pong, le roman démarre par une scène burlesque sur une route de campagne, pour finir en apothéose dans le stade de football de Sankt Pauli…
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
J’ai la nausée, j’ai avalé trop de dossiers. Ce n’est pas tant à cause de la quantité que du contenu. J’étais déjà au courant, mais se les coltiner d’un seul coup sous une forme compacte, c’est jeter une lumière abjecte sur ces affaires. Et un éclairage impitoyable sur notre institution. Si l’Albanais a pu régner à sa guise aussi longtemps sur cette ville et s’il habite une villa des beaux quartiers du bord de l’Elbe, revêtu d’une veste blanche étincelante, ce n’est pas la faute de la police. Elle a fait son travail aussi bien que possible. Mais, bizarrement, il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas. Des mandats de perquisition émis par le parquet arrivaient trop tard ou pas du tout. Des procédures étaient tout simplement ralenties ou arrêtées, soudain des témoins disparaissaient ou mieux encore : mouraient.
J’ai vécu tout cela de l’intérieur. C’est incroyable le nombre de bâtons qui nous ont été mis dans les roues ces dernières années. Mais en étant soi-même impliqué, on ne se rend pas compte à quel point tout cela obéissait à une méthode : c’était comme si quelqu’un avait construit autour de l’Albanais une bulle protectrice invisible pour les enquêteurs. Comme si quelqu’un avait veillé dans l’ombre à ce qu’on ne trouve aucune preuve tenant la route devant un tribunal. Impossible que le procureur général Schubert ait été le seul responsable, lui qui s’est retrouvé plongé dans cette histoire plus ou moins contre son gré. Il existe sans doute un individu plus haut placé qui tire les ficelles, qui dispose de très nombreux moyens pour diriger la pièce qui se joue dans notre ville. Des gens qui ont de l’argent et de l’influence et qui craignent de les perdre. À partir d’un certain point, les riches ne sont plus guidés par la cupidité mais par la peur.
Le dossier où il est une dernière fois explicitement question de Gjergj Malaj date déjà de plusieurs années. Il semblerait qu’il se soit complètement retiré des affaires.
Il se contente désormais d’administrer son empire. Ce sont les autres qui font le travail à sa place, et de telle manière qu’on ne peut remonter jusqu’à lui.
Je comprends que ça le rende fou, Faller, surtout après tout ce que Malaj lui a fait subir. Mais pourquoi vouloir lui faire mordre la poussière maintenant ? Et comment peut-il croire que ça va marcher ? Je n’ai aucune idée de ses intentions.
Une chose est sûre : il croit y arriver plus facilement maintenant, à sa façon, qu’à l’époque où il était encore en service. L’État peut se mêler des enquêtes du flic Faller mais pas de celles du retraité Faller. Sauf que : en découdre avec l’Albanais est beaucoup plus dangereux pour le retraité que pour le flic.
À moins d’avoir toujours un partenaire fiable à ses côtés et une arme chargée sur soi.
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Dans mes mains, le costume lourd et noir. Un tissu de prix, aucune étiquette. Visiblement fait sur mesure. La chemise noire est anglaise, les chaussures américaines.
Autour de moi, les murs sont gris clair et brillants. Sous mes pieds, le lino glissant engloutit bruits et odeurs, et la lumière des néons la moindre chaleur.
J’aimerais presque avoir quelqu’un à mes côtés.
C’est comme à chaque fois que j’ai entre les mains des trucs de ce genre, des vêtements, l’arme du crime ou d’autres objets ensanglantés ayant été en contact avec une personne qui ne s’en est pas très bien sortie. Je m’imagine qu’ils vont me parler, me raconter un peu ce qui s’est passé. Comme s’ils avaient une mémoire. Mais à chaque fois je ressens seulement une impression. Aujourd’hui :
Ce n’était pas le fruit du hasard.
Je remets tout dans les poches plastique, ôte les gants et remercie les collègues de la Scientifique penchés au-dessus de leurs microscopes dans la pièce attenante. Puis je prends l’ascenseur au bout du couloir et me rends quelques étages plus haut pour examiner Calabretta.
Avant, j’étais souvent à l’hôtel de police. Maintenant, j’évite. Parce que j’ai la sensation qu’on me regarde. Ma vie est devenue tellement zigzagante : il y a quelques années, elle suivait presque une ligne droite, même si j’avais déjà tout le temps l’impression de rater les virages.
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Au Blaue Nacht, c’est plein à craquer maintenant. En plus des hipsters de tout à l’heure et des dizaines de gens sympas entre vingt et cinquante ans, il y a aussi des anciens combattants. De vieux habitués du temps d’Ali pour qui ce bar est toujours leur salon, alors qu’Ali n’habite plus Sankt Pauli mais de nouveau sur la Riviera turque. Klatsche a en effet gardé les meubles et le comptoir graisseux ainsi que tout l’inventaire humain. Sauf qu’il n’a ni poli ni rénové les dames au verbe haut et les messieurs au gosier en pente. Ils ont gardé leurs lézardes et leur visage tout patiné – parfois, quand on les touche à un endroit esquinté, ça poisse un peu.
Je m’assieds à l’extrémité du zinc côté rue, c’est la dernière place libre. Ce n’en est pas vraiment une d’ailleurs, c’est le coin à courants d’air près de la fenêtre où personne ne s’assied jamais. Moi, j’aime bien. Tout près de l’alcool et de Klatsche, avec vue sur l’ensemble du bar. En faisant un effort et après avoir bu une ou deux bières, on devine à travers la vitre rouge et barbouillée les propos des ladies de la Herbertstrasse en train de négocier leurs honoraires.
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Si à Hambourg quelqu’un se fait tabasser, tirer dessus ou écraser par une voiture et se retrouve à moitié mort, si quelqu’un est poussé d’un pont ou d’un immeuble et survit, c’est moi qui en suis chargée.
Mais uniquement de la victime, pas de l’enquête.
Bref, un job super excitant.
Laissez-moi passer, je viens pour tenir la main.
Les premières semaines, je suis sagement restée à couvert et j’ai fait ce qu’on attendait de moi. Désormais, je n’ai plus une vision aussi étroite de mon rôle. Je garde pour moi les rares cas qui me tombent entre les mains, même si ce n’est pas ce qui était prévu. Pour l’instant, personne n’a protesté. Que voulez-vous qu’ils disent ? Nous sommes tous dans la même galère après tout, et elle s’appelle : surtout pas de scandale au sujet du type sans roubignolles.
Voilà.
Dans l’ensemble, je ne suis évidemment guère satisfaite de ce provisoire.
Dans l’ensemble, je m’ennuie tout le temps.
D’où ma folle idée d’excursion.
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En plus, il y a eu usage illicite d’arme à feu.
Que j’aie sauvé la vie à Calabretta est une chose, que j’aie tiré non pas dans la jambe mais dans les bijoux de famille d’un sale type en est une autre. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui, je n’ai plus jamais entendu parler de cette affaire et il n’y a pas eu le plus petit entrefilet dans la presse. Aucune idée de la manière dont les collègues s’y sont pris, je ne veux pas le savoir de toute façon. Ils m’ont assuré que je n’avais rien à craindre, ils ont confisqué le pistolet militaire de mon père et, dans un premier temps, ils m’ont retirée de la circulation. Après m’avoir laissée plusieurs mois en plein no man’s land, ils se sont pointés avec un nouveau job. Un poste créé spécialement pour moi : la protection des victimes.
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