Si un écrivain ne réussit pas à créer, il est mort.
Il sortit. Nuit. Etoiles. Lune. Circulation. Sa voiture. Il ouvrit la porte, monta, démarra.
Il était fort, mais sa force était impure, elle mendiait.
J’écrivais des poèmes et des lettres toutes les nuits, j’étais con comme un balai.
- File moi un clope, a dit George.
Elle lui en a donné un, et comme elle se penchait, George l'a enlacée, attirée vers lui et embrassée.
- Espèce d'enfant de pute, elle a dit, tu m'as manqué.
- Tes sacrées guibolles m'ont manqué, Connie. J'ai vraiment regretté tes guibolles.
- Tu les aimes toujours ?
- Je m'excite rien qu'a les voir.
- J'ai jamais pris mon pied avec les étudiants, a dit Connie. Ils sont trop doux, on dirait du petit-lait. Et puis il arrêtait pas de briquer sa maison. T'aurais vu ça, une vraie ménagère. Il faisait tout. Il sautait sur la moindre tache. On aurait pu bouffer dans les chiottes, tellement c'était nickel. Il était Aseptisé, voilà c'qu'il était.
- Bois un coup. ça ira mieux.
- En plus, question sexe, zéro.
- Tu veux dire qu'il bandait pas ?
- Si, il bandait. Il bandait tout le temps. Mais il ne savait pas comment rendre une femme heureuse, tu vois. Il savait pas quoi faire. Tout ce fric, tous ces diplômes - pour que dalle.
(in "Un Homme")
On commençait seulement à les entendre quand ils constataient qu'on avait usé le talon de la semelle de nos chaussures. Ils nous envoyaient illico presto dans un petit magasin bon marché où, pour un prix raisonnable, on trouvait des talons, des semelles et de la colle.
Ça fait du bien d’affronter de l’hostilité ; ça aide à garder la tête froide.
L’humanité pue, c’est bien ça ?
– Exactement.
Mais je ne peux m’empêcher de songer aux années passées dans des piaules solitaires, quand les seules personnes qui frappaient à la porte étaient les proprios réclamant l’arriéré du loyer, ou le F.B.I. Je vivais en compagnie de rats, de souris, de cadavres de bouteilles ; je grimpais aux murs dans un monde que je ne comprenais pas et que je ne comprends toujours pas. Je préférais crever la dalle plutôt que de vivre leur vie ; je filais me cacher au fin fond de mon propre esprit. Je fermais tous les volets et contemplais le plafond. Quand je sortais, j’allais dans un bar où je mendiais un verre ou deux, je faisais des courses, j’étais passé à tabac dans des ruelles par des hommes bien nourris vivant dans l’aisance, des hommes sans passion, mais nantis d’un compte en banque. D’accord, j’avais parfois le dessus, mais seulement parce que j’étais cinglé. J’ai passé des années sans femme, à bouffer du beurre de cacahuète, du pain rassis et des patates bouillies. J’étais le crétin de service, le dindon de la farce, imbécile malheureux. Je voulais écrire, mais ma machine était invariablement au mont-de-piété. Je baissais les bras et me mettais à picoler…
Je me contrefoutais de la menace communiste ou de la menace nazie. Je voulais me soûler, je voulais baiser, je voulais bouffer, je voulais chanter au-dessus d’une chope de bière dans un bar cradingue et fumer un cigare. Je n’étais conscient de rien. J’étais une dupe, un instrument.