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3,68

sur 479 notes
Voici un témoignage de très grande valeur puisque William Burroughs nous fait le récit de sa propre expérience de la drogue. À travers ce témoignage tout à fait honnête, il relate comment il a « appris l'équation de la came. La came n'est pas, comme l'alcool ou l'herbe, un moyen de jouir davantage de la vie. La came n'est pas un plaisir. C'est un mode de vie. ». La drogue prend assez vite une place immense dans sa vie et il en devient complétement obnubilé, jusqu'à considérer que « c'est un fantôme diurne dans une rue encombrée ». Après un énième sevrage et une énième rechute, il écrit d'ailleurs « j'étais donc repris par la came » et non « j'ai donc repris de la came », révélant ainsi l'emprise totale de la drogue sur sa vie et sur son libre-arbitre.

La parution de ce livre était un véritable exploit dans la société américaine puritaine et bien-pensante d'après-guerre en plein crise d'identité et au bord de la dépression nerveuse. C'est Allen Ginsberg, chef de file de la Beat Generation, qui cherchera un éditeur pour le manuscrit et c'est Carl Solomon qui, dans un moment de bravoure, le publiera … A l'époque, le simple fait de parler d'herbe dans l'autobus ou dans le métro était passible d'arrestation ! L'Amérique est alors dans un délire complétement schizophrène et ira jusqu'à engager des drogués dans la police pour pénétrer le milieu et arrêter ainsi les consommateurs et les petits dealers. On nage en pleine délire.

Burroughs décrit son désoeuvrement et sa lente déchéance physique et psychologique. Au passage, il évoque de façon métaphorique l'accident mortel de sa femme. Tous les milieux socio-professionnels sont touchés aux Etats-Unis, cela va des chômeurs paumés et des artistes jusqu'aux matelots, aux barmen, aux livreurs, aux croupiers et aux petits salariés. Les uns sont pauvres et dans la dèche, les autres sont nantis et proviennent de bonne famille, comme l'auteur.

Pas question ici de délire halluciné et déjanté mais plutôt de la petite vie banale et minable des drogués, ce qui fait de ce livre un excellent antidote contre la drogue, je pense. D'ailleurs, quand je m'en suis emparée je me suis demandée si c'était une bonne idée de le laisser trainer (oui je laisse trainer mes livres un peu partout, puisque je lis un peu partout…) dans une maison où vivent trois ados en quête d'identité et peut-être aussi de sensations fortes. Eh bien très vite j'ai pensé que si l'un de mes fils tombait dessus et en commençait la lecture cela ne pourrait lui faire de mal, en fait. Au contraire d'autres livres comme « l'herbe du diable et la petite fumée» de Castaneda qui présente les psychotropes sous un aspect beaucoup plus séduisant.

Alors bien sûr je reste avec cette question : pourquoi ce type, Burroughs, qui a « tout pour être heureux », intelligence, richesse, culture, se met-il à se droguer ? Pourquoi cette sensation de vide que rien ne peut combler ? Comment l'écriture et l'art ne suffisent-ils pas à lui donner un sens à sa vie, à l'épanouir, à le rendre heureux (moi je croyais naïvement qu'un écrivain publié ne pouvait être qu'un homme heureux) ?

Une piste de réponse se trouve peut-être dans cette déclaration de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. » Malheur que certains oublieront dans la dope, dans l'alcool, dans un excès de travail ou de sexe. Ou dans une orgie de lecture !

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Nous nous retrouvons sur le site Babelio entre consommateurs de produits culturels imprimés, des livres, et le secteur économique que nous
faisons vivre est chaque jour matraqué par une inlassable propagande. Selon les termes de cette propagande, on n'écrit de livres que pour promouvoir ceci (une abstraction molle, en général) ou dénoncer cela (une autre abstraction molle, comme "la haine") : les figures du publicitaire et du militant se confondent pour nous avec celle de l'artiste. Aussi n'est-il pas étonnant que nous cherchions dans le livre de William S. Burroughs ou une apologie de la drogue, ou une dénonciation de la drogue, puisque l'univers où nous vivons retentit d'apologies et de dénonciations : notre univers est juridique, peuplé de mouchards, de policiers (on écrit même des romans sur eux), d'avocats et de procureurs. Parallèlement, le monde de "Junky" est aussi plein de flics, justement, d'avocats et de médecins inquisiteurs, parmi lesquels évoluent les drogués. Se demander s'ils sont bons ou méchants, c'est faire preuve de sottise, de soumission intellectuelle aux bateleurs du moment : chez Burroughs personne n'est bon ni méchant, car l'univers du livre est construit comme le nôtre sur des lois impersonnelles, pénales ou physiologiques (le manque, le sevrage, la satisfaction). Devant cet univers romanesque où la morale n'a aucune place, le lecteur, s'il veut vraiment lire le livre, doit suspendre son jugement moral. Il ne doit même pas essayer de justifier les drogués au nom du plaisir qu'ils prennent à leur drogue : Burroughs rejette catégoriquement cette excuse hédoniste soixante-huitarde, comme toutes les autres. "Le plaisir qu'on tire de la came est de vivre sous sa loi", écrit-il. N'opposons pas puérilement les méchants policiers aux gentils hors-la-loi qui se révoltent en se droguant contre un ordre social injuste et puritain, nous dit Burroughs : chacun vit sous sa loi propre et tire son bonheur de lui obéir. C'est tout.
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C'est... en fait on ne peut réellement qualifier ce texte. Il ne fait pas l'apologie de la came et de la défonce, non. Mais on y sent une fascination pour elles. C'est extrêmement lucide ; Burroughs y a beaucoup réfléchi et pris de la distance, pour nous parler de son expérience. de ses expériences : came, sevrages, abus d'alcool, substances douteuses... Il n'est pas tendre, ni avec lui ni avec les autres camés. Il est également à la dérive, comme devaient l'être beaucoup de jeunes gens lors de cette période troublée : la guerre, l'intolérance juridique à tout ce qui sort d'un certain cadre. Qu'il soit devenu un des étendards de la révolte et de la contestation des années 1960-70 n'est pas une surprise. Il ne vit, et ne veut pas vivre, dans un cadre normé ; la drogue est presque un hasard, mais qui deviendra un hasard destructeur.
Je ne peux pas dire que c'est un beau texte. Mais que c'est un texte que j'ai aimé, pour ses images, pour son ironie parfois et pour son honnêteté. C'est un texte cru, qui n'épargne pas son lecteur ; et c'est bien pour ça qu'il est devenu culte.
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Parfait pour lire à la plage! Beaucoup d'humour dans ces pages où l'auteur, loin du misérabilisme auquel le sujet pourrait prétendre nous amuse avec les histoires de dealers, de grossistes, de camés et de policiers. Sans doute est-ce complétement daté, mais cela fait partie du charme du récit.
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Je suis passée à côté de ce récit.

Je suis bien consciente que Burroughs est une figure importante de la Beat Generation mais mon dieu les "pédés" balançaient à tout bout de champs, les tournures de phrase clairement révoltantes sur les Juifs, tout ce vocabulaire met clairement sorti par les yeux et cela m'a profondément énervée. Je sais aussi que c'est une oeuvre à replacer dans le contexte de l'époque et dans son courant littéraire mais là ça ne l'a tout simplement pas fait.

Du coup j'étais très détachée avec cette lecture et aucune émotion ne s'en ait dégagé. Les tourments et pensées d'un junky, une écriture brute. le voir se détruire devant nous. On voit à quel point cette addiction tue, à quel point ils veulent décrocher, et sitôt qu'ils ont réussi comment ils replongent, les astuces pour se shooter un max sans avoir les produits habituels, les magouilles des dealers, les fausses ordonnances, les centres de désintox.

On voit l'addiction à la drogue sous toutes ses coutures et les mécanismes psychologiques qui y sont liés.
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L'auteur nous détaille avec précision la vie quotidienne d'un camé, aussi bien son état physique que moral : « on ne décide pas d'être drogué. Un matin, on se réveille malade et on est drogué. ».
La dépendance, le sevrage sont racontés d'une façon tellement réelle que l'on ressent le vécu de l'auteur :« La came est une nécessité biologique quand vous êtes accoutumé ; c'est une bouche invisible. Quand vous injectez votre came, vous êtes content, comme quand vous venez de vous tapez un bon repas. Mais avec la coke, vous voulez vous repiquer dès que les effets s'estompent. », « La came inocule la mort et laisse le corps en état de perpétuelle alerte. ».
Un roman ou l'auteur se met à nu, un grand texte sur la vie d'un junky, sur l'obsession de la prochaine seringue, l'obsession de trouver un dealer, un médecin prêt à faire une ordonnance. Il dénonce aussi le gouvernement américain et la répression très dure faite à l'égard des toxicomanes. Une oeuvre d'une force incroyable.
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Publié en 1952, Junky est le premier roman de William Burroughs, une des principales figures de la Beat Generation avec Jack kerouac et Allen Ginsberg.

Comme son titre l'indique, le roman évoque essentiellement et de manière trés décousue, les rapports du personnage principal, William Lee, avec la drogue. de New York au Mexique en passant par la Nouvelle Orléans, William Lee est pris dans le tourbillon de la drogue et ne cotoie pratiquement plus que des camés. Son quotidien n'est fait que de recherche d'argents, de drogues, d'ordonnances et de moyens pour échapper à la police.
Les années passent et se ressemblent : la came, la desintoxication, le manque et à nouveau la came.

William Burroughs, dans ce roman sans doute en grande partie autobiographique, parvient à décrire très précisément les sensations liées à la drogue et au manque.
Un roman interéssant et bouleversant.
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Ce livre porte bien son nom puisqu'il peut paraître décrire de manière très documentaire ce que l'auteur appelle "l'équation de la drogue", le cycle infernal qui s'installe dans la recherche du lâcher prise ultime.

D'une très belle plume, qui lui est si particulière, Burroughs réussit à retranscrire et à construire à nos esprits le système de pression/dépression incessante de la drogue. Et il retranscrit surtout merveilleusement le microcosme des paumés et des drogués d'une ville américaine en plein milieu des fifties !

Loin d'être un simple documentaire sur la drogue et la vie qu'elle impose comme certains semblent le dire, Burroughs ici nous donne l'occasion d'entrer en contact profondément avec tout ce qui justement se cache derrière ce monde crasseux de a drogue. C'est donc souvent bien plus profond qu'on ne le pense si on en reste pas sur une réaction épidermique dès lecture d'un des innombrables noms de drogues ou de raclures écumants les bas fonds d'un métro étrange !
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Je n'avais pas accroché à Burroughs, au contraire de Kerouac, Cassady ou Bukowski.
Ce livre me réconcilie totalement avec Bill.
Ce livre qui est d'une écriture lucide, implacable dans ses descriptions, mais est tout aussi imagée.
Ce livre, alors que les vécus qui y sont relatés sont plutôt terribles. est carrément drôle, putain oui. le ton de Burroughs fonctionne sur moi.
J'ajoute que, ce livre est plus instructif que bien des livres sur la toxicomanie.
Et je termine en disant que ce livre équivaudrait presque à un stage dans une institution spécialisée.
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"Junky" est le premier roman de William Burroughs, rédigé dans le contexte difficile de l'Amérique puritaine des années 50, surtout quand il s'agit de traiter du sujet de la drogue sous l'angle du consommateur. Dans la préface, Allen Ginsberg (agent littéraire improvisé de la Beat Generation) nous fait part d'ailleurs de la difficulté que fut de parvenir à publier ce texte controversé pour l'Amérique blanche bien-pensante.

Bill Lee, issu d'une famille aisé, décide un beau jour de s'essayer à la came pour une raison qui lui échappe totalement. Pour se faire, il essaie le vol de portefeuilles dans le métro mais abandonne très vite. Il tente alors de refourguer de la drogue, ce qui lui permet d'en garder pour sa propre consommation. On le suit dans cet enfer, où les junkies essaient d'obtenir de fausses ordonnances pour de la morphine auprès de médecins peu scrupuleux quant à l'éthique de leur profession et où la prison guette à chaque pas. L'aventure se poursuivant jusqu'à la Nouvelle Orléans puis au Mexique pour se terminer sur le projet de trouver du yage (l'ultime défonce selon lui), destination la Colombie, ce qu'il racontera dans d'autres livres.

Burroughs n'oublie pas aussi de digresser sur ce qu'il appelle un style de vie, sur cette fascination qu'il a pour l'univers de la came sans jamais se faire moralisateur, rédigeant finalement une chronique d'un accro à la drogue dans les Etats Unis des années 40 et 50.

Chose curieuse : sa femme est quasi inexistante, ses apparitions se faisant sporadiquement à quelques rares occasions, son nom n'étant jamais mentionné.

Dans un passage fameux où le "cold turkey" (manque) se fait sentir, Burroughs, sans le savoir, nous donne une des clés pour mieux comprendre ce qu'il fera ultérieurement (dans le "Festin nu" par exemple), décrivant un cauchemar ou une vision hallucinée proche du délirium tremens des alcooliques, des rues pleines de scolopendres géants et des scorpions énormes sortant des bars, des cafétérias et des drugstores de la 42e rue, dans un New-York apocalyptique. Il ne sait pas encore à ce moment à quoi cela aboutira par la suite.

La question qui nous vient aux lèvres, à la lecture de ce livre, est qu'est-ce qui pousse une personne venant de la bourgeoisie à se droguer ? La réponse est peu aisée d'autant plus que l'auteur ne le sait pas lui-même. Cette réponse est peut-être à chercher du côté du caractère névrosé du personnage que l'on sait peu doué pour les relations avec autrui, probablement la peur d'être aimé puis d'être abandonné ensuite ou une sorte de mal-être vécu depuis son adolescence, sans oublier son homosexualité inavouable dans un monde fortement homophobe. Ce sont toutes ces petites choses qui ont fait de William Burroughs, l'écrivain que l'on connait aujourd'hui.

C'est un roman, in fine, qui se fait clair, limpide, dans une écriture narrative agréable à lire; la première pierre déposée dans l'oeuvre de ce grand écrivain du XXe siècle.
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