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4,08

sur 2960 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un roman hors du commun, où rien ne se passe, sauf le temps.
267 pages pour raconter qu'il ne se passe rien, c'est fort. Fort comme le fort Bastiani, première affectation du jeune lieutenant Giovanni Drogo.
Vieille bâtisse qui marque la frontière avec l'état voisin, le Royaume du Nord, cette citadelle domine le désert des Tartares, dont la dernière invasion remonte à la nuit des temps et est devenue un mythe.
Plein d'espoirs et de rêves d'aventure et de gloire, Drogo, comme tous les habitants du fort, vit dans l'attente d'un destin héroïque : une guerre qui donnerait un sens à sa vie. Il sera vite refroidi dans son ardeur en découvrant la vie austère et morne du fort. Et pourtant, toute sa vie, il ressentira la « profonde certitude que ce que la vie avait de bon n'avait pas encore commencé » (chapitre XXVI).

Le désert des Tartares est le roman de la fuite du temps, à l'image du goutte-à-goutte de la citerne qui suinte, qui commence par énerver Drogo, puis dont il s'accommode (chapitre IV). le cours du temps ne propose pas de marche arrière : « A un certain point, presque instinctivement, on se retourne et l'on voit qu'un portail s'est refermé derrière nous, barrant le chemin de retour » (chapitre VI). Mais Drogo ignore ce qu'est le temps et pense, à tort, en avoir beaucoup devant lui.
Le désert des Tartares est également le roman des occasions manquées : « Ce qui était bon était en arrière, très en arrière, et il est passé devant sans le savoir » (chapitre VI). Or, le temps perdu ne se rattrape pas : « Trop tard, l'occasion était passée à côté de lui et il l'avait laissée s'enfuir » (chapitre XV).
Le désert des Tartares est aussi le roman de l'attente et de l'indécision. C'est notamment le poids des habitudes qui finit par retenir Drogo au fort : « Au rythme monotone du service, quatre mois avaient suffi à l'engluer » (chapitre X). Incapable de prendre une décision tout seul, Drogo ne sollicite pas le rendez-vous avec le Général ; c'est sa mère qui s'en charge ! (chapitre XX).
Le désert des Tartares est enfin le roman de la désillusion. Les années s'accumulant, Drogo en vient à douter : « S'il n'était qu'un homme quelconque à qui revient un médiocre destin ? » (chapitre XXI). « Giovanni regardait autour de lui avec effroi, sentant décliner son propre destin » (chapitre XXV). de plus, ce qui était arrivé au jeune Drogo arrive désormais aux officiers plus jeunes : les mêmes faits se renouvellent, la vie semble être un cycle et Drogo n'arrive-t-il pas au terme de son cycle ?

La lecture de cette oeuvre magnifique me fait penser à la réflexion de Mark Twain : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et le jour où vous découvrez pourquoi ». Drogo n'a pas découvert pourquoi il est né ; ou plutôt, il n'a pas pris le temps de le découvrir. Il a été emporté par le sortilège du fort Bastiani : « Adieu, mélancolique ami qui n'es plus capable de t'arracher à cette bâtisse ; et adieu à tant d'autres qui te ressemblent, qui, comme toi, se sont obstinés à espérer : le temps a été plus rapide que vous et vous ne pouvez pas recommencer « (chapitre XVII).
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Ce roman intemporel m'a donné une claque. Je le rapproche du roman de Kazuo Ishiguro « Les vestiges du jour ». Tous deux sont pour moi les descriptions terrifiantes d'une vie passée à rester immobile ( le majordome) ou à rêver de chimères ( le soldat). Ce sont des romans à lire comme un avertissement quand on commence à laisser sa jeunesse derrière soi, pour ne pas gaspiller les années qui restent. Ce que les deux héros ne font pas. On a envie de les secouer et de leur dire : « regarde, au nom du dévouement, au nom de la conscience professionnelle, au nom du service, par paresse, par habitude, tu as renoncé à la vraie vie, à l'amour, à la curiosité, à la réflexion. »
Combien parmi nous se laissent séduire par la facilité, engluer par la routine, se mentent à eux-mêmes, se prétendent audacieux mais ne font pas l'effort de vivre pleinement ?
Ne rien laisser de soi, c'est normal. Il faut être modeste et objectif, nous sommes ordinaires et on nous oubliera. Mais ne rien se laisser à soi-même, c'est atroce. Si on n'en est pas conscient, tant mieux. Mais si on se réveille de sa léthargie, alors commencent les regrets, les frustrations et c'est insupportable. Les héros de ces deux romans sont nos miroirs. Miroir du Rised, terni par une vie fade et paresseuse. Ne soyons pas comme eux. Eveillons-nous ! Que les lectures de ces deux livres nous servent à quelque chose !

Lien : https://veroniquepascual.fr
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Un livre qui nous fait comprendre que te temps passe vite, qu'il ne faut jamais attendre et rester fidèle à ses amis
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Certains romans nous happent dès les premières lignes. A peine la lecture entamée et nous voilà plongés, entraînés dans l'univers de l'auteur. le plus souvent, il en faut un peu plus avant de se laisser embarquer dans une histoire. Mais parfois, c'est difficile, le déclic espéré ne se produit pas et l'on a beau essayer de s'accrocher à l'histoire rien n'y fait. Dans ces cas-là en général, j'abandonne. Daniel Pennac l'a dit, on a le droit ! Pourtant, j'avais tellement envie de lire ce livre dont j'ai entendu/lu tellement de bien. Alors, je me suis accrochée et ça a été laborieux, pendant presque un tiers du roman, puis… d'un coup, c'est arrivé ! Maintenant, je peux à mon tour dire, comme tant d'autres avant moi : quel livre !

Attendre, attendre, attendre… A cela se résume la vie de Drogo et des autres militaires affectés au fort Bastiani. Des journées interminables, une routine immuable, un règlement strict et tout cela pour garder une frontière morte, guetter une hypothétique attaque qui ne vient jamais. Alors l'ennui forcément, l'imagination qui se met en branle et le rêve d'une bataille, enfin ! Mais il faut encore attendre, attendre, attendre… Les hommes ne quittent pas le désert des yeux, hypnotisés par ce morne horizon, l'esprit enfiévré par la bataille à venir et les rêves de gloire. Attendre, attendre, attendre… Et passent les semaines, les mois, les années… Les jeunes et fringants officiers sont devenus vieux, mais attendent encore et toujours. Une vie d'attente, de vaine attente, une vie qui n'aura pas été vécue.

Etonnant comme un roman dans lequel il ne se passe rien (ou presque) peut être à ce point passionnant. Là réside le talent de l'écrivain, qui transporte son lecteur dans ce fort loin de tout, d'étés étouffants en hivers glacials, des murs de pierre nus et imposants, à faire face à un désert. Comme pour Drogo et ses compagnons, l'effet hypnotique se fait sentir. le fort est une prison autant qu'une garnison, du désert viendra enfin l'événement qui viendra tout changer, alors… Attendre, attendre, attendre.
Lien : https://tantquilyauradeslivr..
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J'ai un peu plus préféré "Le Désert des Tartares" que le "K" mais je ne peux trop comparer, car pour ce dernier, il s'agit de nouvelles.
L'histoire se déroule au fort Bastiani un endroit perdu, entre le Royaume et l'État du Nord, Giovanni Drogo (pas Khal) est affecté dans ce fort, il le restera jusqu'à sa mort au rythme des "cérémonials", des activités routinières, attendant une vaine gloire. Drogo est comme pris par une force mystérieuse dans cette région, il est comme subjugué.
Les aléas de la vie en garnison, l'attente d'une attaque du royaume du nord, le feront rester dans ce fort de nombreuses années, et sera même nommé commandant, mais finalement commandant de quoi ?
Une vie qui montre une certaine absurdité.
J'ai perçu dans ce roman une morale, une leçon sur le temps de la vie, ce que l'on en fait.



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Lu après le rivage des Syrtes, ce livre métaphorique sur la guerre qu'on attend, fait penser également à un autre livre : un balcon en forêt. La guerre, le conflit, l'action sont ardemment désirés, alors même que presque tous les soldats que j'ai rencontrés m'ont raconté les longues attentes, l'inaction et la tentative de trouver une raison d'être à la situation quitte à s'inventer des batailles.
C'est très bien écrit et traduit et j'ai encore en tête l'image poussiéreuse et brûlante de bout du monde que m'a laissé ce livre.
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Il y a des héros avec lesquels on se sent des affinités. le lieutenant Drogo est, pour moi, l'un de ceux-là. A vingt ans, sa solitude répondait à la mienne. Aujourd'hui, il m'est plus que jamais frère. On peut, sa vie entière, attendre par sens du devoir et par espoir, laisser passer son existence et peut-être manquer l'évènement qui vous a toujours mobilisé.
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Ce livre est puissant de sensibilité et de tristesse. Notre Drogo est rempli d espoir de hauts faits d armes, de combats héroïques et de médailles prestigieuses Mais entre les rêves et la réalité se trouve le Désert des Tartares...
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" Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation. C'était là le jour qu'il attendait depuis des années, le commencement de sa vraie vie. Maintenant, enfin, les chambrées glaciales et le cauchemar des punitions étaient du passé. Oui, maintenant il était officier, il allait avoir de l'argent, de jolies femmes le regarderaient peut-être, mais au fond, il s'en rendit compte, ses plus belles années, sa première jeunesse, étaient complètement terminées. Et, considérant fixement le miroir, il voyait un sourire forcé sur le visage qu'il avait en vain cherché à aimer."
Ainsi s'ouvre l'un des romans les plus fascinants de la littérature italienne, le Désert des Tartares, de Dino Buzzati, publié en 1940, 1949 pour la traduction française. À travers l'histoire de Giovanni Drogo, un jeune militaire rêvant d'une gloire qui ne viendra jamais, c'est une véritable quête existentielle à laquelle nous convie l'écrivain. Récit de guerre sans bataille, récit d'aventure sans action, l'auteur signe une oeuvre singulière, paradoxale, d'autant plus passionnante qu'il ne s'y passe rien ! Car le vrai sujet du roman n'est pas la vie de garnison, mais le passage inexorable du temps, avec son cortège de désillusions. le vrai héros n'est pas le conquérant, mais l'homme humble qui baisse les armes et se prépare pour l'ultime épreuve de la mort.

Lien : https://www.franceinter.fr/e..
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Attendre que quelque chose arrive, que notre vie aie enfin un sens. S'assurer d'être prêt, "au cas où"... Mais lorsqu'on s'aperçoit qu'il faut agir, que le moment est venu, on se rend compte d'avoir tout raté car l'action ne nous est plus possible, après toutes ces années d'attente. Car l'ennemi ne viendra pas du fin fond du désert. L'ennemi était déjà là, en nous et c'est là qu'il fallait le combattre (si l'on peut). Sans attendre !
Le livre de Buzzati, maintenant devenu un classique, est à relire régulièrement pour ne pas oublier la leçon.
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