Merveilleuse, émouvante Hélène, fervente sous son apparence frêle! Hélène trop souvent effacée par le succès de son mari, si tôt disparu. Elle qui n'a jamais cessé de faire perdurer l'oeuvre de l'être aimé, elle mérite aussi d'être entendue. Ecoutez-la!
Une voix ténue mais vibrante, un regard de jais s'émerveillant de la nature, une telle délicatesse , un tel élan dans les mots... A la lecture de ces poèmes, publiés quelques années après la mort de René- Guy Cadou, quelle émotion ! Les yeux s'embuent, le coeur se serre mais s'ouvre aussi, face à l'intensité des vers, à la claire évidence de l'amour, toujours présent malgré la séparation, à la beauté limpide des images, où la source, les bois, le village, les oiseaux sont un baume au coeur, les amis qui consolent également. Où le goût de la vie est plus fort que tout.
Me font toujours frissonner ces vers, véritable ode à l'amour fou:
" Je sais que tu m'a inventée
Que je suis née de ton regard...."
Le recueil entier est empli de grâce et d'étincelles, de douceur et de passion.
" Le jour s'éveille en colombe
Sur la gorge de la lumière
Je ris de voir que tu es là
Et que le monde en vaut la peine
Le ciel respire ce matin
A la mesure du bonheur
Et la route s'ouvre au soleil. "
Hélène, j'écoute ardemment votre chant, j'en aime la lumière au-delà des chagrins et des doutes. Vous êtes mon soleil, mon " bonheur du jour"...
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Je sais que tu m'as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais la lumière aux arbres
Mais depuis que tu m'as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m'applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t'obliger à vivre encore
( hommage émouvant à son mari...)
Comme une fenêtre qui s'ouvre
Comme une rose qui s'éveille
Je te retrouve chaque jour
Toi qui me donnes la raison
Par toi je dispose du ciel
Et j'ose prendre sans remords
Ma part vivante des choses.
S'il est dans l'ordre de l'été
Que chaque arbre ait double visage
Je me nourris de ta lumière
Et ne veux plus être pour toi
Que ton poids d'ombre sur la terre.
Donnez-moi le nom secret des êtres
Afin qu'en eux mon coeur pénètre
Comme une eau douce au mois de Juin.
J'écoute un chant qui ne peut plus s'éteindre
Qui porte en lui tous les bonheurs et tous les cris
Est-ce une flûte ? Est-ce une lampe
Que tu me tends ô poésie?
Je marche à la rencontre du jour
Et je vois la beauté invisible du monde
Telle une haute flamme
Dans les regards amis.
Pour croire encore au bonheur
Il suffirait qu'un oiseau passe
Dans les fontaines du ciel
Que le feuillage d'un arbre
S'éveille à la grâce du givre
Écoute mon coeur est vivant
Ce soir au creux de la neige
Les choses lentement renaissent
Comme autrefois dans la chambre
La lampe fait son office
Et voilà que je te rejoins
Sur les hauteurs du silence.
Pour que ton ombre s'y repose
La neige est tendre sur ma gorge
Et le ciel retient le jour.
Le jour s'éveille en colombe
Sur la gorge de la lumière
Je ris de voir que tu es là
Et que le monde en vaut la peine
Le ciel respire ce matin
A la mesure du bonheur
Et la route s'ouvre au soleil.
Poèmes extraits de le bonheur du jour suivi de Cantates des nuits intérieures, d'Hélène Cadou. Éditions Bruno Doucey, 2012.