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EAN : 9782865220137
571 pages
Le Tout Sur le Tout (01/01/1980)
4.13/5   15 notes
Résumé :
Que dire de l'argument ? Si je croyais pouvoir m'exprimer en dix lignes, pourquoi aurais-je écrit six cents pages ? Ce livre ne se raconte pas ; il a bien un sujet mais pas d'histoire. Au diable l'histoire ! Le cadre ? la captivité. Les personnages ? Moins que des ombres. L'atmosphère ? Fantomale. L'expression ? Transposée dans sa crudité même ou ses artifices, son tragique ou son burlesque, par des emprunts au précieux autant qu'à l'argot, aux chansons des rues aut... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Plus ils se laissaient aller, plus ils sombraient dans le néant de siestes bestiales, croupissaient dans la crasse et les poux, plus les autres s'enlisaient dans les disputes ordurières ou les refrains obscènes, les rapacités de la goinfrerie ou les mesquineries des partages, plus le Grand Dab se décantait de son enveloppe charnelle, plus il se retranchait et mieux il masquait sa détresse sous des dehors d'aimable indifférence ».

Quatre interminables années dans des camps de travail allemands, c'est ce qu'a vécu Raymond Guérin pendant la seconde guerre mondiale. Cette période de sa vie l'a marqué à tout jamais. Il est mort en 1955, à cinquante ans, d'une pleurésie.

Pour autant son roman ne se veut pas un reflet fidèle des soubresauts de l'histoire mais plutôt une sorte de plongée dans les affres de son alter ego le Grand Dab, alias Monsieur Hermès (que l'on retrouve dans des plages plus apaisées, oniriques, bâties sur des réminiscences de voyages en Méditerranée).

Le Grand Dab a été fait prisonnier en 1940. Il est sous-officier, ce qui a son importance car cela lui permettra quelques mois plus tard d'échapper au travail forcé et, dans une certaine mesure de continuer son travail littéraire.

Peut-on réellement reprendre sa vie « comme avant » en sortant de pareille épreuve ? le pessimisme de Raymond Guérin est assez radical à ce sujet. Il a tant vu d'atrocités, de compromissions avec les Tordus (nazis) mais aussi avec d'autres prisonniers qui sont des pétainistes avérés et influents, qu'il ne pourra plus jamais retrouver confiance dans l'avenir.

Ce roman n'est pas d'un abord aisé. Sa longueur d'abord peut être un obstacle mais à mon avis le style fait passer bien des redites. Comment les éviter avec un sujet pareil ? Des changements de camp fréquents, dans des conditions épouvantables, des installations dans des locaux insuffisants qui les condamnent à une promiscuité de tous les instants, en forment la progression. La nature humaine s'y révèle tout entière, et pas vraiment à son avantage.

Une autre citation pour conclure :
« Au sortir de sa captivité, Monsieur Hermès eut réellement le sentiment qu'il avait été mort pendant des années, oui, qu'il avait été un mort entre les morts et qu'il allait ressusciter. Mais il savait aujourd'hui qu'il n'était pas pour autant revenu à la vie. »
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Il s'agit là, probablement, du livre de référence sur la captivité, sur la vie des prisonniers de guerre français en Allemagne, de ceux qui sont restés entre les barbelés pendant 4 ans. Guérin décrit un "magma" d'individus hauts en couleurs, regroupés sous l'appellation de "réfractaires". le style est lyrique, teinté d'envolées céliniennes. Bref, un bouquin essentiel, à mettre au même niveau que "La peau et les os" de Hyvernaud, sur le même sujet. Un grand moment de littérature, assurément.
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"Que ceux qui n'ont pas un mois à perdre passent leur chemin ! ". Un peu interdit devant la masse compacte des 571 pages, j'ai suivi le conseil de la préface, saluant bien bas le Grand Dab, préférant le format compact et dense de "La peau et les os" de Georges Hyvernaux, par ailleurs doté d'une préface très concise de Raymond Guérin qui sait aussi faire court.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les plus courageux donc en profitaient pour aller faire toilette. […] D'ailleurs, pour les atteindre [les lavabos], pour toucher cette Terre Promise, pour connaître ce Nirvana hygiénique, il fallait affronter et traverser une zone lacustre enrobée d'une boue si savonneuse que le moindre faux pas y précipitait le candidat trop pressé. D'ingénieux et tenaces hygiénistes avaient toutefois réussi à semer le parcours de briques dont l'assise, forcément, était plus ou moins stable. Sur cette piste branlante, les hardis champions de la propreté se risquaient donc, soit pour parvenir au Saint des Saints, soit pour en sortir, double chenille processionnaire, l'une en sens inverse de l'autre et dont chaque membre se disputait la possession des briques, parfois si espacées, qu'il fallait, pour sauter de l'une à l'autre, s'élancer dans de grandes enjambées, retomber pile au bon endroit, pirouetter, ne pas se laisser désarçonner par le concurrent, profiter enfin de la brique ainsi acquise pour l'échanger contre une placée plus avant avec celui qui, de même, la détenait.

Au terme du voyage, on n'était pas pour ça au bout de ses épreuves car on se trouvait alors devant la muraille d'une quintuple épaisseur de dos. Il fallait patauger sur place pour attendre son tour, progresser pas à pas au fur et à mesure que d'autres avaient terminé. Quand on était au premier rang, quel exploit ! On avait le bonheur de partager un robinet avec trois ou quatre gars du genre plus ou moins bousculeur, plus ou moins ôte-toi-de-là-que-je-m'y-mette et même du genre petit propriétaire de banlieue : J'étais là avant toi et, d'abord, c'est mon robinet ! Ne parlons pas des éclaboussures, des ramponneaux dans les côtes, des fadas qui se rincent la bouche sur vos godasses, des rigolos qui vous envoient des glaviots bien roulés qui flottent ensuite joliment dans la mare. L'opération terminée, fallait encore se dégager de la presse. Pas rien, déjà, que de faire demi-tour sur soi-même ! Là, cherchant une faille, on s'infiltrait comme on pouvait entre ceux qui, coagulés, guettaient le moment de s'agenouiller à la Sainte Table. Ce rempart franchi, on reprenait ses attitudes de danseur ailé pour entreprendre la périlleuse traversée de la zone lacustre sur les îlots de briques. Et bien content si, ainsi péniblement lavé, on n'était pas, à la dernière minute, plaqué dans la mélasse par un dérapage malheureux ou par la faute d'un maladroit qui, affolé, se raccrochait à vos basques ou d'un salaud qui, pour sauver sa mise, n'hésitait pas à vous envoyer dinguer. In the coltar !...
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Là-bas, Donald ronflait. Régulièrement, tranquillement, loin d’ici. Parti pour de fins rêves. Contre la paroi, dans la rangée qui faisait face, un dormeur gémit, se retourna sur lui-même et péta. C’était Domisoldo. Un spécialiste. Premier Grand Prix de Rome de Musique en même temps que champion hors-concours et soliste es-pets. Professeur de diction anale au Camp A, à défaut de mieux. Ordonnateur des chorus matinaux. Pas son pareil pour analyser les mérites et les défauts d’un sphincter ! Pour lui, un beau son était un beau son. À son oreille subtile, un habile pétomane valait bien un flûtiste de Colonne, un cornet du Conservatoire.
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Le Grand Dab s'éveilla. La clarté grise de l'aube s'insinuait. C'était la fin de la nuit. Trop courte, Toujours trop courte. Ne tremble pas, mon âme. Ah, laisse-moi vaincre, oubli de la nuit, les tourments de ce rude univers !

(Incipit).
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"Le poulpe, en l'attaquant, avait simplement ravivé sa détresse. C'était une angoisse tentaculaire. Ses réminiscences, soudain, s'irradiaient en des sortes de fleurs monstrueuses qui devenaient poulpes. Des poulpes, il avait le crâne plein de poulpes, les orbites pleines de poulpes ! Sa vie passée, présente et à venir était infestée de poulpes gluants aux évolutions reptatoires."
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"Tout en marchant, Le Grand Dab constatait d'une part que leur passage n'attirait nullement l'attention de ces messieurs et dames, et d'autre part, que le broutage confus de leur informe piétinement, faisait un drôle de bruit, un drôle de contraste dans le décor."
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