Le Mouvement de Libération française fondé en 1941 par Henry Frenay, Berty Albrecht, Jean-Guy Bernardet est doté d'un bulletin d'informations clandestin. Après la fusion avec d'autres publications il devient COMBAT, il se veut être la voix des Résistants et de la Libération nationale. (Le titre « Notre Combat » fut pressenti , mais abandonné cela faisait un peu penser à « Mein Kampf » !)
Cinquante- huit numéros clandestins vont être édités entre décembre 1941, sa première parution, et août 44 .
Claude Bourdet (Lorrain dans la Résistance), rédacteur en chef du journal (En 1944 il fut arrêté par la Gestapo et déporté) recrute Pascal Pia (Pontault dans la Résistance ) qui introduit ensuite Camus dans l'équipe à l'automne 1943. (Il avait fait la connaissance de Camus à Alger en 1938 alors qu'il était directeur d'Alger Républicain) .
A la veille de la Libération l'équipe directoriale du quotidien clandestin qui s'est étoffée en personnel (Camus recrutait, notamment, chez Gallimard) organise sa pérennisation .
Le 21 août 1944 , Paris se libère, le journal parait enfin au grand jour , l'éditorial est rédigé par Camus qui peut enfin signer ses textes de son vrai patronyme . Camus devient le rédacteur en chef et l'éditorialiste .
Mais ce journal ne peut , à la longue rivaliser avec d'autres quotidiens (Le Monde, Libération…) et l'équipe initiale se disperse . Camus, quant à lui, ne peut pas concilier le travail prenant de journaliste, pour lui une passion, et le temps qu'il doit consacrer à son oeuvre littéraire , il quitte le journal en 1947 .Le journal disparaitra définitivement en 1974.
Le travail de Jacqueline Lévi-Valensi a permis de regrouper chronologiquement les articles attribués à Camus alors que la parution clandestine du bulletin ne permettait pas aux journalistes de signer leurs écrits.
La teneur et la valeur des textes journalistiques de Camus témoignent qu'il était un grand journaliste engagé , humain, épris de justice que ce soit dans ses reportages dans Alger Républicain ( Misère de la Kabylie), dans ses éditoriaux de l'Express (j'ai en tête un article consacré à un accident du travail mortel survenu alors que des ouvriers charpentiers intervenaient sur le toit d'un château appartenant à la princesse Margaret, dénonçant les conditions de travail et le manque de protection) , mais également et surtout dans ceux de Combat, un journaliste "aimant le goût du marbre", le travail de A à Z , de la rédaction à la mise en page , appréciant la solidarité des employés et ouvriers (linotypistes, correcteurs...) de cette corporation.
Grâce à Combat, il devient un journaliste célèbre, connu même aux Etats Unis
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Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner.
Ces découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu’elles sont, annoncées au monde pour que l’homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d’une littérature pittoresque ou humoristique, c’est ce qui n’est pas supportable.
Déjà, on ne respirait pas facilement dans ce monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. On offre sans doute à l’humanité sa dernière chance. Et ce peut être après tout le prétexte dune édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence (…)
Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison
Combat 8 août 1945)
Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.
(1948)
Rien n'est donné aux hommes et le peu qu'ils peuvent conquérir se paie de morts injustes. Mais la grandeur de l'homme n'est pas là. Elle est dans sa décision d'être plus fort que sa condition. Et si sa condition est injuste, il n'a qu'une façon de la surmonter, qui est d'être juste lui-même.
Novembre 1949 - le siècle de la peur-
Pour sortir de cette terreur, il faudrait pouvoir réfléchir et agir suivant sa réflexion. Mais la terreur, justement, n'est pas un climat favorable à la réflexion. Je suis d'avis, cependant, au lieu de blâmer cette peur, de la considérer comme un des premiers éléments de la situation et d'essayer d'y remédier. Il n'est rien de plus important. Car cela concerne le sort d'un grand nombre d'Européens qui, rassasiés de violences et de mensonges, déçus dans leurs plus grands espoirs, répugnant à l'idée de tuer leurs semblables, fût-ce pour les convaincre, répugnent également à l'idée d'être convaincus de la même manière.
Il faut que cela soit bien clair : personne ne peut penser qu'une liberté conquise dans cette nuit, dans ce sang aura le visage tranquille et domestiqué que certains se plaisent à lui rêver. Ce terrible enfantement est celui d'une révolution.
Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole
Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.
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02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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