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EAN : 9782204153362
192 pages
Le Cerf (10/11/2022)
2.67/5   3 notes
Résumé :
Quatrième de couverture:
Non, le populisme ne saurait être réduit ni à l’icône de ses sectateurs, ni à la caricature de ses détracteurs. Par-delà les espérances et les insurrections, les craintes et les répressions qu’il a suscitées, alors que ce mouvement hier planétaire semble aujourd’hui retomber, c’est le propos de cet essai novateur que de le réinstaurer à sa juste place dans l’histoire. En décryptant sa gestation à la lumière de l’anthropologie. En scru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En préambule de cette recension, et par honnêteté intellectuelle, je précise que la distance idéologique entre Antoine Cargoet et moi-même est à peu près équivalente à celle qui sépare la Terre de Neptune. Quand on dit ça, force est de reconnaître l'extraordinaire qualité de son essai, eu égard à son jeune âge.

Comme on ne naît pas de nulle part et que l'on ne meurt pas plus nulle part, ce travail remarquable sur le populisme survient à une époque qui, particulièrement en France, a ressuscité ce vocable de la manière la plus péjorative possible. Péjoration excitée par la peur, en France particulièrement, du mouvement des Gilets jaunes.

Mouvement que j'ai la prétention bien connaître pour y participer depuis le 24 novembre 2018 et qui fut abominablement réprimé car, l'explique si justement l'auteur : « Lorsqu'elle est menacée dans ses intérêts, la classe dominante joue la carte de la rationalité contre les masse, endosse les habits de la nécessaire répression policière et judiciaire, se targue de tout faire pour que tout rentre enfin dans l'ordre. »

Loin des poncifs de la bien-pensance, l'auteur expose donc sa démarche face au populisme, ce « dieu sinistre, effrayant, impassible, / Dont le doigt nous menace et nous dit : “Souviens-toi !ˮ » (Baudelaire) : « Concevoir le phénomène populiste en tant que mouvement historique. » Il suggère que le populisme pourrait être aussi « le désir d'un réenchantement du monde, la volonté de se projeter à nouveau dans l'horizon du temps, de recréer un ciel futur afin que se redéploie l'humanisation de l'histoire ». Autrement dit, le populisme comme régénération.

« Mais qu'aura été le cycle populiste, sinon une réponse au bannissement du peuple qu'avaient décrété les élites triomphantes ? », interroge encore l'auteur. Dans une société rendue apathique par l'hyper-consumérisme, l'individualisme ainsi que les particularismes des uns des autres érigés en tyrannies idéologiques, le peuple – avec toute la conscience collective que cela induit – s'est vu privé des absolus de jadis, voire des aventures qui exaltent une existence. Aventures auxquelles Antoine Cargoet consacre d'excellentes pages pour conjurer l'ennui de nos sociétés.

Mais le populisme c'est surtout un cri de désespoir contre l'effondrement d'un monde. de ce fait : « Les Gilets jaunes ont été une révolution automnale déclenchée par un peuple anxieux à l'idée de mourir un jour. » Parce que : « Les populismes expriment le plus souvent la lutte des valeurs majoritaires contre les valeurs établies. »

En France – comme dans nombre de pays occidentaux –, le peuple s'est ainsi senti dépossédé de lui-même par des élites toujours plus hors-sol et, osons le mot, méprisantes à son égard. Pire, au sein de sociétés technocratiques froides et strictement matérialistes, le sacré a été aboli d'autorité. Et le sacré étant un absolu, priver les êtres d'absolu c'est les condamner à une mort terne, lente et pleine de désillusions. le populisme devient alors un sursaut de vie passionné.

De ce fait : « le retour des passions participe du procès de réenchantement en ceci qu'elles ont en commun avec l'idée de sacré cette caractéristique première d'appartenir au domaine de l'inaccessible, de l'indéfinissable, du mystère, d'une vérité jamais épuisée. » En plus du sacré, grâce au populisme l'affect réinvestit la cité, en s'opposant à la froideur comptable de l'Union européenne par exemple, laquelle peut, toute honte bue, mettre en faillite un pays qui a façonné notre culture, je veux parler de la Grèce.

Surtout : « le populisme a émané, on l'a dit, du retournement de la modernité contre elle-même ». Modernité qui avait péremptoirement – et avec l'ignorance des fats – décrété la « fin de l'Histoire », comme on décréterait la fin de la pluie ou du vent !

Hélas, dans son magistral exposé, Antoine Cargoet montre qu'il est un pur produit du système qu'il entend confondre, à savoir qu'il est un ancien élève de Sciences Po, cette machine woke qui broie le passé comme un moulin broie le blé.

C'est ainsi qu'il a regardé de trop haut le mouvement des Gilets jaunes et qu'il peut affirmer faussement que le « diktat identitaire » serait venu le torpiller. Non, monsieur Cargoet, ce sont les milices d'ultragauche au service du pouvoir – j'en ai été maintes fois témoin et l'ai même filmé ! – qui ont fait imploser ce mouvement essentiellement identitaire. Restant à définir ce qu'est réellement l'identité charnelle d'un peuple, loin des caricatures proposées par les médias autorisés.

J'irai encore plus loin en affirmant que j'ai vu dans ce mouvement des fraternisations impossibles ailleurs. Et c'est précisément cela qui a effrayé le pouvoir, parce que les Gilets jaunes proposaient un irénisme sociétal non seulement dangereux pour lui mais peut-être fatal. Soudain, enjambant les différences savamment entretenues par le système, tous se réunissaient avec une spontanéité peut-être utopique et enfantine, mais qui, encore aujourd'hui, pour celles et ceux ayant vécu ces instants fugaces, réchauffe bien mieux qu'un feu de cheminée…

(Je remercie les éditions du Cerf pour le présent ouvrage, ainsi que Babelio)
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Le populisme, vu par une élite.
Antoine Cargoet, diplômé de Sciences Po ? Même si ce n'était pas écrit dans sa biographie, on s'en serait douté tellement son exposé en est l'archétype ! le style est brillant, emphatique, parfois superficiel. Les idées parfaitement dans l'air du temps, s'appuient sur beaucoup de références livresques (Marx, Debray, Jankélévitch, Elias, Freud, Mouffe, Laclau,..) Il manipule de grandes idées théoriques avec l'aisance et la désinvolture de ceux qui savent bien que le papier ne refuse jamais l'encre. Tout ce qu'il faut pour réussir à Sciences Po et faire partie de l'élite. Là d'ailleurs réside un premier problème : comment peut-on faire partie de l'élite et évaluer le populisme, anti-élitaire par principe ? Il est toujours périlleux de se retrouver juge et partie ! Surtout quand on distingue le bon populisme, de gauche et souvent d'extrême-gauche (on n'est pas diplômé de Sciences-Po pour rien !) des mauvais populismes, ceux qui ne confortent pas votre analyse et qui sont donc déplorables et méprisables.
Pourtant, cet essai tente de « penser le mouvement populiste comme un phénomène historique » (p.12) et non comme une poussée de fièvre sporadique et sans conséquence que l'on rencontre régulièrement dans l'histoire. Mais, aujourd'hui, nous vivons dans l'air des masses et la mondialisation des populismes nous impose une vision plus approfondie du phénomène qui représente une « aspiration claire à la redéfinition des règles communes » (p.14) et appelle à « édifier une théorie critique de la civilisation. » (p.13). L'auteur dénonce l'hégémonie « libérale-libertaire » issue des mouvements de mai 1968 qui aurait conduit à la situation actuelle où un certain nombre de privilégiés semblent agir à l'inverse de leurs convictions antérieures. La fragilisation des classes moyennes et la paupérisation accélérée des classes populaires structurent les fondements de la crise que traversent actuellement nos démocraties et que met en lumière le populisme. Pour Cargoet, l'absence de cohérence politique et d'imagination collective, de perspectives individuelles, la désacralisation du pouvoir, la déshumanisation administrative de nos sociétés occidentales renforce cette crise existentielle. Ainsi, pour « réenchanter le monde », l'aventure semble préférable à l'idéal car elle représente la liberté sous toutes ses formes et « relève à la fois de la conviction ordonnée à une finalité déterminée et de l'attention ouverte à une temporalité indécise » (pp.174-175).
Rien de bien nouveau sous le soleil ! Dans toutes ces affirmations, à partir d'un livre qui annonçait une analyse pénétrante, on découvre un essai qui ne tient pas ses promesses en n'offrant ni perspectives concrètes ni approche novatrice ou convaincante du populisme. de plus, tout le cheminement est sous-tendu par l'idée implicite que seuls la raison et l'histoire peuvent apporter des solutions durables aux angoisses de la vie quotidienne, de la finitude humaine ; même les passions peuvent s'y soumettre. Ce matérialisme rationnalisant finit par envahir tout l'horizon de l'auteur : Hors de la Raison pour tous, pas de Salut démocratique ! Même si cette rationalité envahissante doit affronter l'aventure, l'incertitude, l'imprévu du futur, elle seule peut triompher et donner sens à l'activité humaine et même à la civilisation. On aurait, pour le moins, beaucoup d'arguments pour sérieusement en douter!
N.B.: Critique dans le cadre de Masse critique non-fiction.
Merci aux Éditions du Cerf pour leur participation et leur envoi.
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Sujet brûlant et d'une actualité toujours plus prégnante, le populisme est ici traité avec un style qui lance comme un défi auxdits populistes bien souvent considérés comme une masse plus ou moins grosse dont le quotient intellectuel fleure bon le complotisme (tant qu'à faire une caricature, autant y aller franchement !).

L'écriture est ampoulée, la citation toute azimut, et préférez garder le dictionnaire à portée de main. Antoine Gardoet est un ancien de Science-Po et tient à le faire savoir à chaque nouvelle tournure de phrase. Oeuvre louable d'ailleurs, et malgré tout brillante, que de partir d'une fange dangereuse pour parvenir à "recréer le ciel". Tout un programme.

Difficile d'être d'une objectivité totale quand on se sent exclu à la lecture (pourtant je ne me pensais pas si loin d'une forme d'élite littéraire) par un auteur dont on peut mettre en cause la position, car l'analyse, tout en recul, prend bien trop de hauteur pour sembler comprendre certains mouvements très récents ; de surcroît elle contribue à consolider l'idée qu'il y aurait un mauvais populisme (virage à droite toute) et un bon populisme (coup de volant à l'extrême-gauche) - le bon et le mauvais chasseur des Inconnus n'est pas loin pourtant...

Finalement, en dehors du texte même et de sa subtile construction, l'ouvrage ne fait que renforcer le gouffre qui existe entre une élite pensante et une base agissante, entre l'individu et la masse, entre le ciel et la terre.

Pas sûr que ça aide dans le contexte actuel...
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
L'essor des sociétés multiculturelles, si elle participe au renouvellement des sociétés qu'elle touche, contribue néanmoins à la transformation des États-nations en provinces d'empires plus grands où leur vitalité s'érode. La nation dirige là où l'empire gère, la première arbitre là où le second accommode. L'Union Européenne est un de ces impérium vastes et fainéants. (p.138)
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Par sa nature, son objectif et son style, par sa représentation orthogonale du champ social et radical de la lutte sociale, le populisme aura durablement modifié les coordonnées du discours politique. En cela, son principal legs apparaît d'avoir su interrompre l'ère post-politique. (pp.165-166)
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Renouer avec le sentiment du sacré, accorder leur juste place aux passions, rétablir le souverain qui est le peuple, reprendre le contrôle sur le cours des choses, rompre l'ennui par l'aventure: tel est le programme populiste qui doit être exploré pour ce qu'il a, en dépit des apparences, de rationnel et de raisonnable. (pp.14-15)
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L'affect est de retour dans la Cité. Pour le meilleur et pour le pire. Mieux vaut le contenir que le bannir. Ainsi les passions pourront contribuer à régénérer les universaux mais à condition que le politique, qui a besoin d'elles, vise leur ennoblissement. (pp.120-121)
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[Le peuple des Révolutions] Son entrée [sur la scène politique] relève toujours de l'effraction. Et sa sortie, de la coercition. C'est à lui, pourtant, plus qu'à une quelconque autre puissance, que l'on doit les plus belles réalisations des deux derniers siècles. (p.10)
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Video de Antoine Cargoet (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Cargoet
Non, le populisme ne saurait être réduit ni à l'icône de ses sectateurs, ni à la caricature de ses détracteurs. Par-delà les espérances et les insurrections, les craintes et les répressions qu'il a suscitées, alors que ce mouvement hier planétaire semble aujourd'hui retomber, c'est le propos de cet essai novateur que de le réinstaurer à sa juste place dans l'histoire. En décryptant sa gestation à la lumière de l'anthropologie. En scrutant sa construction à l'aune des théories politiques et des imaginaires culturels. Et si le populisme était le signe d'une crise de civilisation ? D'une fracture majeure dans l'idéologie du progrès ? Et s'il était né d'un refus de la neutralisation de la Cité ? D'une nostalgie des passions, des aventures, des utopies ? Mais aussi d'un retour du sens commun, du sacré, de la souveraineté ? Et si les peuples étaient simplement partis à l'assaut du ciel pour se recréer un horizon ?
Ce livre d'histoire immédiate, qui offre un panorama mondial des mutations en cours, s'attache aussi à en éclairer les soubassements symboliques. Il fait dialoguer Régis Debray et Marcel Gauchet avec Jeff Bezos. Ou encore Antonio Gramsci et Norbert Elias avec Daenerys Targaryen. Mais aussi les aristocrates paupérisés du Grand Siècle avec les occupants rebelles de Wall Street. Et les esthétiques des avant-gardes avec les révoltes émeutières des masses. Pour mieux appeler au sursaut.
Diplômé de Sciences Po, fondateur du média en ligne Le Vent Se Lève, membre des conseils scientifiques de l'Institut Rousseau et de la Fondation Res Publica, Antoine Cargoet a dirigé l'ouvrage collectif L'Histoire recommence. Il est aujourd'hui éditeur et signe ici, à 25 ans, son premier livre.
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