Ce qu'on est légitimement en droit d'attendre d'un guide pratique, c'est une certaine praticité. le lecteur à voix haute, celui qui ordinairement lit à d'autres, trouvera malheureusement dans ces quelques pages que très peu de soutien permettant d'améliorer son activité personnelle : en fin d'ouvrage un florilège d'exercices trop connus de respiration et de diction, quelques textes accompagnés de diverses indications (Perrault,
Diderot,
Flaubert,
Proust,
Baudelaire), et c'est à peu près tout …
Mais faire le pari en quelques chapitres de l'apprentissage d'un art, qui semble tant devoir au don et tant réclamer la présence de l'intéressé, était sans doute une gageure. Il n'était pourtant pas inutile de rappeler l'élémentaire : que l'on doit voir, faire corps avec le texte ; qu'il faut en apportant quelque chose de personnel imaginer et penser ce qu'on lit ; qu'il est nécessaire de prendre en charge à l'oral l'univers de l'auteur dans sa tonalité. Affirmer c'est une chose, aider pratiquement quelqu'un à faire quelque chose c'est une autre paire de manches.
Naturellement, tout dans ce petit opus n'est pas inutile au lecteur à voix haute. Il est ainsi profitable qu'il rappelle des étapes préalables à l'opération : le choix du livre, de l'extrait (intérêt, longueur, unité), le travail préparatoire sur le texte (modifications éventuelles), etc… Pourtant, certaines recommandations paraissent ici superflues, parfois même néfastes. Vaines bien entendu celles qui concernent le monde professionnalisé du spectacle qui n'a nul besoin de ce vade-mecum. Les auteurs ont certes beaucoup de plaisir à rappeler l'excellence de leurs prestations, la profusion de leurs expériences (nous n'en doutons pas) mais la majorité des intervenants auxquelles ils s'adressent ne montent pas sur les planches. Superflue également, car de peu d'utilité pratique immédiate, la litanie des figures de style, des formes prosodiques et narratives. Funestes enfin à la littérature semblent être la priorité donnée à l'intrigue (p. 52) et à la diction (p. 93).
Ce livre cependant, s'il n'est pas regardé comme un guide de lecture mais comme un guide d'écoute, retrouve alors une certaine forme d'utilité. Il permet de repérer, chez d'autres et non en soi-même, les qualités et les défauts d'une lecture à voix haute. Ainsi, il devient facile de noter toutes les lectures qui cherchant à coloriser uniformément un passage ne se font pas les interprètes spontanés d'un texte : les lectures neutres, celles qui sont données d'une voix blanche et sans inflexion ou tonalité ; les lectures chantées qui plaque une modulation arbitraire sur les mots et les phrases ; les lectures outrancièrement mimées qui caricature le narrateur. Avec ce guide, il est aussi plus aisé de réaliser une écoute critique et de s'interroger. Comment les lecteurs procèdent-ils ? Quelle mélodie utilisent-ils ? A quels moments introduisent-ils des pauses ? Quelles émotions placent-ils derrière tel terme, telle réplique ? Quels changements de rythme exploitent-ils pour faire passer tel changement d'atmosphère ? Mais, quelles sont aussi leurs failles de lectures ? L'apprenti lecteur pourra peut-être alors tirer profit de toutes ces observations.