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3,59

sur 186 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Parvenu à la fin de ce dernier livre d'Emmanuel Carrère, je me trouve dans la même perplexité qu'avec le précédent, "Le Royaume", mais pour des raisons différentes. D'abord, j'ai l'impression que ce recueil fourre-tout de chroniques diverses ne forme pas un livre nécessaire, qui ouvre une voie ou des voies au lecteur. Il est un peu fait avec des fonds de tiroir, des "making-of" de certains autres livres, des reportages disparates, intéressants pour certains, inutiles pour d'autres, comme s'il avait fallu publier un livre, quel qu'il soit, pour que le nom de l'auteur ne disparaisse pas du marché.
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Deuxième cause de gêne : la langue de Carrère. Il écrit en journaliste qui aurait de la culture, ce qui est certes mieux que le tout-venant des journalistes, certes, mais qui n'est pas grand chose. Son style n'est pas fait que de clichés, cela se verrait ; à l'inverse, il n'évite pas systématiquement les clichés, ce qui le rendrait péniblement précieux : mais il écrit comme on parle dans son milieu, et le dialecte de ce milieu de semi-habiles, intellos bobos dira-t-on, passe sans examen ni filtrage dans sa prose. Donc, sa langue est - pour parler avec pédantisme - un sociolecte, le jargon d'un milieu, et on dirait qu'il n'y a pas réfléchi, qu'il ne s'est pas interrogé sur son instrument comme tout artiste le fait (dans le genre du reportage écrit, on pensera à Théophile Gautier ou à Henry James). On n'entend donc pas la voix vraie de l'écrivain Carrère, s'il existe.
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Il faut dire que le milieu de Carrère n'a que peu à voir avec la littérature : c'est un mélange de journalistes, d'artistes à happening, et d'une tourbe mêlée qui pense par clichés, justement, et que fascinent les expériences-limite, ce qui sort du commun. Or la littérature véritable, c'est l'art de faire voir ce que le commun a d'extraordinaire, et un tour du monde en porte-containers est un sujet littérairement faible. On voit bien que Carrère, dans sa lettre à Renaud Camus, ignore ce qu'est la littérature. Comme pour tout le monde dans son milieu, elle n'est plus que le véhicule de préjugés politiques et non un travail sur le langage.
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Dans ce fourre-tout, il y a bien sûr de belles réussites qui me font recommander la lecture de ce livre à titre de délassement : en particulier, tous les passages sur la Russie, et même le "making-of" de Limonov. Carrère (et par là, il se distingue quelque peu de son milieu) a des liens forts avec la Russie, et comme il parle russe, il a accès aux Russes réels, ce qui n'est pas fréquent en Occident.
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Me sachant amatrice d'Emmanuel Carrère, mon mari m'a affectueusement glissé son dernier titre sous l'oreiller il y a quelques jours. "Il est avantageux d'avoir où aller". Ce qu'il ne savait pas, c'est que j'avais renoncé à l'acheter après avoir lu qu'il s'agissait principalement d'un recueil d'articles de presse. A quoi bon? m'étais-je dit. Moi qui aime chez Carrère ces longues respirations sur un homme, une vie, une blessure. Non, je resterai sur ma faim!
Pourtant j'ai débuté le livre avec bonheur. Il commence sur des chroniques judiciaires, qui m'ont rappelé l'adversaire - ou en tous les cas, la passion de Carrère pour la faille. Validé.
S'en suit un article sur la fin de la Roumanie de Ceausescu et ses soubresauts hébétés. Ouais - bof. Pourtant, je suis une passionnée d'Europe. Mais cet article-là a peut-être juste un peu mal vieilli, ou peut-être que j'y suis moins sensible. Et puis, je découvre avec délice la vie abrégée d'Alan Turing (ce mathématicien homosexuel qui a brisé le code de la machine Enigma pendant la seconde guerre mondiale). Et là, je me dis que Carrère est vraiment un portraitiste formidable.
Le livre se poursuit sur des hauts (le cavalier suédois de Leo Perutz, le hongrois perdu, espèce de crétin! Warren est mort!) et des bas (l'affaire Romand, neuf chroniques pour un magazine italien, la mort au Sri Lanka, le dernier des possédés, comment j'ai complètement raté mon interview de Catherine Deneuve, quatre jours à Davos) et se finit en apogée sur deux articles magnifiques "la ressemblance" (dans lequel Carrère discute de manière troublante la relation entre le peintre, son modèle et la réalité) et "à la recherche de l'homme-dé" (un article puissant, qui parlera à tous ceux qui, comme moi, ont toujours été chatouillés par la perspectives d'autres vies).
Le bilan de cet ouvrage hors norme, c'est une photo du parcours d'écrivain d'Emmanuel Carrère, où se dessinent ses centres d'intérêts, ses marottes, les petites choses qui ont fait sa vie. Ceux qui le suivent depuis plusieurs romans, trouveront dommage la redite sur les thèmes qui ont fait l'objet de romans entiers, mais chacun trouvera probablement l'une ou l'autre pépite.
Au final, un bon encas, mais on attend quand même avec impatience un vrai plat principal...
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Encore une fois je suis clouée au sol par l'écriture de ce type. Nom d'une pipe, qu'est ce que je donnerai pour écrire comme lui... Enfin bon ce sont des articles déjà parus dans l'Evènement du Jeudi, le nouvel obs etc. Depuis la classe de neige donc quand même longtemps maintenant, il n'écrit plus du tout de fiction et se rattache au réel. Je suis totalement fan de cet auteur que je compte parmi les plus grands de ce siècle, mais ça n'engage que moi.
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Recueil d'articles sur des sujets aussi variés que Romand, Limonov ou les femmes. Décevant car déjà lu, du coup, puisque ces textes s'apparentent à des brouillons de romans ( L'advesaire, Un roman russe, Limonov).
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Il est avantageux d'avoir où aller, certes, mais encore?
J'ai lu ce livre qui est un recueil d'articles parus ici et là, au fil des années, et qui mis bout à bout, mettent en évidence de nombreuses redites, surtout lorsqu'on connaît l'oeuvre romanesque de Carrère: il a ses marottes mais il montre aussi par là la cohérence de ses positions, leur stabilité au cours du temps. J'aime, pour ma part, sa prose; c'est un auteur que j'admire, que je jalouse parfois pour sa culture et ses trouvailles, comme lui avoue jalouser certains grands auteurs. Et, bien que plusieurs de ses livres couvrent l'actualité qu'il vit, je ne pense pas qu'il passe rapidement de mode. Pour revenir à l'ouvrage en question, tous ces articles rassemblés ne présentent pas, à mon sens, le même intérêt mais souvent, ils ont éveillé ma curiosité, donné le goût d'explorer d'autres auteurs et, rien que pour ça, ce livre a valu la peine d'être lu.
Je reste perplexe quant au titre: de ce qu'il laisse deviner de lui, Carrère était du genre à avoir un chemin tout tracé et, pourtant, il ne me semble pas avoir pris inconditionnellement avantage de ce chez-soi assuré...
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