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sur 186 notes
Si Emmanuel Carrère a abandonné depuis plusieurs années le genre littéraire romanesque, il possède encore une qualité de plume que pourraient lui envier quantités de romanciers francais.

La preuve avec ce "Il est avantageux d'avoir où aller", recueil d'articles de journaux parus entre 1990 et 2015, dans lequel il nous fait partager ses thèmes de prédilection.



Ces articles se suivent mais affichent pour autant un grand éclectisme. Et sur des sujets aussi divers que des chroniques érotiques, un article sur le tsunami d'autres sur la Russie post communiste ( un de ses sujets de prédilection, depuis Limonov; sa mère, historienne, est une éminente spécialiste de l'URSS.) ou encore une interview bien ratée de Catherine Deneuve ( mon préféré, une merveille d'autodérision et d'élégance), Carrère prouve qu'il n'a pas son pareil pour pour raconter les hommes et leurs vies, comme on l'avait pu déjà nous en rendre compte dans "D'autres vies que la mienne" "la classe de neige, "l'adversaire" et dans lequel il livre aussi par petites touches un vrai autoportrait .


Tout un registre d'émotions nous traverse lors de la lecture d'un recueil, dont peut étaler la lecture sur plusieurs semaines histoire de garder avec soi la prose de cet immense auteur qu'est Emmanuel Carrère.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Lorsque j'ai appris qu'Emmanuel Carrère s'apprêtait à publier un nouveau livre, j'ai été assaillie par un sentiment de jubilation... aussitôt tempéré par la découverte qu'il s'agissait non pas d'un roman - ou d'une forme littéraire qui s'en approchait -, mais d'un recueil d'articles de presse parus depuis les années 1990.
Un comble, cette réaction, pour quelqu'un dont l'un des auteurs cultes n'a écrit en termes de fiction qu'une trilogie à caractère fortement autobiographique, mais qui a publié tout au long de sa vie d'innombrables articles journalistiques que j'ai lus et relus avec passion, tant en raison de leur intérêt intrinsèque que de leur qualité stylistique. Je veux bien sûr parler de Jules Vallès, un écrivain dont la vie nourrissait l'oeuvre, et l'oeuvre était le ferment de son existence.

C'est donc finalement avec une certaine curiosité que je me rendis dès le jour de la sortie dudit recueil chez mon libraire, m'en saisit pour en lire les premières lignes et devinai alors que je ne lâcherais pas avant d'en avoir tourné la dernière page.

Emmanuel Carrère fait partie de ces écrivains pour qui l'écriture n'est pas un exercice qui trouverait sa place, aussi importante fût-elle, parmi d'autres activités qui ponctueraient leur vie. Ecrire est un acte constitutif de son existence et de son rapport au monde. Une expérience proprement existentielle qui lui permet de mieux comprendre, ou de tenter en tout cas de cerner la nature profonde de son être, y compris dans ce qu'elle peut peut-être avoir de commun avec celle de tout individu.
C'est bien ce qui rend ses textes si lumineux et si passionnants.
C'est ce qui fait aussi que son écriture transcende les genres et s'affranchit des contraintes formelles propres à chacun.

Ses articles ne sont donc pas étrangers à son oeuvre littéraire, bien au contraire. Ils l'éclairent, en portent parfois le germe et lui permettent de poursuivre sa réflexion sous une forme différente. On retrouve dans ces textes, formulées de manière explicite, les questions qui sont au coeur de ses livres et qui leur ont donné naissance, celles de la relation entre fiction et réalité, et de la place de l'écrivain au sein de son oeuvre.
Depuis L'Adversaire, on connaît l'obsession de Carrère ; écrire un roman tiré d'un fait divers dont le protagoniste est un homme qui a fait de sa propre vie une fiction illustre assez bien le peu de foi qu'il ajoute à la dichotomie fiction-réalité.
Qui est ce «je» que l'on emploie lorsqu'on parle ? A quelle vérité renvoie-t-il ? de même, qui est «je» lorsqu'un écrivain décide de s'exprimer à la première personne ? Quelle différence de nature entre le «je» de De Foe prétendant nous présenter les mémoires de Moll Flanders et celui de Primo Levi rapportant son expérience des camps ?
L'écrivain, quoi qu'il en dise, transparaît dans son oeuvre et il serait vain de croire le contraire : il est illusoire «de se draper dans [l]e rôle de témoin impartial et navré. [...] de n'avoir pas conscience qu'en racontant l'histoire on devient soi-même un personnage de l'histoire, aussi faillible que les autres.» (p.489)

Aussi Carrère a-t-il choisi d'assumer pleinement cette affirmation de soi. Dans cet extraordinaire récit qu'est le Royaume - qu'il commente fort à propos dans un article -, il retraçait l'histoire des apôtres Paul et Luc pour mieux approcher son propre cheminement et ne se privait pas, tout en déroulant le fil des événements, de faire ce qu'il nomme le «making-of» de son livre. Ce qui l'intéressait chez Luc, c'était de comprendre comment il avait retranscrit l'expérience de Paul rapportant les paroles et les actes de Jésus, qu'il n'avait lui-même pas connu. Autrement dit, Carrère ne faisait rien d'autre que s'interroger sur l'écriture de son propre livre, puisqu'il écrivait lui-même l'histoire de Luc écrivant l'histoire de Paul relatant la vie de Jésus. Paraphrasant Flaubert, il n'hésite pas à l'affirmer : «Luc, c'est moi».
Je ne sais pas ce qu'il en est de vous, mais, en ce qui me concerne, l'art de la mise en abyme porté à de tels sommets m'enchante littéralement !

Même lorsqu'il quitte le terrain de la littérature pour investir celui de l'histoire, c'est encore la question de la relation entre réalité et fiction qui le taraude. On connaît le vif intérêt qu'e Carrère nourrit à l'égard de l'expérience soviétique de la Russie. Il s'en explique clairement : dans un mouvement inverse à celui du roman, il s'est agi d'un moment où la fiction s'est imposée comme une réalité. Il rappelle les paroles bien connues d'un compagnon de Lénine : «Un vrai bolchevik, si le Parti l'exige, est prêt à croire que le noir est blanc et le blanc noir.». Combien de personnes dans le plus profond dénuement répétèrent alors les mensonges du gouvernement sur leur bien-être et leur prospérité qu'ils étaient sommés de croire ! C'est bien ce qui l'a fasciné, précise-t-il, comme d'autres écrivains, au point de dévorer des bibliothèques entières pour tenter de comprendre ce qui est alors arrivé à l'humanité.

Je ne saurais rendre compte de toute la richesse de ce recueil d'une intelligence exceptionnelle.
Je préciserais néanmoins que ces textes, soigneusement choisis, ordonnés et parfois commentés par l'auteur révèlent le cheminement d'un homme. L'éditeur a parfaitement raison de dire en quatrième de couverture qu'ils peuvent se lire «comme une sorte d'autobiographie». L'écrivain s'y dévoile jusque dans ses aspects les plus intimes et nous permet d'entrer dans les coulisses d'une oeuvre d'une rare profondeur. Celle d'un écrivain capable, en se plaçant au centre de ses écrits, de nous faire part d'une expérience humaine qui n'est pas forcément étrangère à la nôtre.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Revue de presse.

Ce livre regroupe la quasi-totalité des articles rédigés par Emmanuel Carrère.

Emmanuel Carrère est l'un des mes auteurs préférés. Ce livre paru en 2016 est toutefois passé inaperçu chez moi. Je suis heureuse de l'avoir découvert car il m'a permis de découvrir la facette journalistique de Carrère.

Néanmoins, j'ai trouvé les articles variables. Certains sont excellents (les faits divers, préfaces de livres), d'autres ont suscités une impression de déjà-vu car Carrère les a repris pour écrire ses livres (les articles sur la Russie, sur le tsunami à Sumatra, l'affaire Romand...), enfin certains s'avèrent dispensables (Neuf chroniques pour un magazine italien, Davos, Catherine Deneuve).

Bref, ce livre n'est clairement pas un indispensable de la bibliographie d'Emmanuel Carrère, cependant il permet de faire un tour d'horizon de ses thèmes de prédilection.
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"Il est avantageux d'avoir où aller" (quel titre horrible...) est un livre curieux car je n'arrive pas à savoir à qui il s'adresse.
D'un côté, ceux qui veulent découvrir Emmanuel Carrère ne commenceront pas par cet ouvrage ci et de l'autre, ceux qui le suivent depuis longtemps trouveront un côté redondant à ce recueil.
En effet, il s'agit d'une compilation de tous ses articles et préfaces et une bonne moitié des matériaux que l'on y trouve a été réutilisée dans ses romans.
Les parties sur la Russie, sur Limonov, sur le tsunami, sur Jean-Claude Romand ont une grande odeur de déjà-vu et n'apporteront rien aux fidèles lecteurs d'Emmanuel Carrère, même si ça reste toujours un plaisir de le lire.
Parmi les restes, j'ai beaucoup aimé les chroniques judiciaires qui ouvrent le livre, la plupart des préfaces (qui m'ont donné envie d'acheter les livres), l'article sur Luke Rhinehart (auteur de "L'homme dé").
Bref, je ne sais pas si je dois conseiller ce livre ou pas mais personnellement je l'ai bien aimé malgré les redites (par rapport à ses précédents romans).
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Parvenu à la fin de ce dernier livre d'Emmanuel Carrère, je me trouve dans la même perplexité qu'avec le précédent, "Le Royaume", mais pour des raisons différentes. D'abord, j'ai l'impression que ce recueil fourre-tout de chroniques diverses ne forme pas un livre nécessaire, qui ouvre une voie ou des voies au lecteur. Il est un peu fait avec des fonds de tiroir, des "making-of" de certains autres livres, des reportages disparates, intéressants pour certains, inutiles pour d'autres, comme s'il avait fallu publier un livre, quel qu'il soit, pour que le nom de l'auteur ne disparaisse pas du marché.
*
Deuxième cause de gêne : la langue de Carrère. Il écrit en journaliste qui aurait de la culture, ce qui est certes mieux que le tout-venant des journalistes, certes, mais qui n'est pas grand chose. Son style n'est pas fait que de clichés, cela se verrait ; à l'inverse, il n'évite pas systématiquement les clichés, ce qui le rendrait péniblement précieux : mais il écrit comme on parle dans son milieu, et le dialecte de ce milieu de semi-habiles, intellos bobos dira-t-on, passe sans examen ni filtrage dans sa prose. Donc, sa langue est - pour parler avec pédantisme - un sociolecte, le jargon d'un milieu, et on dirait qu'il n'y a pas réfléchi, qu'il ne s'est pas interrogé sur son instrument comme tout artiste le fait (dans le genre du reportage écrit, on pensera à Théophile Gautier ou à Henry James). On n'entend donc pas la voix vraie de l'écrivain Carrère, s'il existe.
*
Il faut dire que le milieu de Carrère n'a que peu à voir avec la littérature : c'est un mélange de journalistes, d'artistes à happening, et d'une tourbe mêlée qui pense par clichés, justement, et que fascinent les expériences-limite, ce qui sort du commun. Or la littérature véritable, c'est l'art de faire voir ce que le commun a d'extraordinaire, et un tour du monde en porte-containers est un sujet littérairement faible. On voit bien que Carrère, dans sa lettre à Renaud Camus, ignore ce qu'est la littérature. Comme pour tout le monde dans son milieu, elle n'est plus que le véhicule de préjugés politiques et non un travail sur le langage.
*
Dans ce fourre-tout, il y a bien sûr de belles réussites qui me font recommander la lecture de ce livre à titre de délassement : en particulier, tous les passages sur la Russie, et même le "making-of" de Limonov. Carrère (et par là, il se distingue quelque peu de son milieu) a des liens forts avec la Russie, et comme il parle russe, il a accès aux Russes réels, ce qui n'est pas fréquent en Occident.
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Amis passionnés d'Emmanuel Carrère, vous ne serez pas déçus. Compilation d'articles parus entre 1990 et 2017 on y retrouve tous les sujets de prédilections de l'auteur, pour qui a lu ses autres ouvrages. Jean-Claude Romand, Philip K. Dick, et Limonov, Saint-Paul, Saint-Luc, mais aussi d'autres, à qui il n'a pas eu le temps ou le goût de consacrer un livre entier. Son talent et sa propension à nous parler de lui rendent ce sentiment de familiarité qu'on a pu développer au cours des précédentes lectures. Il me manque déjà.
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Un assemblage d écrits de l auteur
Après les deux premiers articles sur la chute de la Roumanie communiste ,je me suis lassée
Pour les aficionados de l auteur qui supporteront l ordre chronologique
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Ce n'est pas un roman mais une compilation d'articles parus dans diverses revues, de préfaces ou encore de lettres personnelles. La Russie est un sujet récurrent; l'auteur évoque ses rencontres avec des personnes pittoresques mais sans être caricaturales. On y croise, entre autres, Limonov qui deviendra sujet d'un des livres d'Emmanuel Carrère.
L'auteur propose de beaux portraits de femme dont celui de Darcy Padilla, photographe américaine auteure du Project Julie dont il décortique la genèse.
Comme toujours Emmanuel Carrère distille des éléments de sa vie personnelle et notamment de sa relation amoureuse tout au long de ce livre. le lecteur s'en passerait mais l'auteur semble avoir besoin d'exprimer ses sentiments même les plus profonds, de se laisser voir par transparence, en toute impudeur. Qu'importe, la qualité de l'écriture est là, comme toujours, pour mon plus grand bonheur.
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Me sachant amatrice d'Emmanuel Carrère, mon mari m'a affectueusement glissé son dernier titre sous l'oreiller il y a quelques jours. "Il est avantageux d'avoir où aller". Ce qu'il ne savait pas, c'est que j'avais renoncé à l'acheter après avoir lu qu'il s'agissait principalement d'un recueil d'articles de presse. A quoi bon? m'étais-je dit. Moi qui aime chez Carrère ces longues respirations sur un homme, une vie, une blessure. Non, je resterai sur ma faim!
Pourtant j'ai débuté le livre avec bonheur. Il commence sur des chroniques judiciaires, qui m'ont rappelé l'adversaire - ou en tous les cas, la passion de Carrère pour la faille. Validé.
S'en suit un article sur la fin de la Roumanie de Ceausescu et ses soubresauts hébétés. Ouais - bof. Pourtant, je suis une passionnée d'Europe. Mais cet article-là a peut-être juste un peu mal vieilli, ou peut-être que j'y suis moins sensible. Et puis, je découvre avec délice la vie abrégée d'Alan Turing (ce mathématicien homosexuel qui a brisé le code de la machine Enigma pendant la seconde guerre mondiale). Et là, je me dis que Carrère est vraiment un portraitiste formidable.
Le livre se poursuit sur des hauts (le cavalier suédois de Leo Perutz, le hongrois perdu, espèce de crétin! Warren est mort!) et des bas (l'affaire Romand, neuf chroniques pour un magazine italien, la mort au Sri Lanka, le dernier des possédés, comment j'ai complètement raté mon interview de Catherine Deneuve, quatre jours à Davos) et se finit en apogée sur deux articles magnifiques "la ressemblance" (dans lequel Carrère discute de manière troublante la relation entre le peintre, son modèle et la réalité) et "à la recherche de l'homme-dé" (un article puissant, qui parlera à tous ceux qui, comme moi, ont toujours été chatouillés par la perspectives d'autres vies).
Le bilan de cet ouvrage hors norme, c'est une photo du parcours d'écrivain d'Emmanuel Carrère, où se dessinent ses centres d'intérêts, ses marottes, les petites choses qui ont fait sa vie. Ceux qui le suivent depuis plusieurs romans, trouveront dommage la redite sur les thèmes qui ont fait l'objet de romans entiers, mais chacun trouvera probablement l'une ou l'autre pépite.
Au final, un bon encas, mais on attend quand même avec impatience un vrai plat principal...
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Encore une fois je suis clouée au sol par l'écriture de ce type. Nom d'une pipe, qu'est ce que je donnerai pour écrire comme lui... Enfin bon ce sont des articles déjà parus dans l'Evènement du Jeudi, le nouvel obs etc. Depuis la classe de neige donc quand même longtemps maintenant, il n'écrit plus du tout de fiction et se rattache au réel. Je suis totalement fan de cet auteur que je compte parmi les plus grands de ce siècle, mais ça n'engage que moi.
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