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Je suis vraiment impressionné par Libres dans leur tête, premier roman de Stéphanie Castillo-Soler.

Comment a-t-elle pu trouver un ton si juste, réaliser une analyse aussi pertinente, décrire avec autant de tact et de justesse la vie carcérale ?
L'enfermement d'un être humain ne se limite jamais à la privation de liberté. Il faut subir une quantité incroyable de souffrances, endurer une promiscuité souvent néfaste, supporter un bruit incessant, vivre dans des locaux à l'hygiène loin d'être irréprochable et voir dérouler devant soi toute la misère du monde.
Alors, sur les pas de Romain et de Laurent, tous les deux impliqués, chacun dans des circonstances bien différentes, dans des histoires de meurtre, Stéphanie Castillo-Soler prouve qu'il est possible de sortir d'une pareille épreuve en étant encore plus fort, à condition de vivre tout ce temps, libre dans sa tête !
Tout au long de son roman très bien écrit, elle réussit à présenter des situations, des cas concrets, des rencontres, des expériences positives, parfois traumatisantes aussi. Tout cela est bien raconté avec suffisamment de suspense ou d'incertitude, ce qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout.
L'auteure met en valeur la lecture, le rôle fondamental de la bibliothèque dans les maisons d'arrêt ou les centres de détention. La lecture, l'expression artistique, en un mot, la culture, sont des bouffées d'oxygène indispensables qui permettent aux personnes détenues de révéler des richesses insoupçonnées. Il faudrait toujours plus de moyens afin de permettre à ces êtres humains qui ont commis, ou pas, des actes graves voire très graves, de se réinsérer lorsqu'ils se retrouveront à nouveau libres, ce qui ne peut que se produire un jour ou l'autre.
Stéphanie Castillo-Soler a le mérite d'insister, de rappeler que de nombreux suicides émaillent la vie des lieux de privation de liberté. Ces vies brutalement interrompues témoignent d'un désespoir d'une profondeur inouïe. Ces suicides sont cachés. On n'en parle pratiquement pas alors qu'il aurait fallu, auparavant, permettre un dialogue, une activité régulière pour briser le huis clos désespérant de la cellule ainsi que l'abrutissement télévisé.
Enfin, l'auteure met justement en avant le formidable courage des familles qui font régulièrement de très longs déplacements pour ces fameux parloirs toujours trop courts. Puis, il y a le courrier – même s'il est lu et contrôlé - qui retrouve là une importance qu'il n'a plus, une valeur essentielle, humaine, enrichissante. D'ailleurs, parler de ces bénévoles qui écrivent aux personnes incarcérées mérite d'être salué.
Libres dans leur tête est un beau livre avec un magnifique coquelicot en couverture, coquelicot dédié à Romain et Laurent ainsi qu'à tous ceux qui tentent de ressortir plus forts de ces lieux trop souvent oubliés par la société bien-pensante.
Enfin, comment, pour terminer, ne pas noter cette phrase de Jean Zay (Ministre de l'Éducation Nationale et des Beaux-Arts du Front Populaire, assassiné par la Milice en 1944) mise en épigraphe de Libres dans leur tête ?

« Malheur à celui sur lequel se referme la porte d'une prison et qui n'a point de vie intérieure, qui ne saura s'en créer ! » (Souvenirs et solitude)


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Il y a quelques années déjà que j'ai lu plusieurs livres sur le milieu carcéral français. Aussi, je peux affirmer qu'un solide travail de documentation doit être à l'origine de ce roman, dont le ton me semble très juste et les éléments d'encrage pertinents. Il fait bien évidemment la part belle à un certain optimisme et foi en la nature humaine.

La lecture y est envisagée comme moyen d'évasion, tout comme le dessin ou la correspondance avec les proches et des bénévoles : « Les livres sont porteurs de rêves, de messages, d'évasion. Ils permettent de chasser l'ennui, comblent le vide, procurent aux détenus un ersatz de liberté. » (p. 94)

L'explication du titre vient page 112 : « La finalité n'est pas seulement la création d'une oeuvre d'art. La finalité est de procurer un petit espace de liberté, redorer l'image ternie que les détenus ont d'eux-mêmes, leur redonner envie d'avancer, leur montrer qu'ils sont encore des hommes doués d'une force créatrice, libres dans leur tête ».

Les mots sordide, promiscuité, « agressivité latente », « l'insupportable réalité », indicible, « terrible expérience », détresse, suicide même sont bien présents également.

En filigrane, une réflexion des plus subtiles sur la notion de pardon, entre autres celui qu'accorde Romain à sa jeune mère qui l'a abandonné. Cette phrase retentira longtemps encore en mon esprit : « Faut-il des drames pour prendre conscience de la précarité de la vie et de la liberté, faut-il des drames pour apprendre à pardonner ? » (p. 44)

Et puis, il y a ces adorables sonnets (p. 129, 135, 149 et 152).
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Quasi tout le roman se déroule dans une prison pour hommes, plus particulièrement dans la cellule de Romain et Laurent, deux jeunes hommes condamnés pour homicide. Et pourtant, on a l'impression de respirer dans ce huis-clos empli de lumière.

Un écrivain, cela fait des choix. Stephanie Castillo-Soler en a fait un. Dans ce milieu carcéral décrit au plus juste dans son quotidien oppressant, sa violence sourdre, ses rencontres, bonnes ou mauvaises, elle a choisi les bonnes, celles qui riment avec solidarité et entraide. On comprend assez vite dans quelle direction elle veut orienter son texte : en faire un récit initiatique positif, bienveillant, profondément humaniste.

D'une plume simple et fluide, le roman alterne les points de vue de façon très pertinente. Romain, son manque d'assurance, sa naïveté, son enfance douloureuse, une sensibilité qui ne demande qu'a se dévoiler. Laurent, plus arrogant et sûr de lui comme on peut l'être lorsqu'on a les codes de la culture et qu'on a grandi dans un milieu sociale protégé et protecteur. Leurs points de vue se complètent et éclairent notre regard porté à tour de rôle sur chacun, un regard qui évolue. le lecteur est en empathie totale avec eux et les couve dans leur apprentissage de la maturité et de la sagesse dans le contexte difficile de la prison.

J'aurai cependant apprécié un peu moins de joliesse, plus d'aspérités. Deux beaux garçons. Qui tombent amoureux de deux très belles filles qui les accompagnent et les attendent. Mon coeur de midinette a forcément apprécié mais je ne suis définitivement pas «feel good ». Cela reste très personnel et vraiment affaire de goût, mais j'ai trouvé que les histoires d'amour type romance prenaient trop de place dans la deuxième moitié du livre. Reste un premier roman émouvant, délicat et maitrisé.
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J'ai été absolument touchée et très émue à la lecture de ce roman Libres dans leur tête.
Le roman débute avec l'arrivée en prison de Romain. Ce jeune homme avait trouvé une certaine stabilité auprès de Fred et Marinette sa dernière famille d'accueil, quand il s'était laissé entraîner par deux autres garçons de la cité voisine à commettre de menus larcins, jusqu'à des événements plus que tragiques. En effet, c'est au cours d'un cambriolage chez une vieille dame que les choses ont mal tourné lorsque la personne est rentrée plus tôt que prévu ; celle-ci a été retrouvé morte, tuée par un seul coup à la tête porté par une statuette en bronze. L'enquête révèle que ce n'était pas Romain qui avait porté le coup, mais il est inculpé pour violation de domicile privé, extorsion aggravée ayant entraîné la mort de la victime, non-assistance à personne à danger et délit de fuite.
Romain va devoir partager sa cellule avec Laurent. Cet étudiant qui préparait ses concours d'admission aux grandes écoles, lui, a tué. Pour sauver sa demi-soeur qui se droguait, et qui voulait arrêter, il a voulu aller lui-même régler sa dette auprès du dealer qui l'attendait. le type a paniqué en le voyant et a voulu le frapper, Laurent l'a devancé et la tête du dealer a cogné le mur : il était mort ! Ne sachant plus que faire, il repart chez lui et ce sont les parents, enfin rentrés qui alerteront les flics.
Tous deux ont souffert de l'abandon maternel. Romain a été abandonné à sa naissance par sa mère alors très jeune et, même si pendant trois ans Fred et Marinette ont réussi à lui montrer une certaine forme d'amour, il a manqué de repères. Laurent, lui, avait seulement 2 ans quand sa mère est partie, 3 ans quand son père s'est remarié, Il a donc trouvé ensuite un environnement familial stable. « Maintenant, leur principal point commun est le quotidien qu'ils partagent sans l'avoir choisi ». Ils vont devoir apprendre à se connaître, et malgré leurs différences apprendre à vivre ensemble et décoder les règles de l'univers carcéral. Mutuellement, au fil du temps, chacun va apporter à l'autre le meilleur de son coeur. Ils seront aidés par un troisième détenu Serge, 56 ans, responsable de la bibliothèque.
Dans ce petit bouquin de moins de 160 pages, Stéphanie Castillo-Soler se débrouille, de manière sensible et juste et de façon très documentée pour nous faire découvrir l'univers carcéral dans toute sa laideur, sa noirceur, sa vie cruelle et dangereuse, son absence d'avenir, tout en faisant naître au coeur de celui-ci, une bouleversante et véritable amitié solide ainsi que des liens d'amour et à démontrer avec talent la force de la solidarité, unique moyen pour faire face à l'adversité « La dure réalité de la prison montre aux hommes le vrai sens du mot solidarité. Sans elle la survie est quasi-impossible ». Elle montre aussi l'extrême importance que revêtent le courrier et les visites pour les détenus, sans oublier le rôle des bénévoles qui n'hésitent pas à s'inscrire pour correspondre avec eux.
Tout au long du roman, est donnée une grande place à la lecture, à l'art, à l'écriture et à la poésie qui seront salvateurs pour nos deux personnages. « Les livres sont porteurs de rêves, de messages, d'évasion. Ils permettent de chasser l'ennui, comblent le vide, procurent aux détenus un ersatz de liberté ».
Beaucoup de questions sur la vie sont évoquées dans ce récit, notamment et si ?, et après ? C'est un livre bourré de réflexions sur la culpabilité, la liberté, la solidarité, l'amitié, l'amour, les frustrations, l'apprentissage de la vie, en résumé, il est une philosophie de vie.
J'ai lu Libres dans leur tête d'une seule traite, émerveillée par le talent de cette auteure qui apporte une lumière extraordinaire dans un lieu de ténèbres.
Pour conclure, je ne résiste pas à citer cette phrase qui est l'âme du roman et en évoque à merveille le contenu tout en décrivant la belle photo de couverture :
« Par un frais matin d'avril, les garçons remarquent qu'un coquelicot a poussé sur le mur. le ravalement a éclaté par endroits, révélant la structure en briques, et sur un rebord moussu la fleur a trouvé suffisamment de vigueur pour s'élever, solitaire et gracile. le rouge éclatant de ses pétales, semblables à de la soie, se détache sur la grisaille. Son apparente fragilité contraste avec une certaine force, la force de se trouver là, unique, délicate et ravissante au milieu de la laideur. Les garçons la contemplent un moment, sensibles à ce petit message d'espoir qu'ils décident d'y lire ».
À lire absolument !
Une écrivaine à suivre ...

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"Dehors, ceux d'en haut ne regardent jamais ceux d'en bas. Ils vivent leur petite vie, avec leur petit confort..."
Contrairement à nous qui sommes en prison.


Ils sont enfermés, dans la même cellule, mais ne se parlent pas, l'un et l'autre perdus dans leurs espoirs et rêves de liberté, à jamais oubliés...


"Quelle différence entre un homme et une prison?
-En prison, il y a des cellules grises."
Il y a aussi un coquelicot qui a fleuri, sur un mur lépreux de la prison.


Romain et Laurent sont dans une minuscule cellule, en pleine promiscuité.
L'un complice de vol avec homicide involontaire et l'autre pour avoir tué un dealer... Ils n'ont rien en commun, entre ces 4 murs gris, à part la photo de la "soeur" de Laurent, la lumineuse Manon.


Laurent qui a la chance d'entretenir une relation épistolaire avec Clémentine, une jolie étudiante.
Romain aura la chance, grâce à son don pour le dessin, d'embellir le mur de la salle commune de la prison.


Une belle fresque qui va être dégradée, par un des caïds envieux.
- "De l'art, mon cul, connard. Moi, j'aime pas les fayots et lui et sa p'tite bande méritent une dérouillée qui leur f'ra oublier l'envie de dessiner des fleurs."


Romain et Laurent peuvent-ils faire face ensemble? Ils n'ont pas grand chose à partager, à part leur destin commun.
Ce coquelicot qui a poussé, ce symbole de liberté et de vie, peut-il survivre sans humanité ?


"Il doit bien y avoir un moyen de s'échapper de cet enfer... Il y en a sûrement un, en dehors du sommeil et des rêves... "Hugo Pratt, La Maison dorée de Samarkand.
Les citations ont été ajoutées par l'auteure: Stéphanie Castillo-Soler qui a beaucoup de talent. Merci!
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Huis-clos….

5h55. Mal installée dans ce fichu cigare volant, je m'apprête à me « détendre » (tu parles…) « enfin » (mon oeil…) un peu (très peu). Trois heures de vol Porto- Frankfort pour un week-end entier totalement dédié à la société qui m'emploie…

Je suis é-rein-tée : après une journée entière inondée de commandes en ligne, d'appels qui s'enchainent comme un chapelet, d'e-mails pleins de questions sur le numéro du parfum X ou la couleur du rouge à lèvres Y, je suis rentrée en courant. Nuit tombée depuis bien longtemps. Préparer le diner, repasser, entre autre, l'uniforme de Cher-et-Tendre pour ses deux jours de boulot, préparer ma valise (pour Frankfort), celle de la petiote (pour dormir chez sa marraine), changer les draps des lits, passer l'aspirateur. Couchée à minuit…3h00 du mat', debout ! Même pas dormi. La lumière du jour me manque. Une heure de route jusqu'à l'aéroport sous les néons de l'autoroute, le ciel éteint. L'avion décolle, les hublots sont noirs. Noirs de nuit, noirs de pluie, noirs d'ennui…

Les lectures sont en pause : je viens de quitter « Enfermé.e » de Mr. Saussey qui m'a complètement happée, subjuguée. Douloureusement. Comme tu as souffert, Virginie. Mr. Saussey, je le confirme, vous êtes envoûtant. Déjà, avec « Principes Mortels… ». Pour « alléger », je « sirote » du David Zaoui : « Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris »….Je ne sirote pas, en fait : j'avale de travers….Dieux du ciel et de la terre ! Qu'a-t-il fait ? Et moi ? Qu'ai-je fait ? Au Bon Dieu ? OOOOh Mon Dieu !….On en reparlera….

Venons-en au fait : une amie babeliote m'a gentiment proposé son « bébé » : son roman « Libres Dans Leur Tête ». Un huis-clos ! Tiens, ça tombe bien, pour l'avion…et puisque Mr. Zaoui me barbe…

Eh bien, je lui dis « MERCI ! » à ma récente amie Stéphanie. En grosses lettres, oui. Merci et bravo. C'est léger… en apparence. C'est beau, poétique, plein d'espoir. Si bien écrit (prenez-en de la graine, Mr. Zaoui). Et pourtant, c'est un huis-clos. Dans une prison…(Oui, Mr. Saussey !). J'ai senti le froid, la tristesse et l'ennui. le remord, le regret et la grisaille. La peur, la violence et le danger.
Mais j'ai aussi vu le jour et le soleil, l'amour et l'amitié, la liberté et la vie. C'est un livre plein d'espérance. C'est une ôde à l'avenir. L'avenir que l'on devine, que l'on veut heureux, enfin, pour ces deux protagonistes principaux.

C'est un livre qui fait la part belle à l'envie de vivre, au besoin de se reconstruire, malgré les erreurs, malgré les horreurs.
C'est un livre qui fait la part belle aux livres, à la lecture, à l'évasion entre les pages, à la fuite par l'écriture et par les mots.
C'est un livre qui fait la part belle aux femmes. Elles sont amour, elles sont les lendemains qui brûlent de foi, de joie et de promesses à tenir.

C'est un très beau roman. Simple et tendre. Humble et fort. Un prix mérité.

Et pourtant, c'est un huis-clos ! Dans une prison !

L'avion a atterrit. Il est dix heures du matin. Frankfort est baigné d'un pâle soleil frileux... Milieu du roman. Je le finirai sur le vol de retour, demain en début d'après-midi. Je sais que le soleil brillera quand je rejoindrai mon petit pays, ma petite famille. C'est prévu : c'est la météo qui l'a dit !

Stéphanie, merci encore. Et surtout, ne vous arrêtez pas d'écrire.

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Libres dans leur tête est un roman riche de plusieurs thèmes : privation de liberté, liberté intellectuelle inaliénable (grâce à l'art et la littérature notamment), justice, sentiment d'injustice, dépression, tentative de suicide chez les détenus, reproduction à l'intérieur de la prison des mécanismes sociaux en vigueur à l'extérieur, la réinsertion, la deuxième chance, la préparation de la sortie et d'une nouvelle vie.

C'est une chronique émouvante, tout en sensibilité, de la vie carcérale. Rédigée au présent, elle provoque une immersion dans le quotidien des détenus et a suscité en moi une réflexion sur la justice, à la fois en tant qu'idéal et administration concrète.

Qui n'a pas son idée, soit abstraite, soit dictée par l'expérience, du système judiciaire ? Trop sévère ? Trop laxiste ? On entend souvent tous les discours : entre débats politiques, clichés issus des séries TV ou des thrillers.

Ce roman a fait resurgir mon expérience de jurée tirée au sort et le souvenir de la formation que le magistrat qui présidait la cour d'assises nous avait au préalable donnée. Nous n'avions pas visité de prison mais il nous avait parlé de la lourde responsabilité que représentait le fait de condamner un homme ou une femme à une peine de prison, de la nécessité de tenir compte de plusieurs paramètres : la victime et sa famille, la protection de la société et la personnalité du présumé coupable (son histoire, son passé). Ainsi, il est possible de rendre la justice, de prendre une décision équilibrée, dans le but de satisfaire toutes les parties, à mi-chemin entre la sévérité de l'avocat général et l'indulgence de l'avocat de la défense, qui s'exprime en dernier pour convaincre les jurés. le président avait ajouté que les détenus sont rarement des monstres calculateurs.

Ce sont ces hommes ordinaires, dont la vie a un jour basculé, que Stéphanie Castillo-Soler décrits dans Libres dans leur tête. Cette lecture m'a permis de répondre à la question que je m'étais posée à l'époque : et après la condamnation, que se passe-t-il pour ces hommes et ces femmes ?

Libres dans leur tête s'attaque à un sujet tabou et peu consensuel, rarement abordé car la compassion va naturellement aux victimes et non aux coupables, que nous avons tendance à voir comme des monstres, l'incarnation du mal, qui a bien mérité son châtiment, et qui doit purger sa peine dans des conditions dont presque personne ne se soucie.

Mais les détenus sont rarement des monstres. Serge, l'ancien prof dont la vie a basculé la nuit où il a tué son cambrioleur, est loin d'en être un. Il tient désormais la bibliothèque de la prison. Que dire du mari qui a pris le volant après un dîner arrosé ?... Son épouse vient le voir au parloir, en compagnie de la soeur de Laurent, Manon.
Laurent, étudiant en école de commerce, qui a accidentellement tué le dealer de sa soeur…

Il voulait lui signifier que Manon ne lui achèterait plus de drogues et rembourser l'intégralité de sa dette. le ton est monté, un malheureux coup de poing pour se défendre, la tête du dealer qui heurte fatalement le mauvais endroit…
Depuis, les caïds de la prison veulent sa peau car il a tué un des leurs. Serge utilise son aptitude à la bagarre contre les injustices pour négocier avec ces voyous et protéger son jeune ami.

Quant à Romain, il a suivi des potes qui ont eu la brillante idée de trouver l'argent pour financer leur consommation de cannabis chez une vieille dame. Elle avait la réputation de cacher ses économies sous le matelas. Elle est rentrée chez elle à l'improviste et un des faux amis de Romain l'a tuée.

À travers ce livre, Stéphanie Castillo-Soler rend un bel hommage à tous ceux qui oeuvrent pour préparer la réinsertion de ces détenus, de ces hommes qui méritent qu'on les aide et qu'on leur donne une seconde chance, qu'on les accompagne. C'est le rôle du service socio-éducatif.

J'ai découvert également qu'il existait des associations caritatives de bénévoles qui écrivent aux détenus et que ce lien avec l'extérieur est très important pour chasser la dépression, les idées suicidaires liées à l'enfermement, au poids de la culpabilité, l'horreur de décevoir ses proches, l'angoisse de perdre leur soutien, leur amour. Romain, par exemple, voulait être un modèle pour son petit frère de famille d'accueil. Comment se relever après avoir commis de tels actes ?

« Seront-ils sûrs d'être définitivement à l'abri d'une autre défaillance ? […] Sauront-ils se réinsérer dans la société ? Leurs proches seront-ils à même de leur faire une nouvelle place, dans la mesure où ils reviendront différents de ce qu'ils étaient avant, à jamais marqués par cette terrible expérience ? »

Ce roman est court et pourtant il pose des questions essentielles qui font réfléchir, au-delà des préjugés.
Je me suis demandé si Stéphanie Castillo-Soler, en tant qu'enseignante qui « porte un regard personnalisé sur ses élèves, s'efforçant de révéler le meilleur de chacun », n'avait pas réellement croisé la route de jeunes hommes tels que Romain et Laurent. Peut-être lui ont-ils inspiré ces personnages de fiction, ainsi que le pouvoir thérapeutique de l'art, de l'imagination et le message d'espoir que représente le coquelicot poussé contre le mur de la prison.

La force de cette fleur, en apparence fragile, est de se trouver là, « unique, délicate et ravissante au milieu de la laideur. Les garçons la contemplent un moment, sensibles à ce petit message d'espoir qu'ils décident d'y lire. » Comme un présage de l'avenir meilleur que je leur ai souhaité, après ce « dérapage » (comme ils disent entre eux), grâce au soutien, à l'esprit de solidarité, d'entraide, de toute une série de personnes.
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"Seul le corps peut aller en prison, l'esprit ne peut être prisonnier, on ne peut pas attraper le vent..."
Sahar Khalifa.

Il aura suffit d'un coup, un seul, fatal pour que le monde de Romain s'écroule. Ils étaient trois ce jour de mars, trois copains de la cité à Troyes qui pour tromper leur ennui et parce que la vie c'est pas toujours facile, n'avaient pas d'autre choix que de commettre des petits délits. Trois petits voleurs du dimanche avec l'insouciance de leur vingt ans mais certainement pas des tueurs. Qu'est-ce qu'on est con quand on a vingt ans...

Pourtant ce jour là le choix ils l'ont eu, ils auraient pu faire demi-tour, ne pas entrer par effraction dans la propriété de madame Renault, ils la connaissaient la vieille dame, tout le monde la connaissait dans le quartier. Et qu'est-ce que ça peut faire maintenant de savoir lequel des trois a porté le coup fatal, maintenant que madame Renault est morte ? Romain ne voulait pas ça, personne ne le voulait non...

Après sept mois passés en liberté surveillée dans l'attente de son procès, la sentence tombe, irrévocable : six ans dont deux avec sursis. Six ans dont deux avec sursis ça vous change un homme, ça vous laisse le temps de réfléchir à vos actes mais ça ne peut en aucun cas les effacer tout comme le numéro d'écrou attribué à Romain qui restera gravé tel une cicatrice indélébile. Six ans dont deux avec sursis c'est long qu'on ait vingt ans ou cinquante ans. Romain accepte la sentence, il n'aurait pas été capable de toute manière de continuer à vivre sans ça.

Alors la lumière du jour disparaît, remplacée par celle des néons de la prison, insoutenable tant elle force à garder les yeux ouverts alors qu'on a qu'une envie c'est de les fermer pour oublier. Romain ne verra désormais plus le bleu du ciel qu'à travers la petite fenêtre à barreaux de sa cellule et durant les heures de promenade une fois par jour : sentir l'air sur son visage, respirer les odeurs du dehors, écouter les bruits lointains de la vie qui continue sans lui deviennent un véritable luxe pour celui qui ne perçoit plus que le bruit assourdissant des serrures des portes métalliques qui s'ouvrent et se referment dans un ballet incessant comme pour lui rappeler à chaque seconde, chaque minute qu'il n'est plus un homme libre, que ses journées seront dorénavant de celles qui assomment, qui abasourdissent du matin jusqu'au soir, régies par le réveil à sept heures, les repas à huit, midi et dix-huit heures dans la misérable cellule d'à peine dix mètres carrés et une seule attente telle le salut pour parvenir à le sortir un peu de sa torpeur : les visites aux parloir de Fred et Marinette, ses parents de coeur qui l'ont accueilli chez eux durant trois ans et les courriers de Lucas leur fils, son petit frère. Il aurait tant voulu ne pas les faire souffrir mais c'est trop tard, maintenant la liberté il va devoir la chercher ailleurs, dans son coeur, dans son esprit et c'est auprès de Serge à la bibliothèque et de Laurent son codétenu qui purge une peine de sept ans pour avoir tué le dealer de sa petite soeur Manon, qu'il va tenter de la retrouver.

Stéphanie Castillo-Soler nous livre un récit criant de vérité, elle nous raconte avec beaucoup de respect et de pudeur l'enfermement carcéral, une vie imposée à l'écart du monde, quand le corps est dépossédé de toute dignité, privé, contraint, forcé de n'être plus rien qu'un numéro d'écrou et n'a d'autre solution que celle de s'adapter pour survivre mais en prison c'est comme dans la vie (en bien pire), il y a des lois, des codes à respecter et c'est toujours la loi du plus fort qui l'emporte, chacun n'y entre pas avec les mêmes chances de survie, certains s'en sortent, d'autres n'y parviennent jamais.

Stéphanie Castillo-Soler nous raconte aussi l'espoir. L'espoir c'est la bienveillance de Serge qui prend Romain sous son aile à la bibliothèque, c'est le regard et l'approbation de Laurent, c'est la photo de la jolie Manon punaisée sur le tableau en liège de la petite cellule, c'est l'Antigone d'Anouilh, c'est la Belle du Seigneur, c'est l'amitié profonde et sincère entre un petit gars de la cité et un gamin des beaux quartiers qui n'avaient à priori aucune chance de se rencontrer en dehors des murs de la prison et qui chacun à sa manière porte sa croix.

Aujourd'hui dans nos prisons françaises ils sont une minorité à pouvoir s'évader par le biais de la lecture et à reprendre leurs études (comme c'est la cas de Laurent avec son Master), pour ceux qui s'y attèlent c'est une vraie délivrance face au temps qui est figé dans une routine qui tue les détenus à petit feu. Marcher vers nulle-part, ne pas tomber, rester fort, tenter un tant soit peu de vivre avec ses fautes et pourquoi pas parvenir à se racheter, c'est ce que Romain va tenter de faire avec la lecture et son talent pour le dessin. Son histoire c'est aussi celle des milliers d'hommes et de femmes incarcérés dans nos prisons françaises, ils sont environ 67 000 (tous sexes confondus) dont 19 000 sont toujours en attente de jugement. Coupables ou non, ils ont des droits dont l'un des plus fondamentaux est l'accès à la culture, à l'information, à la connaissance, aux livres car ils restent des citoyens avec des droits sociaux et civiques malgré tout.

Je retiendrai de ce roman de très beaux personnages auxquels on ne peut que s'attacher et qui nous rappellent que parfois les cassures de l'existence peuvent nous amener à nous reconstruire et à laisser derrière nous celui ou celle que nous étions car même si le tableau semble bien sombre, la vie renaît toujours quelque part et une chose est certaine : "c'est qu'on n'empêchera jamais un coquelicot de pousser pas même sur le ciment d'un mur de prison".


Je remercie Stéphanie Castillo-Soler pour l'envoi de son roman et je vous invite pour ceux qui ne l'ont pas encore lu à le découvrir sans tarder. Un très beau roman.







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Deux jeunes majeurs se retrouvent emprisonnés dans la même cellule, où ils purgent chacun une peine de plusieurs années pour homicide. Alors qu'ils s'adaptent aux règles et au rythme de l'univers carcéral, à l'ennui, à la solitude et à la confrontation avec les autres détenus, les deux garçons se découvrent peu à peu des points communs. Une forte amitié va bientôt les lier, tandis que tous deux tentent de rester à flot, grâce à la lecture et à la peinture. Ce sont ces deux espaces de liberté, qui, avec le soutien de leurs proches et d'associations de bénévoles, vont leur permettre de se remettre sur les rails et d'aborder leur réinsertion avec davantage de confiance.


L'histoire est abordée de manière très positive : l'auteur a choisi de s'attacher à quelques personnages, en quelque sorte "égarés" par un dramatique et irréparable accident de parcours, mais pas "méchants" sur le fond, pour s'intéresser avant tout à ce qui peut leur éviter de basculer définitivement dans le gouffre qui les menace. La démonstration peut paraître un peu trop appuyée, l'accumulation de traits et d'évènements favorables semblant à plusieurs reprises trop belle pour demeurer totalement vraisemblable.


Malgré ce côté exagérément optimiste, perdure l'intérêt de la réflexion portée par cette histoire, véritable plaidoyer pour l'accompagnement des personnes incarcérées, afin de les empêcher d'être davantage aspirées vers le fond. Aussi un hommage aux anonymes et bénévoles qui s'investissent : familles d'accueil, correspondants anonymes, associations de soutien, Croix Rouge…, ce roman est une démonstration de l'importance, en prison, des supports de reconstruction, comme, en particulier, l'expression intellectuelle et artistique, outil et espace de liberté essentiels pour la préservation de l'individu et son cheminement vers la rédemption et la réinsertion.


A l'image de sa jolie couverture, ce roman est avant tout un message d'espoir et d'encouragement, tant à destination des personnes à qui il est arrivé de faillir aux yeux de la loi et de la société, qu'à celles qui oeuvrent, parfois de manière ingrate, à leur retour du bon côté des murs. Malgré ses petites imperfections, ce premier roman fluide et agréable mérite qu'on s'y attarde. (3/5)


Un grand merci à Stéphanie Castillo-Soler pour m'avoir fait découvrir son livre !

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Libres dans leur tête nous fait entrer en milieu carcéral et par son propos se distingue des autres romans que j'ai pu lire à ce sujet. Dans ces romans si souvent sombres, la prison y est maintes fois dépeinte avec noirceur comme un endroit terrible qui casse davantage qu'il ne répare, un creuset impitoyable de la violence où les détenus ressortent bien plus abimés encore qu'ils ne l'étaient avant leur incarcération.
Sans nier cette vision de la réalité, celle d'un système pénitentiaire français si souvent montré du doigt pour ses dysfonctionnements, sans nier la culpabilité des deux personnages principaux du livre, même si les homicides pour lesquels ceux-ci feront l'objet d'une condamnation sont sans doute la cause d'un égarement, d'un faux-pas, Stéphanie Castillo-Soler nous invite sur un autre terrain.
Le parti pris assumé de l'auteure est d'aborder le sujet de l'incarcération sous un regard positif fait de compassion et de tendresse.
Je suis entré dans ce récit comme dans un huis-clos au ton sobre, juste, généreux...
Nous découvrons les destins croisés de deux jeunes hommes, Romain et Laurent, issus de deux milieux différents, leurs histoires, leurs accidents de parcours qui les ont amenés chacun à purger une peine de quelques années de prison...
La cellule que vont partager Romain et Laurent est tour à tour un enfer, un lieu pesant d'insalubrité et de promiscuité, un lieu contre toute attente qui permet aussi de se protéger de la violence quotidienne de la prison, celle qui s'exprime comme une peur animale dans la violence et l'humiliation de ces temps collectifs où les détenus se retrouvent entre eux comme des fauves en cage...
Cette cellule partagée va devenir un terrain d'apprivoisement où va naître une complicité, une amitié...
Récit d'apprentissage, le texte de ce court roman est un très beau plaidoyer qui dit l'espoir, la reconstruction, la réinsertion...
Se reconstruire pas à pas grâce aux élans de solidarité...
La fraternité de Serge, détenu qui s'occupe de la bibliothèque de la prison m'a touchée. J'ai adoré ce personnage qui ressemble à un grand frère pour Romain et Laurent.
Et puis l'art, la peinture, la lecture, l'écriture, l'imagination sont des territoires inépuisables où trouver parfois des appuis pour justement se relever, tenter de tourner la page, envisager de sortir de la prison sans pour autant s'égarer de nouveau, replonger. Sortir de prison, vivre de nouveau, aimer et être aimé...
Rien de ce qui est le décor sombre du milieu carcéral n'échappe cependant à lucidité de Stéphanie Castillo-Soler.
Les jalousies, les instincts les plus vils, les règlements de compte, la loi des plus forts qui règne en maître derrière les murs d'une prison, les cris qui déchirent la nuit, les cris de ceux qui se font violer, le silence de ceux qui renoncent à vivre un jour de plus...
Le propos est ailleurs, dans le coeur de ces hommes qui veulent se relever malgré les rebuffades de la vie et les faux-pas qu'elle entraîne, dans le coeur de ceux qui veulent les aider, l'effort quotidien et sans relâche des travailleurs sociaux, des bénévoles, des familles d'accueil, des familles tout simplement...
Le coeur d'une auteure dont c'est le premier roman et dont on sent que ce sujet la touche au plus profond d'elle...
De ma rencontre inoubliable avec l'écrivain René Frégni qui dépeint dans bon nombre de ses romans le milieu carcéral et sa propre expérience d'animateur d'ateliers d'écriture, j'ai retenu des témoignages éblouissants de détenus qui s'en sont relevés en posant sur une page blanche des mots qui venaient de leurs tripes et qui, grâce à ce geste, ont su trouver la force de pousser la porte de leur cellule et d'affronter le jour, le ciel, l'espace de la liberté retrouvée avec des battements d'ailes plein le coeur...
Libres dans leur tête est un récit épris de lumière, comme celle de cette immense fresque murale que peint Romain dans la salle du réfectoire de la prison.
Je remercie Stéphanie Castillo-Soler de m'avoir permis de venir à la rencontre de son premier roman.
J'espère donner à travers ces quelques modestes lignes posées sur une feuille de papier un dimanche après-midi un peu de visibilité à ce récit qui mérite d'être découvert car il est beau et pose des questions essentielles.
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