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sur 160 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Arnaud Cathrine nous nous ouvre les portes de cette maison familiale sise à Villerville, sur la côte normande, comme celle de Bénerville pour Home sweet home.
Les lieux ne sont-ils pas notre mémoire, comme la photographie de la couverture?
Dans ce récit construit comme un journal, Aurélien fait redéfiler son passé, ses amitiés, sa liaison amoureuse. Son autoportrait s'esquisse en filigrane.
Seul dans cette villa,qui a subi les outrages du temps, le narrateur s'égare dans les limbes de sa mémoire. Il convoque des souvenirs éparpillés, qui affluent comme un boomerang. Mais ceux qui dominent ne sont pas les meilleurs. Tout en faisant l'inventaire d'un tiroir, il revisite son parcours professionnel et le compare à son frère Cyrille et celui d'Hervé ( son pire ennemi au collège), l'agent immobilier qui a réussi.
On apprend qu'il a été missionné par sa famille pour assurer les visites avec l'agent immobilier, la décision étant prise de vendre ce bien, de plus en plus délaissé.
En particulier par Aurèle , qui n'y est pas revenu depuis 5 ans.
Le narrateur s'arrête sur les événements de 2007, son année « horribilis ».
Il en vient à se demander ce qu'il fait là , sinon attendre .
Très vite, on comprend qu' Aurélien, écrivain comme l'auteur, a été écartelé entre aimer ou écrire. Son choix fut de « sacrifier tout à l'écriture ». Ce qu'il revendique , c'est la paternité de ses romans et assume son refus d'enfant. Un enfant, n'est-ce pas , comme l'affirme Serge Joncour dans L'amour sans le faire, « une manière de s'inventer une suite, de se construire un avenir,en dehors de quoi il ne reste plus rien d'un couple, sinon des murs parfois ». Se retrouver dans cette maison qui a abrité son amour pour Junon plonge Aurélien dans un douloureux maelström.
Un mystère entoure Benoît,l'absent, qui fut la figure centrale d'un des livres du romancier. Ce qui soulève la question suivante: Peut-on piller la vie des autres?
La révélation de Myriam, l'épouse du disparu nous éclaire sur le mal être qu'Aurèle éprouve en apprenant la fin tragique de Benoît. Elle nous livre la voix de l'absent qui n'a pas pu dire l'indicible: dire à Aurélien qu'il l'aimait. Un choc pour Aurèle;
Comme dans le roman Home sweet home, Arnaud Cathrine fait sien le territoire de l'enfance et de l'adolescence, soulignant ce ballet d'alliances ou de rejets, ourdi par ses semblables. Il explore des thèmes récurrents: la perte et comment vivre avec nos fantômes, l'impossibilité d'aimer, les secrets enfouis ( homosexualité), la solitude, le silence. Non seulement l'auteur autopsie les relations familiales , les rivalités entre fratrie (« dictature fraternelle » , la « banqueroute sentimentale » des deux frères, mais il analyse aussi les liens privilégiés entre éditeur /auteur et lecteur/auteur. Il développe également un patchwork de réflexions autour du statut d'écrivain:traces laissées, notoriété, la confiance à lui accorder.
Autre étrange coïncidence:le même destin tragique pour Benoît et Benjamin Lorca.
Parmi les références littéraires, on retrouve Duras , Calet et Perros.
Le ton du récit est véhiculé par une accumulation de mots liés à la mélancolie,« compagne attitrée » du narrateur, traversé par le cafard,la tristesse, cette solitude« faite pour durer » qui va le conduire à « l'isolement pur et simple ». L'écriture semet au diapason de cette vague de nostalgie. Plus l'écriture se fait intime, plus elledevient universelle. L'écriture pour le protagoniste devient un exorcisme, une façonde lutter contre l'oubli et l'absence. Une écriture féminine, pour Mado, cette « vieille
subversive ». qui lui reproche l'aspect sombre de ses romans. Arnaud Cathrine y déploie toujours cette même sensibilité et délicatesse, cette même pudeur dans lapeinture des sentiments tout en sondant les fragilités de chacun ou soulignant leurscontradictions. Sentiment étrange pour Aurèle de « se sentir d'ici » et de « n'y retrouver personne ».
Le romancier confirme son talent de portraitiste. On croise :Aurélien, qui traîne « un alliage indécis », à l'allure juvénile. Lui , le père: «Jamais d'affect visible ». Elle, la mère:« style Chanel sobre et chic ». Mado:« la mondaine ». Junon: « élégante », « un âge lumineux ». Benoît: « l'insondable ».
Des éclaircies viennent percer ce roman au ton grave. D'abord , grâce à Michelle, la fille de Junon, « l'enfant que je n'ai pas eu », confessera Aurèle. Elle irradie par sa candeur, son innocence et apporte sa touche solaire. Arnaud Cathrine livre des scènes débordantes de tendresse pendant la garde de sa « princesse », « un divertissement précieux ».
L'autre lumière provient d'Irène que le narrateur croisa dans un bar. Elle a su tatouer l'esprit du narrateur, en reconnaissant l'écrivain qu'elle lit. Telle une psychologue, elle a perçu la faille d'Aurèle et réussit à lui faire vibrer son coeur. Un voile pudique recouvre leur futur qu'Arnaud Cathrine a préféré laisser à l'imagination du lecteur.
Arnaud Cathrine a choisi pour coeur de ce roman le thème de la famille, celle dont on hérite et celle que l'on se construit. Cette fois il a atteint le but auquel il aspirait : écrire « le livre impossible ». Si le roman ne fait pas rire, comme le souhaiterait Mado, il est suffisamment puissant pour susciter la sympathie et l'adhésion du lecteur et pour toucher sa corde sensible.
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En grande mélancolique que je suis, en grande amoureuse de ma Normandie, j'appréhendais le fait que d'enchaîner un énième roman avec elle soit une mauvaise idée... Mais j'ai pas pu résister à la Normandie. Puis vint la thématique de la quatrième de couverture qui m'a totalement envoûtée. Je me suis alors sentie aspirée par mes pages qui n'ont cessé de se tourner plus vite que prévu, plus vite qu'à l'accoutumé. Et je dois admettre que ça fait beaucoup de bien.

Ce livre est écrit par Arnaud Cathrine avec tellement de justesse que ma mélancolie fût apaisée ou tout du moins plus douce à supporter car l'auteur nous offre sur un plateau d'argent un personnage principal comme confident, ami qui soutient cette façon d'être qui peut paraître particulière pour certain.

C'est après être forcé à devoir y retourner, qu'Aurélien ne peut plus se résoudre à quitter la Normandie qu'il cherchait tant à fuir auparavant. En se retrouvant par la force des choses à être ici, il prend conscience qu'il ne fuit plus son passé et laisse alors son histoire le rattraper en quête de sa véritable personnalité, coûte que coûte.

Dans ce noyau familial, on découvre une de ces relations où l'on distingue bien ce que les parents projettent pour leurs enfants et finalement ce que les enfants essaient de faire de leurs vies. Tout au long de ce récit, on parcourt les expériences de cet homme, tant au niveau des fréquentations et donc des différents milieux, de son enfance à l'adulte en devenir qu'il est à présent à la petite trentaine passée. On constate que les schémas ne peuvent que se répéter et ce malgré les cicatrices obtenues en chemin lorsqu'on construit tout sur l'incertitude.

Néanmoins, ce retour aux sources à Villerville c'est sa mémoire, ses souvenirs qui reprennent possession du petit garçon tourmenté qu'il était et de l'adulte mélancolique qu'il est devenu. C'est un récit qui nous permet de nous rendre compte, que même si l'on met tout son coeur à fuir certaines choses pour s'éviter sans doute de se faire du mal, nos racines finissent toujours par avoir raison de nous en nous rattrapant, et qu'il ne faut pas s'ignorer au détriment des autres, même s'ils demeurent des modèles ou des dominants.

L'attachement aux lieux et aux souvenirs sont vécus comme s'ils étaient contaminés et contaminants. En parallèle, on ne peut que constater et parler du temps qui passe et de la « normalité des choses » attendues par un entourage pressant, pesant, comme si arrivé à un certain âge tout devait rentrer dans l'ordre des choses, comme des petites cases qui s'emboîtent les unes dans les autres. En devant faire face aux regards et jugements d'autruis, comment on traverse une vie qui paraît vide, creuse ou fade ; tant au niveau de sa situation familiale ou professionnelle ? Mais paraît-elle ainsi pour nous ou pour les autres ? Ou, nous paraît-elle ainsi parce que c'est l'image que ne font que nous projeter les autres ? Voici, les questions, les introspections dans lesquelles nous plongeons avec Aurèle.

Au fil des pages, on a la sensation qu'Aurèle, en faisant face à ses souvenirs et en accueillant sa mélancolie au lieu de la subir, se déleste des poids et des obligations qu'il s'inflige depuis toutes ses années. Une forme de lâcher-prise s'installe, en prenant des décisions intuitives, ce qui l'éclaire pour comprendre les choses mais aussi tenter de trouver sa place aussi bien dans sa famille que dans la société, malgré son métier d'écrivain.

J'ai aimé cette forme d'écriture ; tantôt avec des parenthèses comme si l'auteur n'avait jamais fini de compléter la description de sentiments toujours plus justes, tantôt avec des phrases nets, tantôt avec des phrases longues ; qui nous font réellement ressentir son histoire de vie au coeur de ses émotions partagées.
 
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La première de couverture comble d'une photo hyper réalise sur fond noir est le principe premier de ce récit. Telle, la villa se présente, la première majuscule de cette histoire de famille est formée. Les mots vont advenir d'emblée, tels les personnages en mouvement sur la jaquette. En arrière- plan de la villa où se jouera le principal de cette presque autobiographie.
Les Editions Verticales ont réussi un sacré tour de maître. Bon nombre de potentiels lecteurs achèteront ou emprunteront le livre rien qu'au coup de coeur de la première de couverture. D'autres pour l'auteur et ses écrits connus. Et pour découvrir de nouveau l'envolée livresque d'Arnaud Cathrine, rencontré en 1998, au salon du livre « Biblion » de Ruffec en Charente.
« Je ne retrouve personne » est un film à ciel ouvert. Nous ne lisons pas, nous regardons. Et au fur et à mesure de la lecture, nous devenons les protagonistes de l'histoire. C'est un récit réaliste. Une presque autobiographie romancée. Dans ce récit contrebalancé entre deux rives le réel et le fictif, reste le fil tenu des émotions. Ce qui rend impossible le fait de raconter au premier abord l'histoire, avant de rendre l'atmosphère et la teneur de ce récit.
Le pari réussi d'Arnaud Cathrine d'exorciser l'ambiance, le rythme, la pesanteur du drame, pour en faire l'encre de ses mots. Donner vie ensuite au récit pour que le lecteur fasse corps avec ce dernier.
C'est une chronique basée en priorité sur la force du pouvoir ressenti, avant l'analyse du récit. Arnaud Cathrine a voulu qu'il en soit ainsi. le choc émotionnel avant le charme de son histoire. Mais charme dans le sens d'attachante et fusionnelle. Il a désiré que l'on s'imprègne de l'intériorité de ses personnages jusqu'à les rendre intimistes.
La qualité du style aéré, en phrases courtes, à la Duras, prouve la qualité d'écriture de cet auteur. Cette histoire s'écoule d'elle-même. Il n'est plus écrivain mais confident. Il est en face à face avec le lecteur qui le regarde sans lire. L'histoire d'Aurélien qui revient à contre- courant dans l'entre-lac de son enfance. de son passé de jeune adulte, écrivain éperdu, en quête de sens. Revenant dans la maison familiale pour négocier la vente de cette dernière. Mais n'est-ce pas lui qui veut disparaître ? Tout comme cette maison aux 100 000 fantômes et non –dits, secrets et renoncements ? Avec de temps à autre une petite note de bonheur qui aura forcée l'ouverture des persiennes fermées par les silences ancestraux. Aurélien au fil des pages devient Aurèle . On sent au travers de cette nomination la puissance des écrits de Marguerite Yourcenar. Ce qui fait penser de suite à un personnage antique, mystérieux, et amoureux au sens le plus tragique du terme. Aurèle dans ce récit devient Arnaud Cathrine. On remarque de suite cette insinuation qui force le récit vers une métaphore ténébreuse.
Aurèle dans ce carcan familial où la parole a fui, et où n'est resté que ce fleuve charriant les frustrations et le trop conformisme parental. Aurèle a l'ambiguïté exacerbée. A la page 39 du récit on découvre Benoît. le tragique, l'amoureux flouté d'Aurèle. « Mais que s'est -il passé pour que tu écrives des trucs pareils ? » lui dit sa mère .
A la page 42, la balade aux senteurs marines est existentielle. « Qu'attends-on d'une balade en bord de mer quand la vie a dû tout mettre en oeuvre pour nous séparer et engloutir nos fragiles attaches ? »
Benoît qui s'autodétruira jusqu'à la mort. Et Aurèle qui n'aura jamais eu la force de rester auprès de ce dernier. Aurèle devient alors Duras dans le déni de reconnaître la clef de l'amour. Aurèle devient la signature du désir refoulé.
Récit daté , dont celle du 3 décembre 2011 à la page 175 : Arrêté aujourd'hui par cette phrase de Duras dans « Ecrire » « On ne trouve pas la solitude , on la fait ,» « Ma vie est ici ».
Récit qui conduit au presque journal intime.
Aurélien à force de ténacité, aura réussi à s'échapper du piège de la toile d'araignée de son passé. Il n'aura peut-être pas vaincu ses fantômes, malgré tout, on sent une libération à la toute fin de son récit.
Ce dernier, attention lecteur , se lit en une seule fois. L'impossibilité de lâcher-prise avec Aurèle renforce la lecture .
Ce récit est sombre, (nous sommes dans les entrailles de la terre), et surtout puissant. Mélancolique, nostalgique, chaque mot recèle un regret vif. Il est tendre, ténébreux, riche de vie, réaliste. Ce livre raconte l'histoire de chacun, ou la rencontre subjective avec son moi. Il chasse les démons de l'égo. Arnaud Cathrine avec une pudeur certaine, une délicatesse romantique, féminine , signe là un de ses plus beaux livres.

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Deux frères, une maison familiale à vendre, quelque part du côté de Deauville. Chacun a fait sa vie, loin du cocon familial, mais les parents, pharmaciens, ont décidé de mettre en vente cette maison qui n'est plus guère fréquentée depuis qu'ils ont pris leur retraite dans le pays niçois. Et c'est Aurélien qui a été désigné par la famille pour se charger de la corvée : recevoir les visiteurs, négocier le prix. Tancé par son frère aîné Cyrille, avec qui les rapports ont toujours été quelque peu tendus, il se rend à contrecoeur à Villerville, où il va avoir la surprise de retrouver une vieille connaissance, sous les traits de l'agent immobilier précisément chargé de la vente. C'est le début d'une quête de ses racines pour cet écrivain déjà célèbre qui a fait de ses souvenirs d'enfance le sujet de la plupart de ses romans. Confronté à la réalité, il va sombrer dans une douce mélancolie, égayée par la venue de sa filleule Michelle, une adorable gamine qui va lui redonner goût à la vie. Dans cette petite chronique de l'intranquillité, selon le mot popularisé avec tant de justesse par Fernando Pessoa, Arnaud Cathrine déploie son talent de peintre des pensées intimes, sans jamais tomber dans la complaisance et avec une écriture simple et directe. Une réussite…
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Aurélien, écrivain trentenaire en pleine promo, est contraint de retourner en Normandie afin de s'occuper de la vente de la maison familiale. Il pense faire un aller / retour mais sa rencontre avec l'agent immobilier, un ancien ami d'enfance va le replonger dans son passé. Il va finir par prolonger son séjour et faire un retour sur sa jeunesse, les rencontres, mais aussi les liens familiaux.

Cette maison où il a grandi semble le témoin de ces souvenirs qui reviennent avec nostalgie mais aussi les interrogations sur sa vie passé et actuelle. Depuis son départ pour Paris, il a toujours fuit ce retour, cette époque de sa vie qui pourtant fait partie de sa construction en tant qu'adulte.
Cette réflexion va peu à peu lui permettre de sortir de ces souvenirs, ces liens qui l'empêchent de grandir et d'assumer ce « soi » actuel et futur.

Dans ce dernier roman, on y retrouve l'exploration et la quête du soi, l'intime, des blessures du passé pour tenter de mieux se construire au présent. On y retrouve cette ambiance particulière, ces paysages mélancoliques et poétiques.

C'est encore un très beau roman, tout en finesse que nous offre Arnaud Cathrine.
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