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EAN : 9782742748037
200 pages
Actes Sud (08/04/2004)
5/5   1 notes
Résumé :
La vie et l'oeuvre de Catulle sont auréolées de mystère. Une date de naissance incertaine (87 ou 84 av. J.-C. ?), une vie brève - trente années, à peine - et, pour finir, une disparition sur laquelle nous n'avons pas le moindre renseignement. La trace essentielle de cette vie : un mince recueil de cent seize poèmes de longueur et de mètres fort différents qui vont de deux à quatre cent huit vers.
Vie brève, immense notoriété du poète qui suscita de nombreuses... >Voir plus
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Atys a franchi les mers profondes sur un rapide esquif, et foulé d'un pied impatient le rivage phrygien, que couronnent d'épaisses forêts consacrées à Cybèle. Il en perce les profondeurs ; et là, pressé des aiguillons d'une rage insensée, privé de sa raison, il s'arme d'un caillou tranchant, et se mutile. A peine se voit-il dépouillé des attributs de la virilité, à peine a-t-il rougi la terre de son sang, que soudain il saisit dans ses mains d'albâtre le léger tambourin, le tambourin et le clairon, en usage dans les mystères de Cybèle. Sous ses doigts délicats retentit la peau bruyante d'un taureau ; agité d'un tremblement frénétique, d'une voix efféminée il s'adresse en ces termes à ses compagnons : «Corybantes, hâtez-vous, gravissons ces hauteurs et ces bois consacrés à Cybèle ; partez tous ensemble, troupeaux vagabonds de Dindymène, vous qui, cherchant de nouvelles contrées, exilés volontaires, avez suivi mes pas, et qui, compagnons de ma fuite, avez, guidés par moi, affronté les fureurs et les dangers d'une mer en courroux ; vous qui, par une haine invétérée contre Vénus, vous êtes dépouillés de votre virilité. Egayez vos esprits par des courses rapides. Ne tardez plus ; venez tous, suivez-moi au temple de Cybèle, dans les bois de la déesse, où résonnent les cymbales, où retentit le tambourin, où la flûte recourbée fait entendre les airs graves du Phrygien ; c'est là que les Ménades agitent leurs têtes couronnées de lierre, et, par des hurlements aigus, célèbrent les saints mystères ; c'est là que voltige la suite errante de la déesse. Courons vers ces lieux, courons nous joindre à leurs danses joyeuses».

A peine Atys, Bacchante d'un genre nouveau, eut-il adressé ces mots à ses compagnons, que soudain la troupe bruyante entonne des chants frénétiques. Le tambourin y répond par des mugissements, les cymbales par un bruit argentin, et le choeur tout entier, en bonds impétueux, s'élance vers les sommets verdoyants de l'Ida. Furieux, haletant, éperdu, hors de lui-même, Atys, le tambour en main, les guide à travers les forêts épaisses ; il court, pareil à la génisse indomptée qui veut se soustraire au joug. Ses compagnons le suivent d'un pas rapide : mais à peine ont-il touché le seuil du temple, que, succombant à la fatigue et à la faim, ils s'endorment, épuisés par l'excès de leurs efforts : un lourd sommeil s'appesantit sur leurs paupières, et leur rage s'éteint, vaincue par les douceurs du repos.

Mais dès que le soleil de ses premiers rayons eut doré le pâle azur des cieux, la terre et les mers orageuses ; dès que ses coursiers vigoureux eurent chassé devant eux les ombres de la nuit, le Sommeil s'éloigne d'Atys, et d'un vol rapide retourne dans les bras de la divine Pasithée. Soudain Atys s'éveille, un doux repos a calmé ses transports furieux ; il repasse dans son esprit ce qu'il a fait : alors il voit clairement et l'étendue de son sacrifice, et les lieux où il se trouve. Hors de lui-même, il retourne vers le rivage, et là, les yeux baignés de larmes, contemplant l'immensité des mers, l'infortuné adresse à sa patrie ces tristes paroles : «O ma patrie, ô toi qui m'as vu naître, toi qui m'as nourri dans ton sein ! ô ma patrie, toi que j'ai abandonnée, dans mon malheur, comme un esclave qui se dérobe aux fers de son maître ; toi que j'ai quittée pour les bois de l'Ida, pour m'exiler au milieu des neiges, parmi ces antres glacés, ces affreux repaires qu'il me faut disputer aux monstres qui les habitent ! ô ma chère patrie ! où te chercher, où te trouver ? Dans ces courts instants où mon esprit n'est point aveuglé par une rage insensée, que ne puis-je, du moins, diriger vers toi mes regards incertains ! Suis-je donc pour jamais relégué dans ces tristes forêts, loin de mon pays natal, de mes pénates, de mes biens, de mes amis, de mes parents ? Adieu, forum, palestre, stade, gymnases, adieu ! Malheur ! ah ! malheur à moi ! Que de fois mon âme n'aura-t-elle pas à gémir ! Est-il un genre de beauté que je n'aie possédé, moi, tour à tour enfant, adolescent, adulte et jeune homme ; moi l'honneur du gymnase, la gloire du pugilat. La foule qui se pressait à ma porte n'en laissait jamais refroidir le seuil ; et lorsque l'aurore venait m'arracher au sommeil, je trouvais ma demeure ornée de guirlandes de fleurs. Et maintenant, je ne serai plus, moi, qu'une prêtresse des dieux, une suivante de Cybèle, une Ménade ; triste reste de moi-même, je ne serai plus, moi, qu'un stérile eunuque. J'aurai pour séjour les déserts de l'Ida, couverts d'une éternelle neige ; ma vie se consumera sur ces sommets escarpés, dont la biche sauvage et le farouche sanglier sont les seuls habitants ? Ah ! qu'ai-je fait ? Mais douleur tardive ! inutiles regrets !»
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LES NOCES DE THETIS ET DE PELEE 3

On y voit Ariane, le coeur gros des fureurs d'un amour indomptable, qui, des rivages bruyants de Naxos, regarde s'éloigner les rapides vaisseaux de Thésée. Elle les voit ; mais à peine échappée aux trompeuses douceurs du sommeil, et seule, abandonnée sur une plage déserte, l'infortunée ne peut en croire ses yeux. Cependant son ingrat amant fend les flots à force de rames ; il fuit, et les vents emportent ses vaines promesses. Les yeux baignés de larmes, mais immobile, comme la statue de marbre d'une Bacchante, elle voit le parjure, elle le voit ; et son esprit incertain flotte au gré de mille sentiments opposés. Plus de réseau qui captive les tresses de ses blonds cheveux ; plus de voile qui couvre son sein ; plus d'écharpe qui retienne sa gorge haletante. Elle s'est dépouillée de tous ses ornements, ils sont tombés à ses pieds ; et les flots de la mer se jouent de ces vaines parures. Et que lui font et son réseau d'or et ses vêtements qui flottent au gré des ondes ; dans son délire, c'est Thésée qui remplit toute son âme ; Thésée qui absorbe toutes ses pensées ; Thésée qu'appellent tous ses voeux.

Malheureuse ! à quel deuil éternel, à quels soucis cuisants t'a condamnée Vénus, depuis le jour où, parti des rivages du Pirée, l'intrépide Thésée entra dans le palais de l'injuste roi de Crète ? Car on raconte que, ravagée par une peste cruelle, Athènes, pour expier le meurtre d'Androgée, fut forcée de livrer en tribut l'élite de ses jeunes gens et la fleur de ses vierges pour servir de pâture journalière au Minotaure. Voyant les remparts d'Athènes naissante dépeuplés par ce fléau, Thésée préféra se sacrifier lui-même pour sa chère patrie, plutôt que de laisser la ville de Cécrops porter à la Crète ces victimes humaines. Bientôt, porté sur un léger navire, et secondé par des vents propices, il aborde au palais de l'orgueilleux Minos.
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LES NOCES DE THETIS ET DE PELEE 9

Ces instructions, dont Thésée jusqu'alors avait constamment gardé le souvenir, fuient alors de sa mémoire aussi rapidement que les nuages chassés par les vents s'éloignent du sommet glacé des montagnes. Cependant son père interroge l'horizon du haut de la citadelle, d'un oeil inquiet et qui s'éteint dans des larmes sans fin. A peine a-t-il aperçu la voile funeste qui se gonfle au gré des vents, que, croyant son fils moissonné par un cruel destin, il se précipite du haut des rochers. Ainsi, l'impitoyable Thésée, en rentrant dans son palais, que la mort de son père a déjà rempli de deuil, ressent à son tour les maux que son coupable oubli a fait éprouver à la fille de Minos, lorsque l'infortunée, suivant d'un oeil chagrin sur les flots le vaisseau du perfide, roulait dans son coeur ulcéré mille sombres pensées.

Sur une autre partie de la tapisserie on voyait Bacchus, brillant d'une éternelle jeunesse, voltiger au milieu d'un choeur de Satyres et de Silènes. Il te cherche, Ariadne, car son cœur brûle d'amour pour toi. Les compagnons du dieu, ivres d'un saint délire, courent de tous côtés chantant : Evoé Evoé ! et bondissent en secouant leurs têtes. Les uns agitent des thyrses ornés de lierre ; les autres arrachent les membres palpitants d'un jeune taureau ; ceux-ci ceignent leurs corps de serpents entrelacés ; ceux-là, portant les corbeilles mystiques, célèbrent les orgies dont la vue est interdite aux profanes. Ici, le tambourin retentit sous la main qui l'élève et le frappe ; là, l'airain poli des cymbales rend un son clair et perçant. Ajoutez les rauques bourdonnements des cornets et les sifflements aigus de la trompette phrygienne.
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LES NOCES DE THETIS ET DE PELEE 7

Et pourtant, c'est moi qui t'ai sauvé, lorsque tu courais à une mort certaine ; moi qui ai sacrifié mon propre frère, plutôt que d'abandonner un perfide en ce moment suprême. Et pour prix de tant d'amour, tu me livres à la merci des bêtes féroces, des oiseaux de proie : je vais mourir sans qu'un peu de terre recouvre mes restes abandonnés ! Quelle lionne t'a donné le jour dans son antre solitaire ? Quel monstre des mers t'a vomi parmi des flots d'écume ? sont-ce les Syrtes, ou la dévorante Scylla, ou l'insatiable Charybde qui t'ont donné l'être, toi qui me payes ainsi d'avoir sauvé tes jours ? Si les ordres rigoureux de ton vieux père, si la crainte de lui déplaire éloignaient ton coeur de cet hymen, ne pouvais-tu, du moins, me conduire dans ta patrie ? esclave soumise, il m'eût été doux de te servir, de laver tes pieds blancs dans une eau limpide, de couvrir ton lit de tapis de pourpre.

Mais pourquoi, malheureuse, dans ton égarement, fatiguer les airs de tes inutiles lamentations ? insensibles à tes cris, les airs ne peuvent ni t'entendre, ni te répondre. Lui cependant, il vogue déjà en pleine mer, et nul mortel ne s'offre à mes yeux sur ce rivage désert. Ainsi, en ce moment funeste, le sort barbare insultant à mes maux, va jusqu'à refuser à mes plaintes une oreille qui les entende. Puissant Jupiter ! plût au ciel que jamais un navire athénien n'eût touché les remparts de Gnosse ! Que jamais un perfide nautonier, apportant au terrible Minotaure un cruel tribut, n'eût jeté l'ancre sur les rivages de la Crète ! Que jamais, cachant un coeur barbare sous les dehors les plus doux, un perfide étranger n'eût obtenu de nous l'hospitalité ! Où fuir désormais ? Quel espoir me reste-t-il dans mon malheur ? Regagnerai-je les monts de la Crète ? mais la vaste étendue d'une mer orageuse m'en sépare. Compterai-je encore sur les secours d'un père ? mais je l'ai quitté pour suivre un criminel teint du sang de mon frère ? Trouverai-je du moins des consolations dans l'amour d'un époux fidèle ? mais il fuit, et la rame flexible, se courbant sous l'effort des bras, l'emporte au loin ; puis, une plage abandonnée ; une île déserte et sans abri ; point d'issue, la mer m'enveloppe de toutes parts. Ainsi, nul moyen, nul espoir de salut : partout le silence ; partout la solitude, partout la mort !... Mais avant que le trépas ferme mes yeux à la lumière, avant que le sentiment abandonne mon corps épuisé ; à mon heure dernière, j'implorerai des dieux le juste châtiment du parjure qui me trahit. Vous dont le fouet vengeur punit les crimes des mortels, Euménides, vous dont la tête est couronnée de serpents ; vous qui portez empreint sur votre front le courroux qui brûle dans vos âmes ; venez, accourez, prêtez l'oreille à mes plaintes ; à ces plaintes que, dans mon malheur, le désespoir, l'amour, la démence et sa fureur aveugle arrachent du fond de mon coeur. Et s'il est vrai qu'elles partent d'une âme profondément ulcérée, ne souffrez pas que mes imprécations restent sans effet. Faites, divinités puissantes, que, par un oubli semblable à celui dont je suis victime, Thésée fasse son malheur et celui des siens».
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ATYS II

A peine ces vagues paroles, échappées de ses lèvres de rose, ont porté le sujet de ses plaintes aux oreilles des dieux, que Cybèle, détachant un des lions attelés à son char, stimule par ces mots la rage de ce farouche animal : «Va, cours, ministre de ma rage ; fais passer la fureur qui t'anime dans le sein de l'audacieux qui voudrait se soustraire à mon empire ; force-le de rentrer dans mes bois sacrés. Vole, bats tes flancs de ta queue ; anime-toi par les blessures que tu te fais toi-même ; que tout retentisse au loin de tes horribles rugissements ; que sur ton cou nerveux s'agite ta crinière menaçante».

Ainsi parla l'implacable déesse, et de ses propres mains elle délie le monstre. Libre du joug, il s'excite lui-même à la fureur ; frémissant de rage, il bondit, et, dans sa course vagabonde, fait voler en éclats les arbrisseaux fracassés. Bientôt il atteint la grève que le flot blanchit de son écume ; il aperçoit le jeune Atys, les yeux fixés sur la mer ; il s'élance... Atys, épouvanté, s'enfuit vers les forêts profondes : et désormais humble suivante, il y passa le reste de sa vie.

«O déesse, grande déesse, Cybèle souveraine de Dindyme ! loin de moi, loin de ma retraite tes saintes fureurs ! Porte ailleurs tes redoutables inspirations, tes transports frénétiques».
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Vidéo de  Catulle
En librairie le 1er septembre 2021.
Nous sommes à Rome, au septième siècle. C'est la capitale du monde, une ville immense et monstrueuse où s'observent et se haïssent Crassus, Cicéron, Catulle, Pompée, César ou Caton. Cicéron a fait de la morale son fonds de commerce, se présentant comme la voix du peuple alors qu'il est un défenseur acharné du Sénat et des intérêts de l'aristocratie. Publius Claudius Pulcher, héritier de la famille la plus noble de Rome, se fait adopter par un esclave, change son nom en Clodius, est élu tribun de la plèbe et chasse Cicéron de Rome. Cicéron prend le parti de Pompée, Clodius celui de César. La guerre entre eux dura dix ans et la République n'y survivra pas. Leur lutte est racontée ici par un philosophe grec, Metaxas, l'ami le plus brillant et le plus sarcastique de Clodius, qui le fait venir d'Athènes à Rome pour écrire les discours qui lui permettront d'affronter Cicéron à armes égales dans des joutes oratoires où se décide le sort de la Cité. Voici ses Mémoires, qui racontent la chute de la République romaine et la mort de Cicéron. Une allégorie de notre propre décadence ?
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