BOMBAY-EXPRESS
La vie que j'ai menée
M'empêche de me suicider
Tout bondit
Les femmes roulent sous les roues
Avec de grands cris
Les tape-cul en éventail sont à la porte des gares.
J'ai de la musique sous les ongles.
Je n'ai jamais aimé Mascagni
Ni l'Art ni les Artistes
Ni les barrières ni les ponts
Ni les trombones ni les pistons
Je ne sais plus rien
Je ne comprends plus...
Cette caresse
Que la carte géographique en frissonne
Cette année ou l'année prochaine
La critique d'art est aussi imbécile que l'espéranto
Brindisi
Au revoir au revoir
Je suis né dans cette ville
Et mon fils également
Lui dont le front est comme le vagin de sa mère
Il y a des pensées qui font sursauter les autobus
Je ne lis plus les livres qui ne se trouvent que dans les biblio-
thèques
Bel A B C du monde
Bon voyage !
Que je t'emporte
Toi qui ris du vermillon
Avril 1914.
MEE TOO BUGGI
Comme chez les Grecs on croit que tout homme bien élevé doit
savoir pincer la lyre
Donne-moi le fango-fango
Que je l'applique à mon nez
Un son doux et grave
De la narine droite
Il y a la description des paysages
Le récit des événements passés
Une relation des contrées lointaines
Bolotoo
Papalangi
Le poète entre autres choses fait la description des animaux
Les maisons sont renversées par d'énormes oiseaux
Les femmes sont trop habillées
Rimes et mesures dépourvues
Si l'on fait grâce à un peu d'exagération
L'homme qui se coupa lui-même la jambe réussissait dans le
genre simple et gai
Mee low folla
Mariwagi bat le tambour à l'entrée de sa maison
Juillet 1914
Il dort
Il est éveillé
Tout à coup, il peint
Il prend une église et peint avec l'église
Il prend une vache et peint avec une vache
Avec une sardine
Avec des têtes, des mains, des couteaux…
— Blaise Cendrars, 19 poèmes élastiques, Portrait de Chagall 1919
« Contrastes »
Les fenêtres de ma poésie sont grand’ouvertes sur les boulevards et dans ses vitrines
Brillent
Les pierreries de la lumière
Écoute les violons des limousines et les xylophones des linotypes
Le pocheur se lave dans l’essuie-main du ciel
Tout est taches de couleur
Et les chapeaux des femmes qui passent sont des comètes dans l’incendie du soir
L’unité
Il n’y a plus d’unité
Toutes les horloges marquent maintenant 24 heures après avoir été retardées de dix minutes
Il n’y a plus de temps.
II n’y a plus d’argent.
A la Chambre
On gâche les éléments merveilleux de la matière première
Chez le bistro
Les ouvriers en blouse bleue boivent du vin rouge
Tous les samedis poule au gibier
On joue
On parie
De temps en temps un bandit passe en automobile
Ou un enfant joue avec l’Arc de Triomphe...
Je conseille à M. Cochon de loger ses protégés à la Tour Eiffel.
Aujourd’hui
Changement de propriétaire
Le Saint-Esprit se détaille chez les plus petits boutiquiers
Je lis avec ravissement les bandes de calicot
De coquelicot
II n’y a que les pierres ponces de la Sorbonne qui ne sont jamais fleuries
L’enseigne de la Samaritaine laboure par contre la Seine
Et du côté de Saint-Séverin
J’entends
Les sonnettes acharnées des tramways
Il pleut les globes électriques
Montrouge Gare de l’Est Métro Nord-Sud bateaux-mouches monde
Tout est halo
Profondeur
Rue de Buci on crie L'Intransigeant et Paris-Sports
L’aérodrome du ciel est maintenant, embrasé, un tableau de Cimabue
Quand par devant
Les hommes sont
Longs
Noirs
Tristes
Et fument, cheminées d’usine
TITRES
Formes sueurs chevelures
Le bond d'être
Dépouillé
Premier poème sans métaphores
Sans images
Nouvelles
L'esprit nouveau
Les accidents des féeries
Quatre cents fenêtres ouvertes
L'hélice des gemmes des foires des menstrues
Le cône rabougri
Les déménagements à genoux
Dans les dragues
À travers l'accordéon du ciel et des voix télescopées
Quand le journal fermente comme un éclair claquemuré
Manchette.
Juillet 1914
Interview de : Pierre Corbucci
pour son livre : LA DISPARITION D'ARISTOTELES SARR
paru le 18 janvier 2024
Résumé du livre :
Un roman aux accents tragiques qui entraîne le lecteur au coeur de la forêt amazonienne dans le combat qui oppose l'humain à la nature.
Amérique du Sud, années 1920. Lieutenant du génie, Aristoteles Sarr est chargé d'aménager une piste d'atterrissage au coeur de la forêt amazonienne. le survol de cette zone jamais cartographiée doit permettre de prolonger le chemin de fer. Convaincu du bien-fondé de sa mission, le jeune lieutenant n'a pas conscience que la jungle est animée d'une vie propre, que ses ténèbres fourmillent de dangers, et qu'à vouloir dominer la nature, on a tôt fait de s'en attirer les foudres. Aux abords de l'extravagant palais de la Huanca, dernière enclave humaine avant l'inconnu, d'étranges disparitions se multiplient.
Un roman picaresque aux mille nuances de vert, aussi puissant qu'une tragédie antique.
Bio de l'auteur :
Pierre Corbucci est né en 1973. Après une enfance varoise, il étudie et enseigne l'histoire et la géographie avant de mettre sa plume au service de diverses agences de communication. Esprit curieux, mélomane avisé, voyageur alerte, il est toujours à l'affût de nouvelles histoires. Son goût marqué pour les littératures d'Amérique latine et le roman d'aventures lui donne envie d'explorer de nouveaux horizons littéraires. Fervent admirateur de Blaise Cendrars et de Gabriel García Márquez, il entraîne ses lecteurs aux confins de la jungle amazonienne à travers ce second roman.
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