ILES
XI. AMOLLI
Jardin touffu comme une clairière
Sur le rivage paresse l'éternelle chanson bruissante du vent dans
les feuillages des filaos
Coiffé d'un léger chapeau de rotin armé d'un grand parasol de
papier
Je contemple les jeux des mouettes et des cormorans
Ou j'examine une fleur
Ou quelque pierre
À chaque geste j'épouvante les écureuils et les rats palmistes
Par la fenêtre ouverte je vois la coque allongée d'un steamer de
moyen tonnage
Ancré à environ deux kilomètres de la côte et qu'entourent déjà
les jonques les sampans et les barques chargés de fruits
et de marchandises locales
Enfin le soleil se couche
L'air est d'une pureté cristalline
Les mêmes rossignols s'égosillent
Et les grandes chauves-souris vampires passent silencieusement
devant la lune sur leurs ailes de velours
Passe une jeune fille complètement nue
La tête couverte d'un de ces anciens casques qui font aujourd'hui
la joie des collectionneurs
Elle tient à la main un gros bouquet de fleurs pâles et d'une
pénétrante odeur qui rappelle à la fois la tubéreuse et le
narcisse
Elle s'arrête court devant la porte du jardin
Des mouches phosphorescentes sont venues se poser sur la corne
qui somme son casque et ajoutent encore au fantastique
de l'apparition
Rumeurs nocturnes
Branches mortes qui se cassent
Soupirs de bêtes en rut
Rampements
Bruissements d'insectes
Oiseaux au nid
Voix chuchotées
Les platanes géants sont gris pâle sous la lune
Du sommet de leur voûte retombent des lianes légères qu'une
bouche invisible balance dans la brise
Les étoiles fondent comme du sucre
En voyage, 1923.
ILES
X. HATOUARA
Elle ne connaît pas les modes européennes
Crépus et d'un noir bleuâtre ses cheveux sont relevés à la
japonaise et retenus par des épingles en corail
Elle est nue sous son kimono de soie
Nue jusqu'aux coudes
Lèvres fortes
Yeux langoureux
Nez droit
Teint couleur de cuivre clair
Seins menus
Hanches opulentes
Il y a en elle une vivacité une franchise des mouvements et des
gestes
Un jeune regard d'animal charmant
Sa science : la grammaire de la démarche
Elle nage comme on écrit un roman de quatre cents pages
Infatigable
Hautaine
Aisée
Belle prose soutenue
Elle capture de tout petits poissons qu'elle met dans le creux de
sa bouche
Puis elle plonge hardiment
Elle file entre les coraux et les varechs polycolores
Pour reparaître bientôt à la surface
Souriante
Tenant à la main deux grosses dorades au ventre d'argent
Toute fière d'une robe de soie bleue toute neuve de ses babou-
ches brodées d'or d'un joli collier de corail qu'on vient de
lui donner le matin même
Elle m'apporte un panier de crabes épineux et fantasques et de
ces grosses crevettes des mers tropicales que l'on appelle
des « caraques » et qui sont longues comme la main
ILES
II. PROSPECTUS
Visitez notre île
C'est l'île la plus au sud des possessions japonaises
Notre pays est certainement trop peu connu en Europe
Il mérite d'attirer l'attention
La faune et la flore sont très variées et n'ont guère été étudiées
jusqu'ici
Enfin vous trouverez partout de pittoresques points de vue
Et dans l'intérieur
Des ruines de temples bouddhiques qui sont dans leur genre
de pures merveilles
III. LA VIPÈRE À CRÊTE ROUGE
À l'aide de la seringue Pravaz il pratique plusieurs injections de
sérum du docteur Yersin
Puis il agrandit la blessure du bras en pratiquant au scalpel une
incision cruciale
Il fait saigner la plaie
Puis la cautérise avec quelques gouttes d'hypochlorite de chaux
IV. MAISON JAPONAISE ...
V. PETIT JARDIN
Lis chrysanthèmes
Cycas et bananiers
Cerisiers en fleurs
Palmiers orangers et superbes cocotiers chargés de fruits
West
I. ROOF–GARDEN
extrait 2
Je crois Madame murmura le jeune homme d'une voix vibrante de
passion contenue
Je crois que nous serons admirablement ici
Et d'un large geste il montrait la large mer
Le va-et-vient
Les fanaux des navires géants
La géante statue de la Liberté
Et l'énorme panorama de la ville coupée de ténèbres perpendiculaires
et de lumières crues
Le vieux savant et les deux milliardaires sont seuls sur la terrasse
Magnifique jardin
Massifs de fleurs
Ciel étoilé
Les trois vieillards demeurent silencieux prêtent l'oreille au bruit des
rires et des voix joyeuses qui montent des fenêtres illuminées
Et à la chanson murmurée de la mer qui s'enchaîne au gramophone
ILES
VI. ROCAILLES
Dans un bassin rempli de dorades de Chine et de poissons aux
gueules monstrueuses
Quelques-uns portent des petits anneaux d'argent passés dans
les ouïes
VII. LÉGER ET SUBTIL...
Le seul fait d'exister est un véritable bonheur
VIII. KEEPSAKE
Le ciel et la mer
Les vagues viennent caresser les racines des cocotiers et des
grands tamarins au feuillage métallique
IX. ANSE POISONNEUSE
L'eau est si transparente et si calme
On aperçoit dans les profondeurs les broussailles blanches des
coraux
Le balancement prismatique des méduses suspendues
Les envols des poissons jaunes roses lilas
Et au pied des algues onduleuses les holothuries azurées et les
oursins verts et violets
Interview de : Pierre Corbucci
pour son livre : LA DISPARITION D'ARISTOTELES SARR
paru le 18 janvier 2024
Résumé du livre :
Un roman aux accents tragiques qui entraîne le lecteur au coeur de la forêt amazonienne dans le combat qui oppose l'humain à la nature.
Amérique du Sud, années 1920. Lieutenant du génie, Aristoteles Sarr est chargé d'aménager une piste d'atterrissage au coeur de la forêt amazonienne. le survol de cette zone jamais cartographiée doit permettre de prolonger le chemin de fer. Convaincu du bien-fondé de sa mission, le jeune lieutenant n'a pas conscience que la jungle est animée d'une vie propre, que ses ténèbres fourmillent de dangers, et qu'à vouloir dominer la nature, on a tôt fait de s'en attirer les foudres. Aux abords de l'extravagant palais de la Huanca, dernière enclave humaine avant l'inconnu, d'étranges disparitions se multiplient.
Un roman picaresque aux mille nuances de vert, aussi puissant qu'une tragédie antique.
Bio de l'auteur :
Pierre Corbucci est né en 1973. Après une enfance varoise, il étudie et enseigne l'histoire et la géographie avant de mettre sa plume au service de diverses agences de communication. Esprit curieux, mélomane avisé, voyageur alerte, il est toujours à l'affût de nouvelles histoires. Son goût marqué pour les littératures d'Amérique latine et le roman d'aventures lui donne envie d'explorer de nouveaux horizons littéraires. Fervent admirateur de Blaise Cendrars et de Gabriel García Márquez, il entraîne ses lecteurs aux confins de la jungle amazonienne à travers ce second roman.
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