Grosse patate

Frédéric Chagnard est l'écrivain des microcosmes, des lieux fermés, en tension extrême, des aquariums où tournent en rond d'étranges amphibies qu'on appelle humains... chacun sa marotte, sa phobie, son obsession. Il y a aussi le dehors, menaçant que l'on aperçoit à travers l'épaisseur de la vitre. En cela il nous rappelle l'univers de Georges Simenon où l'ambiance plus que l'intrigue suffit à déclencher le crime.
Frédéric Chagnard parvient à nous inquiéter, nous mettre mal à l'aise quand se rompt l'équilibre, quand la tension, à son comble, pousse l'un des protagonistes à la faute. Mais est-ce une faute ou simplement le récit qui se cherche une issue, un chemin vers le large où respirer.
Nous, lecteurs, nous trouvons ici prisonnier d'un lotissement, cité dortoir, avec ses quelques magasins et ses habitants vieillissant, tous apparemment unis contre un groupe de ferrailleurs ou SDF de l'autre côté du fleuve. Mais cette haine envers l'extérieur ne leur suffit pas. Chacun en quête de pouvoir ou d'exutoire à sa violence intérieure, s'attribue un rôle dans l'aquarium qui le dépasse : les justiciers, les aide soignants, les amoureuses, les golden boys...
Et nous, lecteurs ? le rôle du détective ? Non pas ! le rôle du survivant ? Peut-être, s'il nous est donné assez de lucidité pour ne pas sombrer au fond de l'aquarium.

Oh il s'en passe des choses dans ce lotissement! La veuve (d'un policier dont elle a gardé l'arme) s'est auto-proclamée surveillante, et rien ne lui échappe. Qui couche avec qui, quand, à quelle heure les voisins rentrent, et elle se focalise sur ces caravanes installées de l'autre côté du canal, avec ces ferrailleurs qu'elle accuse de tout.

Un ivrogne, une femme infidèle, une vieille dame et son aide à domicile, la Grosse Patate du titre, censément amoureuse d'un agent d'assurances trompeur.

Sans trop en dévoiler, sachez que c'est noir-noir, qu'il y aura des morts, ça va péter!
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