Tous nos rêves ordinaires

Dans le lotissement des Filatures à Val-de-Seine, il y a Cyrus Hoarau, peau brune, buisson de cheveux crépus et yeux en amande, Antonin Gasparini, un blond rondouillet à lunettes et Mehdi Assaoui, grand maigre et crâne rasé. Cyrus est amoureux de Romane Fauvel mais il ne voit pas que celle-ci est davantage préoccupée par sa situation familiale avec un père alcoolique et violent, Serge et une mère dépressive et apathique, Blanche.

Romane Fauvel est amie avec Lola Chaumanet, une fille jolie, vive et déterminée, qui est retenue pour une émission de télévision, All Stars. Romane se laisse tenter par le populaire Gabriel Orsini qui enchaîne les flirts et pense uniquement au sexe. Il vit avec sa mère, Sylvie, dans une maison bourgeoise à Jouvenel. Il passe l'été à traîner avec Simon Paulin, son meilleur ami.

Cyrus est approchée par la studieuse Chloé, la fille de la coiffeuse mais il est tellement préoccupé par Romane qu'il laisse passer sa chance et Chloé se tourne alors vers Djibril.

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“Élodie Chan est née en 1987, en Provence, et vit aujourd'hui à Rouen. Après des études littéraires, elle décide de devenir contorsionniste et part se former à Paris, Pékin et Montréal. Elle travaille ensuite pour l'opéra, le cirque et la Cie Kafig. En tournée, elle profite d'innombrables heures de train, d'avion ou de jetlag à l'hôtel pour s'amuser à tordre aussi les mots. Aujourd'hui, elle se contorsionne le jour puis écrit la nuit. Ou l'inverse.” source : éditeur

Elodie Chan a déjà publié en 2021 chez Thierry Magnier dans la collection Exprim', Et dans nos coeurs, un incendie. Ce premier roman racontait la rencontre entre deux lycéens, Isadora et Tristan, elle, venait de mettre le feu à une poubelle tandis que lui, était prêt à se pendre. Leur rencontre se transformait alors en une histoire d'amour passionnée.

Tous nos rêves ordinaires est sélectionné pour le prix Vendredi, premier grand prix national de littérature adolescente en langue française. le Prix Vendredi a été créé en 2016 par le groupe des éditeurs pour la jeunesse du Syndicat national de l'édition pour valoriser le dynamisme et la qualité de création de la littérature jeunesse contemporaine. Chaque année, une sélection de dix ouvrages francophones destinés aux plus de 13 ans, publiés entre le 1er octobre de l'année précédente et le 30 septembre de l'édition en cours, est soumise à un jury de professionnels.

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Elodie Chan raconte la vie dans un lotissement d'une petite ville sur les bords de Seine au début des années 2000 dans la torpeur de l'été. Les jeunes s'ennuient, ils passent leur temps ensemble, ils rêvent d'amour et de sexe, ils enchaînent les soirées alcoolisées, ils se rencontrent et ils se manquent. Elodie Chan alterne les histoires des différents personnages avec un narrateur externe adoptant une focalisation interne. La narration est morcelée et parfois difficile au début du roman d'autant que Elodie Chan joue sur le texte : les phrases parfois se désagrègent en une suite de mots, souvent pour exprimer les sentiments des personnages, elle joue même sur la mise en page avec des espaces parfois plus amples pour exprimer l'hésitation, l'attente, la surprise etc. le ton est populaire et choisi pour la vraisemblance romanesque de dialogues de jeunes gens du début du siècle. Il y a même quelques fac-similés de petits mots échangés entre ces adolescents car il n'y avait pas encore de téléphone portable.

Le roman traduit bien cet accablement d'une cité morne en plein été, l'ennui de ces jeunes et l'explosion de leurs désirs.

Si Elodie Chan alterne les histoires d'une petite dizaine de personnages, elle développe l'avantage les histoires de deux jeunes femmes, Romane et Lola et finalement l'histoire principalement de Romane, la misère de sa vie familiale entre un père ouvrier, alcoolique et violent et une mère ayant abandonné toute velléité de résistance, l'abandon des pouvoirs publics et en premier lieu de l'Education nationale et nous assistons aux errements de cette héroïne avant qu'elle ne trouve comment prendre son destin en main.

Ce roman adolescent correspond bien à l'identité de la collection Exprim'.

Un des grands romans jeunesse de la prochaine rentrée littéraire, il est l'oeuvre d'Elodie Chan dont on avait déjà beaucoup aimé et dans nos coeurs un incendie.
Chronique d'un été dans une banlieue pavillonnaire , une bande d'ados oscille entre rêves de gloire, désirs inavoués, violences parentales.. ca pourrait être de la littérature de roman de gare mais grâce à la plume électrisante d'Elodie c'est toujours juste, fort, percutant, émouvant, hypnotique, puissant !

Ce roman, je sais pas ce qu'il m'a fait. Je l'ai détesté puis adoré, levé les yeux au ciel puis essayé de ravaler un sanglot. A la fin, je me suis rendue compte qu'il avait réussi à me séduire sans que je m'y attende, avec sa douce et si puissante poésie. Parce que c'est vrai, le style d'écriture n'est pas banal, il déroute, déstabilise, peut même nous perdre au début. Mais alors, à mesure que nos yeux continuent de lire, les mots se mettent à danser et tout devient plus Fort Percutant Sensible Touchant Poétique et tellement Réaliste et Révoltant.

En lisant le résumé, j'ai ressenti de l'antipathie. La sensualité a le don de me mettre très mal à l'aise. Pour moi je n'étais clairement pas la cible de cette histoire. J'avais tort. Même si je n'ai pas apprécié certains passages, trop sensuel (et sexuel) pour moi justement, l'histoire a fini par m'emporter dans son sillage, la plume me protégeant du malaise. J'ai rencontré des personnages vrais et justes auxquels n'importe quel.le adolescent.e peut s'identifier. Naviguant entre découvertes, questionnements et premières fois. Amour Angoisse Tristesse Colère. Et la peur. Parce que parfois, il arrive qu'on ait peur de rentrer chez soi, peur d'affronter ce qui s'y cache. Parce que parfois, notre "chez soi" n'est pas synonyme de sécurité, mais d'ogre, de poings, de cris. C'est abominable mais... ordinaire. Tout comme les violences sexuelles, tout comme les coeurs brisés. Ce roman c'est ça : simplement des adolescent.es ordinaires dans une vie ordinaire. Qui se rencontrent, se croisent, se remarquent. Chacun.e se trouvant entre fantasmes et rêves. Des rêves de toutes sortes. Retrouver les étoiles. Devenir mannequin. S'en aller. Changer. Être aimer. Échapper à cette réalité qui enferme et asphyxie. Rêver. Encore. Et encore. Jusqu'à ce que la vie finisse par les rattraper. Et les détruire. Désillusion. Parce que dans la vie ordinaire on souffre, on accuse les coups et on continue d'avancer. Mais ce qui nous permets d'y survivre c'est ça, tous nos rêves ordinaires.

Elodie Chan nous a ramené en 2000 pour nous raconter les vies croisées de plusieurs grands ados de 16 ans sans avoir à subir les foudres des lecteurs et lectrices post #metoo vu le contexte.
Il y a 3 jeunes filles : Romane, jolie rousse qui suscite l'intérêt de tous les garçons qui le voient; Lola, jolie blonde qui ne rêve que de célébrité télévisuelle quel qu'en soit le prix; Chloé, "moche" selon les critères de certains gars.
Puis il y a les garçons : Cyrus, à la peau dorée et fou amoureux de Romane sa voisine; Gabriel, jeune "blouson doré" qui se drogue et consomme les filles à la chaîne; Ydriss, celui qui voit la beauté de Chloé; quelques figurants comme Thom le frère de Lola ou les copains de Cyrus.
Côté adultes, il y a les parents de Romane : Blanche la victime de Serge que Romane appelle l'Ogre; Anne, la mère de Lola qui a été Miss Normandie 1979.

C'est un roman plutôt dur qui évoque des sujets contemporains. Il y a les violences familiales via le personnage de Serge avec une épouse soumise et éteinte et une fille qui voudrait se révolter. Lola est le stéréotype des gamines qui veulent ressemble aux modèles de mode et prête à presque tout pour faire mieux que sa mère quitte à aller jusqu'à l'anorexie. Autre stéréotype avec Gabriel, le fils de famille friqué, qui ne pense qu'à coucher avec toutes les filles qu'il voit et qui va être subjuguée par Romane au point de presque se remettre en cause. Nouveau stéréotype avec Chloé "la "moche" qui aime lire et se décide à ne plus attendre Cyrus quand elle rencontre Ydriss qui aime lire aussi. Et il y a l'amoureux éperdu Cyrus qui oublié tout dès que la rousse Romane apparaît et Romane qui ne sait pas où elle va.

Bien sûr les portraits des jeunes sont plutôt des stéréotypes un peu caricaturaux, mais cela fonctionne bien. En 2000 où se situe l'action du livre, il n'y avait pas encore les réseaux sociaux aussi développés, ni les téléphones portables dans toutes les mains. Je n'ose imaginer ce que serait Lola de nos jours, sans doute une influenceuse suivie par de nombreux abonnés. J'espère que Blanche ou plutôt une voisine irait porter plainte contre Serge. Chloé serait, hélas, harcelée sur les réseaux comme une intello moche. L'année 2000 et son recul permet d'avoir de l'empathie pour les personnages.

Le roman est bien écrit, mais j'ai parfois eu du mal avec la mise en page et le manque de ponctuation par moments. Elodie Chan est une autrice intéressante dont je vais essayer de trouver d'autres romans.

À noter que ce roman grands ados / jeunes adultes peut aussi être lu par les grands-mères comme moi.

La grande force de ce roman, c'est la façon un peu dingue qu'il a d'exalter l'adolescence. Dans le style surtout : métaphores intenses, grande oralité qui crie la force de la jeunesse, les sentiments qui débordent, les désirs, les rêves, les souffrances. Parfois, j'ai pu trouver que le style avait quelques lourdeurs et débordait un peu trop dans le lyrisme (ce qui m'a rendue assez indifférente à certaines scènes censées être émouvantes) mais il convient bien à un lectorat adolescent. C'est une langue extrêmement sensuelle qui illustre bien le regard adolescent sur son corps et celui des autres : l'envie de plaire, le désir naissant de l'autre. Néanmoins, j'ai parfois trouvé les descriptions des corps trop sexualisées, même si, dans un sens, elles peuvent ainsi illustrer la perception des adolescents sur le corps - notamment pour le personnage de Lola qui considère le corps féminin uniquement sous le prisme de l'objet sexuel.

L'autrice reprend beaucoup de stéréotypes romanesques, présentés dès le début du roman : les meilleures amies « pétasses », la fille intello moche, le mec populaire qui baise tout le temps, le gars rêveur un peu looser... Des situations aussi : tel personnage qui observe la fille qu'il aime en secret se déshabiller derrière sa fenêtre avec son téléscope, tel autre qui jette des graviers sur la fenêtre pour réveiller son voisin... Dès le début du roman, j'ai pensé que l'autrice jouait de ces stéréotypes pour les dépasser. Et c'est en partie vrai : au fur et à mesure des chapitres, les personnages se révèlent dans leurs secrets, leurs fragilités... Mais il y en a beaucoup, peut-être trop, et j'ai eu l'impression qu'il n'y avait pas suffisamment de temps pour les explorer vraiment. Certains, comme Chloé ou Gabriel, ne m'ont pas paru très intéressants à l'intrigue : certes, ils montrent la diversité des profils d'adolescents qui ensemble constituent "les adolescents ordinaires" de ce petit quartier, mais ils sont, dans le récit, un peu à l'écart des autres personnages, Romane, Cyrius et Lola, qui sont, eux, centraux. J'ai été également déçue du traitement de certaines relations dont le dénouement m'a paru trop attendu et pas assez crédible (notamment la relation entre Romane et Cyrius ou entre Romane et Gabriel.)

Malgré ces quelques défauts, je garde un bon souvenir de lecture. J'ai aimé la relation entre Romane et Lola, par exemple, et les non-dits qu'il reste de cette relation à l'issue du récit. Ensemble, elles abordent des sujets intéressants, autour de l'identité de femme et de ce que c'est, qu'être libre de son corps, et toujours avec complexité.
Tous nos rêves ordinaires est un roman ambitieux étant donné le nombre de personnages et d'intrigues emmêlées : il m'a parfois semblé un peu maladroit. Néanmoins, il est porté par une voix sincère et proche des adolescents, qui plaira à un grand nombre.